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TODESSTOß (de) - Hirngemeer (2015)






Label : I, Voidhanger Records
Sortie du Scud : 25 septembre 2015
Pays : Allemagne
Genre : Avant Garde Derpressive Black
Type : Album
Playtime : 3 Titres - 75 Mins





Le Black Metal à la base, c'est un peu frappé et sacrément bruyant. Et pas forcément drôle. Le Depressive Black, c'est la même chose, en plus lent, plus noir, et plus déprimant, et on atteint déjà le fond des abîmes du supportable.
Mais le Depressive Black expérimental, c'est le fond du fond. En gros, c'est du Black, hyper déprimant, qui en plus prend des libertés avec les structures, et la forme, tout en gardant le fond. Autant dire que dans ce créneau évoluent de joyeux drilles fans de Zouk et de parties de tarot jusqu'au bout de la nuit, nez rouge et coussin péteur compris dans le pack.
Remarquez, ils sont assez peu pour oser. La plupart préfèrent à la limite frotter le Black à l'avant-garde, ou le rendre encore plus déprimant qu'un poème de Dead. Mais lorsque toutes les composantes se mettent en place, c'est formidable, unique, et le pire, c'est que parfois, ça fonctionne. Encore faut il pour ça que les musiciens n'hésitent pas et mettent le paquet. Ce qui est sans conteste le cas de ce trio allemand d'allumés qu'est TODESSTOß. Et ça ne date pas d'hier.

Le groupe s'est formé à la fin des années 90, et comme tous dans l'underground très underground, a empilé les démos, les EPs et les splits avant de pouvoir se lancer dans l'élaboration d'un LP. Celui ci finit par sortir en 2006, sous la forme d'une collection de petits hymnes à la joie intitulé Stelldichein. A l'époque, encore un peu timoré, le projet se cantonnait à des morceaux à durée raisonnable, tout en lâchant un gros pavé d'un quart d'heure quand même.
Depuis, la forme a changé, et aujourd'hui, sans renier leurs racines, Martin Lang (guitare, synthé, percussions, harmonica et textes, pas mal pour un seul homme), Flesh of L. (chant et pseudo bizarre) et Euer Gnaden (basse) ont décidé d'exploser toutes les conventions en vigueur, et proposent un nouvel album, deux ans après le déjà très barré Unverweslich.

Bien que branque, ce LP sorti en 2013 a pris un sacré coup derrière la nuque avec l'exploit accompli par Hirngemeer (en gros un néologisme germain, qui signifie plus ou moins "la mer de cerveaux"). Jugez par vous même, trois morceaux, une heure et quart, et deux efforts d'une demi heure ou plus. Lorsque vous tombez sur un album pareil, vous commencez à suer en vous disant que deux morceaux de ce gabarit agrémentés de la douce linéarité du Depressive Black, ça va faire mal. Etre long, pénible et redondant au possible. Puis vous lancez la galette, et la, grosse surprise. Car loin de la linéarité du style, TODESSTOß a pris grand soin de multiplier les influences, mixant en gros l'avant-garde, le Black, l'électronique, le Dark Ambient, les cris malsains, les paroles incongrues, les interventions à l'harmonica, à l'accordéon, pour accoucher d'un style complètement marginal, mais - aussi étrange que ça puisse paraître - très intéressant. Et parfois musical. Si je vous assure.

Certains critiques ont comparé le groupe à BURZUM ou BETHLEHEM (le label lui même a établi une comparaison), mais il n'y a rien de plus faux. Si les analogies avec SILENCER ou FURZE sont un peu plus pertinentes, elles n'en sont pas moins assez éloignées de la vérité. A vrai dire, TODESSTOSS ne ressemble qu'à lui même, et c'est très bien comme ça.
Pour apprécier leur art, il faut le voir/l'écouter sous l'angle de la théâtralité. Les trois pistes ont été conçues comme un tout, et le scénario se déroule selon un schéma précis, bien que semblant très libre d'approche. On retrouve effectivement des éléments externes, popularisés par d'autres entités, le côté abrasif et misanthropique de BURZUM, les expérimentations sonores plaintives et déchirantes d'ABRUPTUM, le fourre tout brutal de REVENGE, mais le tout est porté à un tel paroxysme que toute corrélation trop pointue serait vaine.

Les allemands ici se permettent pas mal de choses, tant structurellement qu'instrumentalement. Si les idées s'enchaînent avec une indéniable cohésion, les tentatives de recherches sonores laissent parfois pantois, comme cet accordéon qui sort de nulle part sur "Verwehung", ou ces lignes de basse hallucinées sur "Narbenkaefig", sans parler de ces parties en double grosse caisse à rendre Lars Ulrich fou de jalousie (un tel non sens de production reste quand même extraordinaire).
Le chant quant à lui, parait vouloir concrétiser vocalement les idées cinématographiques expressionnistes de Murnau, et se répand en plaintes, hurlements déchirants, litanie désespérées, ou interventions sarcastiques. Lorsque les trois musiciens se mettent au diapason de leur folie commune, ça peut donner des choses assez brillantes, comme ce passage Dark Rock hanté sur le second morceau, qui ressemble même à certaines invocations des VIRGIN PRUNES, lorsqu'ils testaient l'incarnation musicale de la folie sur le terrifiant Heresie. Car loin d'être un simple boucan plus ou moins organisé, ou une démence collective brouillonne, Hirngemeer est une oeuvre authentique, qui évidemment hérissera le poil des plus conventionnels.

Si vous cherchez une rambarde à laquelle vous raccrocher, concentrez-vous sur les dix minutes finales de "Narbenkaefig". C'est la partie de l'album qui se rapproche le plus du Dark Black Ambient et du Depressive Black, avec ses tonalités égales sur la durée, malgré une coupure presque Electro Folk.
Le dernier titre, "Strom der Augenblicke" est plus Electro Dark qu'autre chose, et déroule un chant étouffé le long d'une basse/contrebasse très lourde et mate, sans varier d'un iota de son propos de départ. On pense même parfois à un cousinage macabre avec les confrères nationaux d'EINSTURZENDE NEUBAUTEN, tant les voix sont similaires, et les bruits blancs communs. C'est un morceau très prenant, à l'atmosphère trouble et noire comme la nuit, et de fait, le moins déstabilisant du lot. Sachant que les autres atteignent des profondeurs abyssales, toute proportion est donc gardée.

Mais je défends quand même cet album, parce que malgré ses défauts, ses longueurs et ses menues erreurs d'appréciation, il se permet de proposer une vision assez neuve de la chose, et mélange avec flair le théâtre, le Black, l'Ambient, la musique électronique, reste viscéral, immédiat, et surtout, assez inquiétant par moment. Nous sommes encore loin des sommets bruitistes du non sens d'un Stalaggh, et TODESSTOSS malgré sa rudesse et sa difficulté d'approche reste musical, même si certains segments flirtent avec le chaos et la démence instrumentale.

Un équilibre instable donc, qui donne quelques frissons.



Ajouté :  Vendredi 08 Avril 2016
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Todesstoss Website
Hits: 5258
  
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