Malgré un léger strabisme qui ne lui donne pas un air très finaud, Zak Stevens a toujours eu les idées claires. L'horizon était bouché avec SAVATAGE, qu'il a fréquenté entre 1993 et 2000, et les possibilités de carrière limitées avec le TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA. C'est partant de ce constat qu'il fonde en 2002 CIRCLE II CIRCLE, avec l'espoir précis d'embrasser une reconnaissance qu'il n'aura pu qu'effleurer du bout des doigts au cours de son passage remarqué (mais pas forcément remarquable) au sein de la machine à savater. Trop occupé à finaliser le destin de son projet perso après sa sortie du line-up de SAVATAGE, Jon Oliva, quant à lui, ne l'a pas suivi dans son aventure. On était à deux doigts d'un projet génial. On se retrouve avec deux projets moyens.

Jusqu'à preuve du contraire, CIRCLE II CIRLCE n'est pas un nom. C'est un groupe honnête, composé de musiciens reconnus et pour certains influents, a qui il aura toujours manqué un coup d'éclat. Le temps passe, l'inquiétude grandit. Après quatre albums passables, les Américains ont eu en 2010 une première mollesse de l'entrejambe avec Consequence Of Power. Une débandade d'autant plus alarmante que l'âge avançant, le Power Metal érectile n'est plus du tout une science sûre, et que le salut du C2C version U.S passe désormais par une résurr-érection forcée. Seasons Will Fall sera ce messie. Timide, aphone, mais messie quand même. Le meilleur album jamais écrit par Stevens et les siens, sans aucun doute. Le plus complet également, ainsi que le plus riche avec ses 68 minutes. Que de superlatifs ! Mais alors, pourquoi un emballement si mesuré ? Parce qu'aussi bon soit-il, cet album met un terme définitif aux espoirs qu'on peut légitimement placer en une formation qui compte dans ses rangs des musiciens aussi expérimentés. Le premier temps fort de Seasons Will Fall intervient sur "Dreams That Never Die" via un canon inspiré (un rappel du SAVATAGE de l'ère Handful Of Rain). Sauf que ce morceau est déjà le sixième et qu'avant, c'est 30 minutes d'un Heavy / Power Metal qui ont fait leur œuvre sans qu'on en ai retenu quoi que ce soit. Ni les pianos d' "Epiphany", ni l'imperturbable "Killing Death" ne viendront troubler cet océan de quiétude qui s'étale sous nos oreilles. On repère bien souvent l'influence de SAVATAGE dans les compositions de CIRCLE II CIRCLE, et comment pourrait-il en être autrement ? De facto, on repère aussi l'absence criante d'un cerveau, d'un créateur comme le fut Jon Oliva pour emporter ce full-lenght vers les cimes. C'est le seul véritable reproche qu'on peut adresser à Seasons Will Fall. Oui, quelques pistes sont diablement efficaces (notamment "Isolation" et son super riff d'intro !) et pour peu qu'on apprécie le Power Metal, cet album en est un pur concentré. Mais Dieu que l'écriture et les structures sont rébarbatives. Sur 12 chansons et 68 minutes, les Américains ne parviennent à calibrer efficacement qu'à 3 ou 4 reprises, et on s'en tire avec un opus tronqué au ¾. Cette recherche de performance sur le (très) long terme est totalement épuisante, d'autant plus que la personnalité de CIRCLE II CIRCLE n'est pas suffisamment complexe pour nous empêcher de dormir. Une fois encore, on aura vite fait le tour, même si je ne répèterai jamais assez qu'en succédant au médiocre Consequence Of Power, Seasons Will Fall fait office de petite bombe atomique.

Vous l'aurez compris, ce jugement est amputé d'une part de lucidité suite à la déception éprouvée après la sortie Consequence Of Power, mais pas suffisamment pour propulser ce sixième opus à un rang qu'il ne saurait assumer. Apologie du mid-tempo, de la mélodie, des solos touffus et d'un brin de poésie allégrement caricaturé via "Only Yesterday", Seasons Will Fall est bel et bien la meilleure sortie à ce jour signée CIRCLE II CIRCLE. Une sortie incapable de faire un choix entre le bon et le tiède. C'est dire si on en est réduit à se contenter de peu.