Nous sommes en 1989 et le Thrash Metal, qui a refusé de grandir, s’apprête à vivre ses heures les plus sombres. METALLICA et MEGADETH vont se tourner vers des cieux plus Heavy, les groupes de seconde zone (TESTAMENT, EXODUS) vont s’écrouler, seul SLAYER, à l’aube du monumental Seasons In The Abyss, entretient la flamme. Et pourtant, non loin de là, en Europe, CORONER fait déjà figure de groupe culte et injustement reconnu, car beaucoup trop avant-gardiste….
Le trio suisse, auteur jusqu’ici de R.I.P. (1987) et Punishment For Decadence (1988), officie dans ce que la presse qualifie alors de techno-thrash : ici point de techno, mais que de technique ! Nul besoin d’être mélomane pour comprendre que l’on a affaire à trois musiciens virtuoses. Dès l’intro de « Die By My Hand », la messe est dite : tourbillon de notes pour Tommy T. Baron (Tommy Vetterli, guitares), battements de cœur prenants pour Marquis Marky (Marky Edelmann, batterie), puis un enchainement de riffs tueurs. L’ombre du MEGADETH de So Far So Good So What plane furieusement sur cette avalanche de décibels. La voix de Ron Royce (Ron Broder, basse et chants) est à mi-chemin entre le Thrash et le Black, et se calque parfaitement aux rythmiques incisives de Baron.
Techniquement, No More Color vous en met la vue, mais l’ensemble est diablement efficace. Tout au long de ces 34 minutes intenses, CORONER se mue en serpent visqueux qui glisse sur votre peau glacée avant de doucement pénétrer dans vos entrailles pour injecter son venin chaud et gras … Tantôt strident, tantôt lourd, sa faculté à mêler habilement Thrash Metal traditionnel, nombreux breaks, soli mélodiques, changements de rythmes novateurs, et influences Jazz (surtout de la part de Baron et Marky) est tout simplement prodigieuse.
Mieux, la musique du combo helvète semble en permanence en quête d’une nouvelle ambiance, provenir d’un autre univers : l’étourdissant « D.O.A. », « Tunnel Of Pain » et sa danse du diable, et que dire du contretemps ravageur sur « Read My Scars », tout autant de titres que n’aurait pas renié – au hasard – ARCH ENEMY ? Sans parler du final « Last Entertainment » et son thème hommage au Halloween de John Carpenter, morceau absolument somptueux.
Dans la démarche, CORONER restera au Thrash ce que DEATH ou CYNIC furent au Metal de la Mort. Coïncidence, No More Color bénéficie d’ailleurs d’un son irréprochable, puisque mixé aux Morrisound Studios, en Floride, soit l’antre du Death Metal…
A noter que cet album est sorti il y a quelques mois en version remasterisée mais je n’ai personnellement pas été très convaincu, préférant même le CD original… A vous de juger, dans tous les cas cet album, comme son successeur Mental Vortex, est tout simplement indispensable.

Tracklisting :
1. Die By My Hand (3:43)
2. No Need To Be Human (4:24)
3. Read My Scars (4:27)
4. D.O.A. (4:15)
5. Mistress Of Deception (4:53)
6. Tunnel Of Pain (4:23)
7. Why It Hurts (3:43)
8. Last Entertainment (3:58)