SECRET CUTTER (usa) - Secret Cutter (2014)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 10 février 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Sludge Grind
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 25 Mins
Je ne sais pas ce qui se passe avec la Pennsylvanie en ce moment, mais j'y suis toujours fourré. Ou alors c'est un truc inconscient, qui doit autant au destin qu'au hasard, mais une grosse partie de mes chroniques trouve ses racines là bas. Bon, c'est comme ça, je ne vais pas essayer de comprendre.
Toujours est il que cette scène est décidemment très active. Aujourd'hui, rendez vous à Bethlehem, qui n'a pas abrité selon la légende la naissance du petit Jésus, mais qui à vu se former un des groupes les plus terribles et terrifiants que j'ai eu à écouter ces derniers temps.
Les SECRET CUTTER se débrouillent jusqu'à présent seuls. Sans label, et il est difficile d'imaginer que cet état de fait puisse durer. Car ils sont incomparables, et parfaitement en adéquation avec notre monde actuel. Leur musique est un bourbier dont on ne s'extirpe pas, qui rappelle bien des marais mouvants, tout en les synthétisant en un seul et unique piège naturel. Ils ont déjà officié sur un EP quatre titres, presque aussi nauséeux que celui ci, mais je dois admettre que ce longue durée est encore plus traumatisant. Le premier mot qui vient à l'esprit quand on écoute leur musique est "Heavy", indéniablement. Leur musique est vraiment pesante, sourde, lourde, abrasive, et rien ne vient tout au long de ces vingt cinq minutes contredire ce postulat.
Dès l'intro de "Mirror Mirror", stridente et perturbante, le ton est donné. Rien ne viendra vous libérer du cauchemar que représente une écoute attentive de Secret Cutter, comme si le réveil matinal venait à ne jamais sonner. Il est très difficile de décrire leur "musique", même si le raccourci Sludge/Grind est quand même bien pratique. En fait, c'est comme si ce trio avait retenu de divers courants les tics les plus irritants, les plus dérangeants pour les fondre en un seul style unique. La guitare semble si sourde que ses fréquences nous échappent parfois, la rythmique est plus compacte qu'un bloc de béton, et le chant si écorché et aux tonalités si maladives qu'il semble capable de transmettre un virus par sa simple propagation. Difficile à croire ? C'est pourtant la réalité.
Tentez d'imaginer un point de chute pour les flingués de la distorsion accrue, pour les tarés de l'agression sonore, pour les malades de la tension sociopathe. Visualisez cet endroit désolé, et voyez les membres de CONVERGE, EYEHATEGOD, COALESCE, NAILS, BLACK BREATH y échanger des idées, les réunir pour les associer en un nouveau courant encore plus terrifiant que les autres. Vous aurez alors un bref aperçu de ce qui vous attend ici. Un conglomérat de barges qui ne conçoivent l'harmonie que sous sa forme la plus déformée et abrupte, qui ont décidé de mettre en branle une machine rythmique en mouvement perpétuel, lent, grinçant, mais avançant sans relâche. Pour vous en convaincre, n'importe quel morceau fait l'affaire. Mais si vous souhaitez une vision claire de la chose, envoyez "Vow Of Poverty" en boucle, et vous comprendrez de quoi je parle.
C'est à ce point lourd MAIS chaotique, que ça frise parfois les cimes du non sens absolu en terme de cohérence de style, surtout lorsque "Shake The Malevolent" résonne d'abord comme un pamphlet pseudo Grind encore plus violent qu'à l'origine, avant de se finir au son d'une double grosse caisse régulière qui s'enfonce encore un peu plus dans un marigot Sludge/Stoner. Oui, les deux sont juxtaposables. Mais dès le final de ce morceau, en forme de grimace, il sera trop tard. Vous êtes prévenus.
Et même lorsqu'un semblant de mélodie fait son apparition sur "End Of Sylvan", c'est forcément annonciateur d'une suite encore plus extrême et torturée. Voix qui semble reculer les limites de ses cordes vocales à chaque seconde, guitare/basse/batterie dans un complet unisson, uniquement destiné à éprouver vos sens, et puis on bascule sur un autre thème, encore plus souffreteux et époumonant, le tout en à peine trois minutes. Tempo qui dérive sans prévenir, breaks inopinés, guitare toujours plus sourde et sale, blasts qui tombent comme un cheveu sur la soupe, et nouvelle direction en forme de demi tour.
Et si une fois arrivé là, vous pensiez que tout allait se barrer en vrille pour le final, alors vous aviez entièrement raison. "Driftwood" reprend à son compte les éléments des neuf morceaux précédents pour les porter à leur paroxysme, se veut plus lourd, plus inconstant, plus rapide, plus bruyant, et plus traumatique que tout le reste. Si ce dernier effort se pose en conclusion d'une analyse lucide et pourtant cruelle sur l'état du monde actuel, cela fait froid dans le dos. Et c'est pourtant très proche de la réalité.
Je ne sais que dire de synthétique après écoute de ce Secret Cutter... Je pourrais chercher de nouveaux mots, pour essayer d'en offrir une description fidèle, mais je n'en vois pas l'intérêt. C'est un album qu'il faut écouter, pour peu que l'on cherche toujours à aller plus loin dans le malaise musical que certains groupes s'entêtent à vouloir encore plus douloureux. C'est un brouet unique, relevé, fort et qui laisse un goût très amer dans la bouche, comme la concrétisation sonore des actualités toujours plus violentes qui défilent chaque jour devant nos yeux. Un massacre de l'harmonie et du confort. En tout cas, quelque chose qui met mal à l'aise et qui dérange.
Mais sincèrement messieurs, la Pennsylvanie, ça craint vraiment tant que ça ? Parce que là, on dirait Detroit. Le temps dure longtemps, des années sûrement.
Ajouté : Lundi 20 Avril 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Secret Cutter Website Hits: 6816
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