Et j’ai le plaisir de remettre le trophée du meilleur groupe dans la catégorie « Musique impeccable, instrumentistes impeccables, et paroles impeccables, mais pas de bol on splitte quand même » à SORTILEGE !
SORTILEGE, un des noms les plus mythiques du Hard français, et à juste titre s’il vous plaît !
Fondé en 1981 par Stéphane Dumont et Didier Demajean, il fut la plus parfaite illustration de ce que les musiciens français pouvaient produire de meilleur en matière de Heavy mélodique, largement à la hauteur de leurs confrères anglo-saxons. Mais le destin joue parfois de drôles de tours, même aux plus doués.
SORTILEGE, c’est d’abord une musique inspirée, propre, harmonieuse et puissante. Mais c’est surtout LE chanteur dont tous les combos rêvent, à ranger aux côtés des Coverdale, Dickinson, Halford, Gillan et consorts. Une voix extraordinaire, jamais égalée depuis d’ailleurs, alliant puissance et clarté avec une facilité déconcertante. Christian « Zouille » AUGUSTIN (le surnom est celui que sa mère lui a donné !) se jouait des transitions entre les registres, passant allégrement des médiums assassins aux aigus les plus inaccessibles, et menait ainsi la musique du groupe vers des hauteurs incroyables.
Mais ne pas parler de ses textes serait une injure qu’on ne peut lui faire, et à l’instar d’un ADX, l’optique choisie était à des lieux des clichés « Sex, Drugs & Rock n’Roll » un peu trop usités par bon nombre de ses contemporains.
J’aurais pu choisir Métamorphose, pour son énergie inépuisable. Mais Larmes De Héros, même s’il fut l’album de la chute, reste pour moi le plus parfait exemple de cet équilibre entre la mélodie et l’agressivité.
Dès l’album posé sur la platine, on sent cinq mecs surs de leur fait, et « La Hargne Des Tordus » nous emmène derechef dans l’univers de SORTILEGE, avec en toile de fond, un plaidoyer pour la différence.
Qu’il est difficile d’ailleurs d’extraire un titre en particulier, tant tous répondent à des critères de sélection très élevés, même si j’avoue une préférence personnelle pour « Quand Un Aveugle Rêve », son superbe texte et sa magnifique mélodie.
Mais la tradition n’est pas totalement absente, et on retrouvera sur « Messager » la « patte » du groupe, avec ce tempo speed contrebalancé par un chant tout en subtilités.
La guitare de Stéphane DUMONT n’est pas en reste, et ses soli laissent une emprunte indélébile tout au long du vinyle, le plaçant ainsi au plus haut niveau dans le panthéon des grands guitaristes français.
Seul bémol à cette quasi copie parfaite, une production hasardeuse, ce qui fut une constante malheureusement, avec quand même la palme du son le plus catastrophique pour le premier mini LP, Sortilège.
En réécoutant Larmes De Héros pour faire cette chronique, je me suis posé la même question que je me pose depuis plus de 20 ans. Pourquoi SORTILEGE n’a-t-il pas connu une meilleure carrière ?
Ils n’avaient pourtant rien à envier à des combos comme IRON MAIDEN, JUDAS PRIEST, volaient certainement beaucoup plus haut que des tâcherons comme W.A.S.P., et proposaient un style bien plus intéressant que RATT ou DOKKEN.
La faute à un chant en français ? Un manque de promotion ? Pas assez provoc’ ?
C’est possible, et ce sont même certainement les facteurs principaux.
Il n’empêche que si le groupe était né en Allemagne, il aurait tout fracassé, et aurait probablement eu la chance de pouvoir effectuer des tournées mondiales, et ainsi répandre son talent plus efficacement.
Maudits soyons nous, fans français, pour avoir laissé tomber des groupes de cette classe, aux profits de têtes d’affiche étrangères beaucoup plus « séduisantes ».
Il reste pour mémoire trois testaments discographiques qu’il serait impensable d’ignorer, puisque les estimables Axe Killer ont réédité les albums avec force bonus.
Faites l’expérience, collez vous « Quand Un Aveugle Rêve » ou « Mourir Pour Une Princesse » entre les feuilles, et dites moi ce qu’ils avaient de moins que les autres.
Rien ?
Vous avez raison.