Est-il possible qu'un groupe puisse un jour mieux porter son nom que MONSTER TRUCK ne le fait actuellement ?

MONSTER TRUCK est une attraction, un véhicule de fête foraine robuste et capable de contorsions, pirouettes et autres déhanchements spectaculaires comme seul le Rock sait nous en offrir. Avec ses quatre roues taille XXL, proportionnelles à la sympathie que nous inspireront très vite Jon Harvey (chant et basse), Jeremy Widerman (guitare), Steve Kiely (batterie) et Brandon Bliss (claviers et orgues), MONSTER TRUCK a aussi des chevaux sous le capot, pilotant son bolide comme le ferait Lewis au volant de sa Mercedes. Pas étonnant pour un groupe originaire d'Hamilton, Ontario, Canada. Après deux EP (Monster Truck et The Brown) parus respectivement en 2010 et 2011, les bûcherons ont passé la vitesse supérieur avec Furiosity, un premier album paru en 2013 sous le regard bienveillant de l'écurie Dine Alone Records, tenue de main de maitre par Joel Carriere, manager d'ALEXISONFIRE.

Il n'y a dans nos dictionnaires les plus à jour qu'une poignée de mots pouvant définir l'intensité avec laquelle "Old Train" nous saccage les oreilles. Le cerveau se liquéfie, les pupilles se dilatent et déjà, MONSTER TRUCK a frappé un coup fatal. Du Rock groovy, plantureux, généreux, flottant à la surface du bayou si cher à CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL. Et c'est le dernier des hasards si immédiatement, Jon Harvey, de sa voix hypnotique, musquée, rincée à l'eau-de-vie de gratte-cul, s'impose comme le fils spirituel du mythique John Fogerty. Lancé à toute vapeur, ce train-fou sillonne 50 années de Rock N' Roll, faisant d'importantes escales dans des villes-étapes, véritables lieux de pèlerinage que sont Seattle, Los Angeles, Detroit et surtout Memphis, temple du Rock par excellence. Avec parfois l'accent chantant des sudistes qui ne cesseront jamais de beugler "the South will raise again" ("Sweet Moutain River") et parfois cette excentricité prog/psychédélique que se charge de faire ressortir l'orgue hammond ("Psychics"), MONSTER TRUCK fait avec ses jambes hirsutes d'interminables ronds, se rappelant au bon souvenir d'un Rock en perpétuelle fusion. Volcanique, magnétique, en un mot : furieux, Furiosity déchaine les éléments. Le tonnerre gronde sous les vibrations de la basse, le vent virevolte en fonction de riffs sifflants et jamais, jamais Jon Harvey ne cessera de faire la pluie et le beau temps. Toutes ces qualités s'étalent sur trois quarts d'heure, douze chansons et autant d'instants de grâce. Les Canadiens ont réveillé dans le fracas et l'impertinence cette idée du Rock qui sommeille en nous depuis que "Rock N' Roll" est devenu un abus de langage pour désigner le moindre comportement anticonformiste.

T'as mis une chaussure blanche et une chaussure noire ? C'est Rock N' Roll !
T'as pas bougé de ton siège quand mémé est entrée dans la rame, la dévisageant d'un air dédaigneux au rythme d'"Ace Of Spades" ? C'est Rock N' Roll !
T'as voté pour Soan en finale de la Nouvelle Star 2009 ? C'est Rock N' Roll !
"Jeune et Con" de Saez est la bande-originale de ta vie ? C'est Rock N' Roll !

Non. Va mourir. Ce qui est Rock N' Roll, c'est Furiosity. Rien d'autre. Et l'espace d'un instant, je me suis même laissé convaincre qu'il n'y avait plus que MONSTER TRUCK sur Terre pour répondre à cette définition.

I want freedom to reign again. Oh yeah.