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DEATH IN JUNE : A L’ombre Des Runes (2012)





Auteur : Aldo Chimenti
Langue : Français
Parution : 16 février 2012
Maison d'édition Française : Camion Noir
Nombre de pages : 790
Genre : Hagiographie
Dimension : 15 x 21 cm
ISBN-10 : 2357791721
ISBN-13 : 9782357791725








Il fallait bien que ça arrive un jour… Jusqu’ici, Camion Noir ne m’avait jamais déçu. J’ai toujours trouvé leurs éditions fort pertinentes, même si, au bout du compte, leur catalogue – à un moment T très précis de leur parcours – se confondait avec un livret fort exhaustif des œuvres consacrées aux rapports entre le nazisme et l’occultisme, et aux biographies basées sur la vie de Charles Manson.
Nonobstant cet état de fait, je me jetais régulièrement sur leurs sorties, avide d’ouvrages hauts en couleurs que j’étais, et il fallait bien qu’un jour je tombe sur le pavé de trop, ce qui est chose faite à présent.

DEATH IN JUNE.

Sans être un fan hardcore du plus ou moins one-man-project de Douglas Pearce, j’avoue avoir écouté certains albums avec grand plaisir, notamment The Brown Book, The Wall Of Sacrifice, et surtout les projets avec l’inénarrable Boyd Rice, l’imprévisible Albin Julius, et les hermétiques Joyaux de la Princesse.
Il était donc plus ou moins évident que j’allais apprécier la lecture de ce livre, écrit par un chroniqueur/fan, tout comme je peux l’être parfois lorsque je traite d’un ensemble dont j’ai toujours aimé les œuvres.
Las, quelle erreur d’appréciation je commettais…

Peut-on vraiment blâmer Aldo Chimenti pour le ratage quasi complet qu’est DEATH IN JUNE : A l’ombre des runes ? Oui et non. En tant que rédacteur et critique, il est vrai qu’Aldo a peu de circonstances atténuantes, et ce, pour plusieurs raisons. En tant que fan, on peut déjà plus tolérer ses débordements lyriques incessants, sans pour autant les excuser. Explications.

Le début du livre, consacré aux années pré DIJ, est quasiment parfait. Aldo exhume ce qui fut une légende totale de la scène Punk/Post Punk anglaise, souvent associée d’ailleurs aux CLASH et à CRASS dans ce que l’on nommait « les trois C », je parle bien sur de CRISIS. Bien que de moindre importance que ces deux derniers, l’impact de CRISIS fut énorme, tant au niveau de leur musique que de leur message politique, très axé extrême gauche. Et le style employé par l’auteur est à ce moment là très idoine, car direct, sans ambages et percutant. Avec foultitudes de détails, il recréé l’ambiance de la scène anglaise de la fin des années 70, évoquant avec flair les rares déflagrations vinyliques du groupe, devenues collector depuis longtemps et rassemblées en CD.
Et on savoure ces premiers chapitres en se disant qu’une fois de plus, la lecture s’annonce captivante et riche en émotions/souvenirs.

Las…

En effet, lorsque Aldo aborde la carrière même de DIJ, le ton change. Et la plume se fait incroyablement lourde, emphatique, empesée, ampoulée, et de fait, rend l’ouvrage quasiment impossible à lire…Il m’a fallu quatre fois plus de temps pour venir à bout de ce bloc que pour terminer le pavé de Nikolas Schreck sur Charles Manson, pourtant deux fois plus épais. Mais séparons le grain (sec) de l’ivraie (assommante) je vous prie. Les passages sur l’histoire même de DIJ, sont assez digestes. DIJ comme beaucoup de ses contemporains axés sur une musique marginale et froide, a toujours été un groupe très borderline dans son iconographie, mais aussi dans ses textes et ses déclarations. Enfin pour être précis et juste, disons plutôt Douglas Pearce, qui en fut à l’origine, et le seul maître à bord pendant toutes ces années post départ de Tony, puis Patrick. Alors bien sur, on peut être choqué par sa fascination pour le Troisième Reich, et ses digressions visuelles/philosophiques, sa passion non dissimulée pour Ernst Röhm, chef de la Sturmabteilung, créé par Hitler dans les années 20. Mais tout ceci reste commun à de nombreux autres groupes qui l’expriment au travers d’une prose beaucoup moins poétique. Jeff Hanneman en étant le parfait exemple.
Et donc, ne constitue pas un obstacle majeur à la lecture de ce livre.

Car outre le travers emphatique de l’auteur déjà cité (pour exemple, je prends un passage analytique d’un LP de DIJ au hasard : « La construction musicale de cet enregistrement est investie d’énergies inéthiques-martiales très prononcées, transfusées dans le mouvement continu d’un battement rythmique qui talonne parmi les lames circulaires d’une séquence électronique acharnée, avec les estocades mélodieuses de Douglas et Tibet qui s’affrontent en combat singulier pour un duel à mort »…), son autre défaut est de ne laisser la parole qu’à son seigneur et maître, Douglas P.
Rien ne sort de la bouche de David Tibet, de Boyd Rice, d’Albin Julius, ou de ses anciens comparses. C’est en fait un monologue incessant, du coup emprunt d’une partialité qui n’est pas forcément de mise, surtout lorsque l’artiste vénéré se perd dans des digressions onirico-philosophiques pas toujours sincères ni pertinentes. Après, vous êtes fans de Douglas P ou pas, comme d’autres avant vous ont pu l’être de Jim Morrison…Je trouve personnellement sa plume – en tant que lecteur/auditeur ayant étudié la poésie – très alambiquée et qui se perd souvent dans les mêmes métaphores/champs lexicaux/thématiques à propos de la mort, de la dignité, de la souffrance et du naufrage de l’Europe en tant qu’entité humaine/politique.

Mais ça n’est pas le cas d’Aldo Chimenti, qui s’enivre de chaque note propagée par son maître, le traitant quasiment comme un Dieu antique, approuvant chacun de ses choix, pourfendant ses détracteurs (à ce titre, le passage justifiant l’annulation d’une participation à un festival de DIJ, sous prétexte que les organisateurs exigeaient la signature d’une pétition contre des partis néo-nazis est édifiante…Douglas, selon l’auteur, à annulé son set « au nom de la liberté d’expression »…On croit rêver…), et acclamant à gorge chaude chacune de ses sorties, en prenant bien soin de préciser à chaque instant qu’il a reçu des mains même de son idole chaque pièce discographique pour bien indiquer qu’il fait partie du cénacle. Je l’avoue, au départ, j’ai trouvé ça plutôt touchant. Mais lorsque je me suis rendu compte que ce réflexe était quasi systématique, j’ai fini par trouver ça assez pénible. Certes, Aldo connaît l’histoire de DEATH IN JUNE, qu’il suit depuis des années et des années, mais ça ne justifie pas vraiment le ton général de ces chapitres qui tiennent plus d’une hagiographie pédante et redondante que d’une biographie honnête et sincère.

Du coup, pendant la lecture de A l’ombre des runes, j’ai réécouté plusieurs albums de DEATH IN JUNE. Et si je les ai trouvé toujours aussi bien faits, le souvenir du panégyrique d’Aldo les a dépréciés irrémédiablement, et j’ai préféré me concentrer sur les travaux d’artistes ayant collaboré avec Douglas P, et d’autres, tels Der Blutharsch, les excellents Current 93 de Tibet ou encore Les Joyaux de la Princesse, voire même Karjalan Sissit…Ce qui me fait dire qu’au final, ce livre a eu un effet inverse à celui souhaité, et m’a éloigné d’un groupe que j’affectionnais plus ou moins auparavant.

Alors que dire pour résumer ce sentiment global de gâchis ennuyeux voire soporifique…Pas grand chose, excepté que si vous êtes dans le même cas que l’auteur, alors je pense que sa prose saura vous emmener vers des hauteurs que vous serez à même de tutoyer avec délectation. Dans le cas contraire, si DEATH IN JUNE ne représente pour vous qu’un nom n’évoquant pas grand chose, voire rien, ou juste un concept de groupe modérément intéressant, vous n’aurez aucune envie d’approfondir le sujet, et passerez rapidement votre chemin. Contrairement à moi qui ai du produire un effort monstrueux pour venir à bout de ce brouet indigeste afin de pouvoir vous en parler.


Ajouté :  Vendredi 06 Juillet 2012
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
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