La part de mystères qui pèse sur cet album est assurément ce qui fait son charme. Sorti de Pologne, autrement dit de nulle part, INDUKTI passe ses premières années à pondre démos et EP, suivant le cursus habituel pour les groupes débutants et se faisant la main sur une durée réduite. Impossible pour autant de deviner ce que va nous réserver ce premier opus. Ni la pochette, ni le nom des morceaux ne révèlent de quelconques indices, et comme souvent dans ce cas de figure, on s'oriente fort logiquement vers une musique expérimentale, lancinante et bourrée de paradoxes. Bingo ! Avec S.U.S.A.R., les Polonais sont en plein dans le trip Metal progressif et avant-gardiste qui sied si bien aux influences citées un peu plus loin : TOOL et KING CRIMSON.

Barré mais lucide, ce premier opus jette un regard glaçant et hostile aux conventions. Deviner notre sort est un défi, le deviner avec justesse un exploit. Car rien n'est moins prévisible que les structures et arrangements loufoques qui font de S.U.S.A.R. ce qu'il est. La première leçon qu'on en tire, c'est que ces musiciens accordent une très (trop ?) grande importance aux instruments. En effet, Wawrzyniec Dramowicz n'intervient que très rarement derrière son micro, et c'est fort dommage, puisque la découverte de son timbre apaisant et presque sensuel sur "Cold Inside... I" (titre extrait de l'EP Disclosure paru 2004, tout comme "Shade" et "no. 11812") est une révélation qui donne beaucoup d'attrait au full-lenght. On remarque cependant que son implication est limitée, puisqu'il ne chante réellement que sur les deux morceaux les plus courts de l'œuvre (soit 9 minutes sur un total de 48). Par déduction, plus des trois-quarts de S.U.S.A.R. seront dédiés à la performance instrumentale, rehaussée en bouche d'un violon qui réfère probablement au KING CRIMSON de la période Lark's Tongues In Aspic. Avec ses sonorités toujours très Metal ("no. 11812", "Uluru"), parfois plus Rock ("Freder", "Shade"), INDUKTI donne l'impression de ne jamais savoir où aller sans pour autant désorienter un auditeur qui en prendra plein les oreilles. La présence permanente et délicate des violons donne aux compositions une petite touche féminine et orientale pas déplaisante, qui contre avec intelligence la rigueur de certains riffs versants presque dans l'ère douloureuse du Through Silver In Blood de NEUROSIS. Tout est finalement question de feeling, d'accointance et d'acceptation au cœur de morceaux alambiqués, plutôt longs mais au déroulement absolument passionnant. Ce n'est évidement pas la clé de voûte légendaire qui soutient les fondations du Metal progressif, mais c'est une pierre solide et inaltérable, contre laquelle toute forme d'irrespect serait un crime de lèse-majesté.

On passe un moment plus que spontané en compagnie de S.U.S.A.R.. Anagramme ou acronyme de je-ne-sais quelle organisation ténébreuse, ces cinq lettres sont une partie de l'héritage laissé derrière lui par ce groupe, qui prouve ainsi s'être un jour épanoui à l'endroit où les vapeurs fétides remontent des entrailles de la Terre : le trou du cul du monde. Avec la meilleure volonté imaginable pour sortir de cet anonymat cruel, certains ne feraient pas un quart de ce qu'ont fait là ces Polonais. Brillant.