"C'est ça que j'aime, chanter partout avec toi, le jour se lève, on prend l'avion et on s'en va... L'avventura, c'est la vie que je mène avec toi..."

C'est en tout cas comme ça que Stone et Charden voyaient l'aventure en couple. Musique, voyages, amour, rien ne semblait pouvoir les séparer, et pourtant, c'est bien ce qui arriva. Quel dommage, il formait un beau couple, sentant bon les parfums du dimanche de la France populaire, accordéon, embrassades sous les chênes, et sandwich dévoré à pleines dents...
Mais l'aventure que je vous propose aujourd'hui n'a pas grand chose à voir avec l'univers de Guy Lux ou Danièle Gilbert, puisque son origine se trouve plus à l'est de l'Europe, aux Pays Bas lus exactement.

C'est bien la bas que LA VENTURA s'est formé, début 2007. Axé autour de sa chanteuse Carla Van Huizen, le groupe a déjà deux LP à son actif, dont le petit dernier sorti en 2013, White Crow, produit par notre infatigable Didier Chesneau national, toujours à l'affût d'un bon coup. Sachant que Didier ne gaspille pas son temps inutilement, vous vous doutez que le quatuor batave a quelques arguments à mettre en valeur. C'est évidemment le cas, et je vous propose de les découvrir ce matin, après avoir reçu de Carla les quatre nouveaux morceaux de cet EP intrigant, qui aurait pourtant du susciter chez votre serviteur une indifférence polie tout au mieux.
Les groupes à chanteuse n'étant pas forcément mon Eldorado auditif, je m'apprêtais à chroniquer poliment ce nouvel EP, avec toute l'objectivité nécessaire à l'exercice, puis à le ranger dans mes dossiers pour l'oublier de suite. Mais je me disais intérieurement qu'après tout, quatre morceaux à écouter ne constituaient pas un effort incommensurable, alors autant les laisser parler par eux mêmes, et place à la musique, quelle qu'elle soit.

Et cet effort personnel s'est avéré payant.

En regardant les photos promo du groupe, j'ai eu ce réflexe stupide d'assimilation généraliste, et je m'attendais à souffrir d'un Metal à tendance symphonique ou gothique, en gros, tout ce que je hais viscéralement en matière de musique. Sachant que DELAIN, WITHIN TEMPTATION ou autres NIGHTWISH sont mes Némésis, il devenait évident que si LA VENTURA se plaçait sous les mêmes horizons, la sentence allait être inévitable. Heureusement pour moi, il n'en est rien. Certes, les points communs existent, mais la base créative des hollandais est beaucoup plus Rock et Metal électronique et de fait, beaucoup plus abordable pour qui comme moi est allergique aux grandes envolées lyriques boursouflées de vacuité. Les quatre morceaux de 2.0 sont en lien direct avec le passé du groupe, mais l'orientent vers un avenir longue durée que j'attends avec impatience, tant ces chansons m'ont séduit de leur puissance mélodique, sans tomber dans les tics énervants de la musique dite "romantique".

Première chose, la voix de Carla est fabuleuse. Elle possède ce grain inimitable qu'on retrouve chez les plus grandes chanteuses de Rock, Pat Benatar au premier plan, et le velouté de son timbre est délicieusement voilé d'impulsions très Rock que j'aime énormément. Deuxièmement, les musiciens assurent et ne se contentent pas de se reposer sur quelques riffs trop éprouvés et déjà éculés avant d'avoir été plaqués.
Troisièmement, LA VENTURA n'hésite pas à emprunter à la Pop ses structures pour pondre des chansons accrocheuses, qui mélangent des guitares très graves et saccadées, typiques du Metalcore, à des harmonies sucrées terriblement addictives, comme le single "As I Lay Dying" le prouve avec panache. On sent une hybridation sous jacente entre le PARADISE LOST époque One Second/Host et la Pat Benatar de Crimes Of Passion, et ce mélange envoûtant vous prend à l'âme sans trop la serrer.

En quatre morceaux, LA VENTURA se paie le luxe d'une variété de ton agréable, et si un fil conducteur est facilement repérable, les harmonies et les riffs savent se montrer suffisamment libres pour ne pas se fondre dans un bloc.
Le groupe parvient toujours à trouver LE petit truc qui retient votre attention, que ce soit un refrain un peu éthéré qui flotte et qui se perd dans un break nuageux ("Brave Man"), une rythmique en équilibre instable qui fait tanguer le duo guitare/synthé ("The Great Escape", avec une fois de plus un refrain parfait), ou une intro spatiale sur laquelle la voix doublée de Carla imite le chant des mythiques sirènes ("Carry On").

Alors bien évidemment, sur un EP, la distance est moins longue à tenir, et on peut se permettre de ne lâcher que les morceaux les plus élaborés, mais c'est justement le principe du format, qui met en appétit avant un hypothétique troisième album que 2.0 laisse présager très créatif. Mais si le tout sonne très pro, il sonne aussi très libre, et donne clairement envie de suivre les aventures de LA VENTURA d'un peu plus près. Un Hard Rock/Heavy légèrement synthétique, des mélodies hypnotiques, et surtout un chant qui séduit et caresse dans le sens du poil, 2.0 est un interlude très sympathique dans la carrière de ces quatre hollandais qui n'usurpent pas leur très bonne réputation.
La production est une fois de plus adaptée, policée mais pas lisse, énergique mais pas crue. Ce qui en fin de compte, transforme cet EP en gourmandise qu'on avale avec plaisir, et qui laisse un joli goût doux amer dans la bouche.

N'oubliez pas d'aller jeter un coup d'oeil à la nouvelle vidéo du groupe sur YouTube, illustrant le morceau "As I Lay Dying", elle vaut autant le coup d'oeil que d'oreille.
Mais si le futur de ce groupe sympathique se dessine des contours de 2.0, alors LA VENTURA risque de rythmer la vie que je mènerai avec vous chers lecteurs.