MORBID SAINT (usa) - Spectrum of Death (2016)
Label : Century Media Records
Sortie du Scud : 11 mars 2016
Pays : Etats-Unis
Genre : Brutal Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 26 titres - 101 minutes
Je m'étonne toujours du statut culte qu'obtiennent des groupes de secondes ou troisième zone grâce à la passion d'une poignée de fans. Alors même qu'à l'époque leurs sorties – souvent uniques – étaient plus que confidentielles, leur renommée post mortem atteint des proportions déraisonnables, sous l'impulsion de ce cult following qui n'a de cesse de les réhabiliter.
Je ne me lancerai pas dans une entreprise de recensement global, les exemples sont nombreux, mais cet après-midi, je m'intéresserai à un cas très particulier, celui de MORBID SAINT.
MORBID SAINT est un groupe du Wisconsin, né à l'orée des années 80 qui aura patiemment attendu la toute fin de cette même décade pour sortir son premier et unique album, qui connut un destin alambiqué et une conclusion étrange.
D'abord intitulé Lock Up Your Children, et conçu comme une démo sur le label Edge Records en 1989, sa licence fut cédée au label Mexicain Avanzada Metallica, qui le rebaptisa de son nom définitif, Spectrum Of Death. Le contenu était le même, la production aussi, mais les hasards de la distribution étant ce qu'ils sont, c'est sous cette appellation qu'il passa à la "presque" postérité, puisque peu l'ont acquis à l'époque. Tirage limité, manque de promotion, après une seconde démo Destruction System, le quintette alors composé de Tony Paletti (basse), Pat Lind (chant), Jim Fergades et Jay Visser (guitares) et Lee Reynolds (batterie) jette l'éponge et se plonge dans un silence radio total, avant de refaire surface en 2014, par l'entremise d'un live, puis d'une concrétisation studio de cette fameuse démo de 1992, en tant que LP cette fois.
Mais entre-temps, la légende avait fait son office. Des rééditions cheap commencèrent à inonder le marché, le vinyle d'origine atteignant des sommes de transaction déraisonnables sur Ebay, et tout le monde s'acharna sur le collector encore fumant. Grind Core d'abord, en version CD, puis les infatigables Metal Mind pour une cassette assez pauvre. Keltic Records y alla de son petit compact, couplé avec la démo Destruction System, avant que No Colours Records ne livre sa version vinyle, et j'arrêterai là le traçage qui est loin d'être exhaustif.
C'était sans compter sur la conscience professionnelle d'un label qui avait enfin les moyens de ses prétentions, et qui en ce mois de mars 2016 vous proposera sa propre version de l'histoire, complète, clean, et enfin je l'espère, définitive.
Century Media a donc mis les mains dans le cambouis, et a exhumé tout ce que le quintette ricain a pu enregistrer pour proposer enfin une formule absolue, sous la forme d'un double vinyle/double CD qui passe en revue toute l'œuvre de MORBID SAINT, et sincèrement, au jugé du résultat, vous pouvez les remercier chaudement.
Merci donc tonton Century Media d'avoir tranché dans le vif et de nous offrir sur un plateau le meilleur du Thrash Brutal US de la fin des 80's, dans un packaging tout luxe qui laisse admiratif. Inutile dès lors d'arpenter les bas-fonds du net ou les plateformes de vente alternatives pour se constituer la discographie des américains, puisque cette sortie double bouchera tous les trous.
Des trous, MORBID SAINT en laissait d'ailleurs pas mal dans vos neurones et vos poumons avec son Thrash radioactif qui retrouve ici une seconde jeunesse et se montre encore plus efficace qu'à l'époque.
Pour devoir, je me dois de replacer les triples croches dans leur boucan. Spectrum of Death n'était rien de moins qu'un panachage extrême du radicalisme US des DARK ANGEL, et du terrorisme germain des KREATOR, pour aboutir à un genre de cocktail EXHUMER encore plus incisif et bestial. A côté, le Forward To Termination des SACRIFICE ressemble à une jolie valse Speed-FM, et le terrible Chopping Block Blues de BLOOD FEAST à une gentille balade dans des sous-bois fleuris.
Pour faire simple et lapidaire, imaginez le Darkness Descends de DARK ANGEL passé à la moulinette du Eternal Nightmare de VIO-LENCE et régurgité façon boucher Terrible Certainty de KREATOR, et vous serez encore en deçà du seuil de brutalité de cet album qui décidemment se foutait complètement de l'avancée des troupes Death aux USA.
Car les MORBID SAINT étaient Thrash jusqu'au bout du riff mortel, et privilégiaient la violence et la rapidité à la concision et la discussion.
De discussion, il ne pouvait y en avoir justement, parce que le tempo était trop rapide, parce que la voix était à la limite de la possession démoniaque, et même au-delà, parce que les soli semblaient si rapides qu'on les pensait accélérés en studio, et parce que même le VIKING le plus tordu n'a jamais torché les BPM comme "Damien" pouvait le faire.
En sus d'être ultra brutal et méga violent, Spectrum of Death se payait le luxe d'une précision redoutable, et ne tombait jamais dans le chaos ni le foutoir, même si le son de batterie très étrange pouvait le faire croire parfois.
Soyons honnête. Si certains albums bénéficient d'une vénération parfaitement incompréhensible, cet unique LP des américains n'a jamais usurpé sa réputation ne serait-ce qu'une seule seconde. Il fait assurément partie du haut du haut du couvercle du panier des sorties Thrash US des eighties, et son seul tort est d'être arrivé trop tard, lorsque les regards divergeaient vers un Death barbare et un Grind bâtard. Mais paru en temps et en heure, et édité par un label digne de ce nom, il aurait fait le carton qu'il méritait, et qu'il mérite toujours d'ailleurs. Rarement musique aura été si intense et sans compromis, sans pour autant friser le bruit. Cette réédition de Century Media rend enfin l'hommage qu'elle mérite à cette musique époustouflante qui vous laisse exsangue, l'œil perdu et le souffle coupé devant tant de rapidité et de brutalité. Car même lorsque les lascars appuyaient légèrement sur la pédale de frein, ça donnait des tornades Heavy à vous arracher le postiche de Donald Trump ("Scars").
Complété par Destruction System, l'album du comeback, ce double CD prend des airs de cadeau de Noel définitif, même si ce retour marque clairement le pas en termes d'intensité. Loin d'être mauvais et même plutôt bon, il fait preuve de plus de mesure et tente de distiller sa férocité dans des arrangements plus modernes et bridés, sans pour autant tomber dans la platitude du revival Thrash sans ambitions. Mais il est impossible de le comparer à son glorieux aîné, même si les pointes de vitesse sont toujours abondantes ("Depths of Sanity", "Final Exit" et sa double grosse caisse concassante), puisqu'il se veut plus raisonnable et mature. Et c'est justement cette absence de toute retenue et cet extrémisme juvénile qui rendaient Spectrum of Death si attachant.
En cadeau, les démos bien sûr, d'un intérêt limité puisque les morceaux se sont tous retrouvés plus tard sur les albums officiels, mais il est toujours amusant de jeter une oreille sur ces brouillons particulièrement polis, qui bien des années plus tard allaient trouver enfin leur écho définitif sous la forme d'un album officiel.
En tout cas, si certains travaux d'exhumation laissent perplexe par leur acharnement anecdotique, cette démise en bière mérite tous les honneurs qui lui sont dus, et surtout, une note maximale accordée tout autant à la qualité de l'album en question que de celle de sa réédition, qui ne se fout vraiment pas de la gueule du monde.
Et récompense enfin le travail de soutien acharné de cette poignée de fans qui n'a jamais lâché l'affaire. Comme quoi l'obstination à toujours du bon.
Ajouté : Vendredi 11 Mars 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Morbid Saint website Hits: 6409
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