Quel exercice difficile que de chroniquer à posteriori l’album d’un groupe qui aujourd’hui a plus de 15 ans de carrière. Périlleux même, car l’auteur a en sa possession des éléments qu’il n’avait pas lors de la sortie de l’album en question, et il peut donc se baser sur des faits postérieurs qu’il ne devrait logiquement pas prendre en compte.
Mais c’est bien évidemment impossible. Surtout dans le cas d’un groupe majeur.
Et quel autre groupe majeur dans le Néo Metal que KORN ?
Comme NIRVANA, METALLICA, BLACK SABBATH, LED ZEPPELIN, DEATH, KORN est, sinon l’inventeur d’un style, son porte parole. Ses membres portent en eux la responsabilité de la déferlante d’adolescents boutonneux dans un genre qui était jusqu’à lors le territoire exclusif de connaisseurs. Une zone de non droit.
Mais depuis son « Are You Reeeeeeeeady ?? », Jonathan Davis leur a donné le signal.
Un premier album éponyme majeur et quasi cathartique, un second qui enfonce le clou des névroses tout en s’étoffant d’influences nouvelles, un troisième hybride assez décrié, un quatrième qui se cherche, et puis Untouchables.
En 2001, les tensions au sein du combo sont énormes. Au point qu’ils décident de se mettre au vert pour l’enregistrement. En vain. Ils reviendront en Californie avec les mêmes problèmes. Et il faut croire que les algarades internes les ont poussés à se surpasser.
Et pour bien faire les choses, on commence avec deux hits, des vrais. « Here To Stay », le premier single, et « Make Believe », un futur classique live. Pas de mauvaise surprise. Le son est massif, la basse claque, et les riffs sont pointus. Le terrain est donc connu, mais exploré une fois de plus avec brio.
La donne change dès « Blame », où Jonathan dévisse un peu et change de couleur vocale. Le groupe soutient sa démarche et louvoie entre intimisme menaçant et décharges franches. La tendance se durcit sur « Hollow Life », très atmosphérique, avec des nappes vocales superposées créant un climat emprunt d’onirisme. « Bottled Up Inside » joue sur les deux registres, en empruntant le meilleur des deux mondes. Même constat pour « Thoughtless », « Hating », et « One More Time », avec des arrangements merveilleusement bien trouvés, à mille lieues de la colère juvénile de Korn ou Life Is Peachy.
Après deux autres morceaux forgés dans le même moule, on finit par tomber sur le quasi miraculeux « Wake Up Hate », LE sommet de Untouchables. Peut être le titre qui leur fait toucher du doigt la vérité. Hybride technoïde de Pop et de Metal hargneux, de phrasé Hip-hop et de lignes de guitares subtilement insidieuses. La créativité comme étendard, KORN ne craint plus personne.
A quoi reconnaît-on un leader ? C’est celui qui n’a pas peur de prendre des risques, c’est celui qui anticipe, c’est celui qui trouve la formule magique avant tout le monde, non pas parce qu’il a passé son temps à la chercher, mais parce qu’il est tombé dessus naturellement, de par son envie permanente d’aller de l’avant.
On savait depuis le début que KORN n’était pas du genre à rester dans son coin par peur de l’aventure. On savait que le groupe aimait à inclure des ingrédients qui n’étaient pas au départ faits pour être incorporés dans leur nectar.
Mais avec Untouchables, ils ont trouvé l’équilibre parfait entre les morceaux systématiques et les mélodies alambiquées.
Non pas en juxtaposant les deux, mais en les fusionnant.
En résulte un mur infranchissable sur lequel bien des intrus viendront se casser le nez.
Quelques années auparavant, KORN exhortait sa cohorte de plagiaires à suivre le leader. Puis ils ont cherché des solutions. Pour devenir intouchables.
Et il est assez amusant de constater que presque 10 ans après, ils sont toujours là. Avec un autre album indispensable.
Et même si Untouchables fut le pénultième disque enregistré avec le line-up classique, il reste bien un des témoignages les plus probants et les plus poignants de Jonathan, Munky, Head, Fieldy et David.