Qu'elle est longue cette lignée d'artistes qui se complaisent à déconstruire la musique pour la remonter comme bon leur semble...
Ca a commencé quand déjà ?
John Cale ? Ornette Coleman ? Miles ? Je ne sais pas en fait, mais peu importe le point de départ, il a suffit qu'un seul ait un jour osé franchir le pas, et le ver était dans le fruit.
Depuis, ils se sont succédé avec une régularité métronomique. Les 60's ont eu le psychédélisme, les 70's le Prog, le Kraut Rock, le Punk, les 80's la No Wave, l'Indus, la Cold Wave, et ainsi de suite...
Alors, dites moi, si je vous parle de WIRE, de THE FALL, de FLIPPER, UNSANE, SUGAR, LIGHTNING BOLT, vous êtes client ?
Il vaut mieux pour vous.
Ainsi fait, glissez You'll Be Dirt, dans votre Pod ou votre platine au choix, puisque le quatuor a eu la bonne idée de graver son album sur vinyle transparent, et de le livrer avec un petit sachet de poussière, pour vos plantes...

COMBINE (et pas COLUMBINE comme le précise leur adresse mail) est donc un assemblage de quatre musiciens qui nous viennent de Philadelphie, responsable pour l'instant d'un fulgurant single, sorti il y a deux ans, mais surtout de prestations live incendiaires, à juste titre.
Car les américains évoluent avec une rythmique genre maousse et compacte, articulée autour de deux batteurs, Andrew Stiles (qui par accident chante aussi et s'occupe des arrangements), et Alex Eckman-Lawn. Avec ce duo qui booste la puissance des morceaux, Ben Monaco (guitare et basse) et Wesley Harmon (guitare et voix) n'ont plus qu'à développer leurs thématiques dissonantes, et s'en donnent d'ailleurs à coeur joie.
Comme précisé un peu au dessus, COMBINE se plaît à s'auto situer dans une veine Art-Punk, Post-Hardcore, Space Rock, Noise/Experimental. C'est assez vrai, même si les affiliations avec le Post Rock Arty sont les plus valides.

Riffs épars et épais, chant en arrière plan qui scande, double dose de percussions qui envahissent l'espace sonore (spécialement lorsque les deux cognent leur tom basse), COMBINE cite aussi bien la scène No Wave New Yorkaise du début des années 80 que le Post Hardcore le plus Arty, sans pour autant tomber dans le bruit blanc atone qui fait flamber les pavillons.
On note même une poignée de morceaux accrocheurs, comme ce larvé "Red Basilica", qui mélange les PIXIES avec JESUS LIZARD.

Il paraissait difficile de transposer des prestations live incendiaires en studio, et pourtant COMBINE l'a fait, et haut la main. Une énergie brute anime l'ensemble du disque, et on se croirait presque en salle de répétition en plein milieu des musiciens.
Production un peu brute et sourde, qui privilégie l'aspect hermétique du groupe, son de guitare abrasif et un peu sale, batterie en écho, qui a oublié depuis longtemps le concept de sourdine, You'll Be Dirt frappe fort, et vicieusement. Et pas seulement parce que sa basse à de quoi rendre jaloux les MELVINS.

Niveau structures, ça change assez souvent. Les morceaux semblent respirer comme bon leur semblent, et évoluent entre trente petites secondes et un pavé final de presque douze minutes. On peut d'ailleurs en parler très rapidement, puisque il nage en pleines eaux Ambient/Drone, charriant son cortège de sons bizarres, de vagues irritantes au plus haut point, mais finalement, il termine le boulot en forme de pied de nez, ce qui semble être une marque de fabrique chez les COMBINE.
D'ailleurs, d'humour, ils ne manquent pas. Ils conseillent d'ailleurs d'écouter leur premier LP avec un verre de Moscatel, le champagne des pauvres, et annoncent fièrement (un peu de façon post mortem d'ailleurs...) que le casting de Glee va reprendre un de leurs morceaux dans un prochain épisode intitulé "The High Scholl Massacre"...

Mais n'exagérons rien, puisque la musique ici n'a rien d'un massacre. On pense parfois à un SONIC YOUTH très métallique (dans le sens matériel, pas stylistique), celui de Goo par exemple ("Septic Shock"), aux SEX SNOBS pour ce phrasé posé goguenard sur des riffs solides MAIS crispants ("Against All Odds" qui ne doit absolument rien à Phil Collins), souvent à une version overdrivée à mort des LIZARD ("Believe", presque Fuzz/Garage dans l'esprit, terriblement décibellique dans les faits), ou une blague plus potache des FLIPPER reprise à leur compte ("Pictures Of Geneva").

Donc, l'affaire prend un tour sacrément ludique en fait... Comme un grand puzzle à remonter soi même, en prenant bien soin de se caler du gros son dans les oreilles.
J'aime bien en fait ces trucs un peu Arty second degré qui prennent la chose au sérieux sans se monter la tête.
Les COMBINE sont un groupe à voir/écouter, un peu comme si NOMEANSNO tapait le boeuf avec Thurston et Kim. Ah oui tiens, c'est ça. Avec des T-shirts fait main en plus.
Enfin, c'est puissant, ça va quelque part, et ça, déjà, c'est plutôt pas mal. En plus ils ont raison, on retournera tous à la poussière un jour.

Mais qui donnera le coup de plumeau final ?