Depuis la fin "officielle" de BLACK SABBATH (méfions-nous tout de même des come-back éventuels), figurez-vous que JUDAS PRIEST est le plus ancien des groupes de Heavy Metal encore en activité. Voilà qui ne va pas nous rajeunir. Mais rendez-vous compte, Painkiller est sorti il y a 28 ans, et le PRIEST s'est formé en 1969, soit il y a presque... un demi-siècle... Presque 50 ans plus tard, JUDAS PRIEST publie son dix-huitième album, le bien nommé Firepower et sa pochette flamboyante.

Dire que votre serviteur, sûrement mal luné ce jour-là, terminait sa chronique de Battle Cry par ces propos très durs : "sans déconner, les mecs, un jour... il faudra penser à la retraite". Bon, hé, on parlait d'un live qui ne présentait que peu d'intérêt. Mais quand même. Quelle erreur de jugement... Pour n'importe quel amateur de Heavy Metal et de bonnes chansons, ne pas pouvoir se délecter du nectar de Firepower provoquerait une frustration innommable. Qu'il serait dommage de passer à côté de ces nouveaux brûlots. Malgré ses 50 ans de carrière, JUDAS PRIEST a encore des choses à dire. De belles choses.

A l'instar de Redeemer Of Souls (2014), son précédent effort en studio, Firepower définit le PRIEST dans sa globalité en 14 titres et démontre que, loin de rester enfermé dans un Heavy Metal trop conventionnel, le combo de Birmingham a toujours su apporter des nuances essentielles à sa musique. Plus que jamais, JUDAS PRIEST incarne le Heavy Metal et tout ce qui en découle. Et ça, Firepower va se charger de vous le rappeler. Qu'il soit lourd et fédérateur ("Children Of The Sun", "Lonewolf", "Rising From Ruins"), parfois plus menaçant ("Necromancer", "Spectre"), mené par des power-chords étouffés ("Flame Thrower" et son instable mélodie), ou témoin d'un passé glorieux et acéré ("Firepower" et "Lightning Strike" pourraient être extraits de Painkiller), le Metal du PRIEST dégage un charme inégalable, un "je-ne-sais-quoi" qui le démarquera toujours des meilleurs groupes du genre.

Et quand certains titres se révèlent un peu moins bons ("Evil Never Dies", par exemple, souffre du syndrome de Jugulator), d'autres feront un peu plus rentrer le PRIEST dans la légende, comme les tubesques "Never The Heroes" (E-NOR-ME) et "No Surrender". Certes, il aurait fallu débuter l'album par ce court instrumental nommé "Guardians" et positionné juste avant "Rising From Ruins", mais on note très peu de faute de goût. Et pour cause. Il y a tant de classe chez JUDAS PRIEST. Jusqu'au choix des mots justes, placés au bon moment, pour un maximum d'impact. Richie Faulkner avouait, il y a peu, à quel point il admirait Rob Halford pour ses talents de parolier. C'est tellement vrai ici. Oui, les paroles écrites par Halford n'ont peut-être jamais été aussi efficaces ("Rising From Ruins", "Lightning Strike" ). Dire que le bonhomme nous épate encore, comment dire ? C'est un euphémisme. Comme sur Redeemer Of Souls, il exploite les possibilités de sa voix si atypique sans en faire des tonnes (finis, les cris suraigus). Et il aura fallu attendre Firepower pour comprendre un phénomène pourtant évident : Rob Halford a quelque chose d’envoûtant. Ecoutez le break de "Children Of The Sun" et vous comprendrez. Ecoutez la ballade qui clôture l'album ("Sea Of Red"), un grand moment, et vous ressentirez une émotion indéfinissable. Des mecs comme Ralf Scheepers (PRIMAL FEAR) ou Tim " Ripper " Owens font preuve d'une technique hors norme et probablement supérieure aujourd'hui à celle d'Halford. Mais d'un point de vue de l'intensité, point de comparaison.

Rob Halford reste Rob Halford, il reste LE Metal God. De même, Scott Travis reste le garant de ce rythme épais et musclé. Bien servi, il est vrai, par la production du tandem improbable Andy Sneap / Tom Allom, encore plus punchy et plus claire que celle de Redeemer Of Souls. Voilà qui compense l'absence remarquée de Glenn Tipton... Pas d'inquiétude, Firepower regorge de solos toujours admirables ("Rising From Ruins" et "Necromancer" en tête) et de riffs électrisants, mais on le sait désormais, le guitariste originaire de Blackheath souffre de la maladie de Parkinson (depuis une dizaine d'années en fait). Très diminué par l'évolution de ce handicap, il a sans aucun doute participé activement à la conception et à la réalisation de cet album. Mais les fans du bonhomme sauront déceler que son doigté unique manque un petit peu (beaucoup ?) à Firepower, même si Faulkner assure comme s'il était un membre historique de JUDAS PRIEST.

En conséquence, Tipton n'assurera pas la nouvelle tournée de JUDAS PRIEST (il sera remplacé par le producteur Andy Sneap lui-même), malgré des apparitions récentes à Newark, Uncasville et Worcester lors des rappels. Souhaitons lui de vaincre la maladie et de continuer à rendre vivant ce groupe mythique. Quand on pense aux imbéciles qui voulaient les envoyer à la retraite... Ce jour là j'aurais mieux fait de me taire.

Discographie Complète de JUDAS PRIEST : Rocka Rolla (Album - 1974), Sad Wings Of Destiny (Album - 1976), Sin After Sin (Album - 1977), Stained Class (Album - 1978), Hell Bent For Leather (Killing Machine) (Album - 1979), Unleashed In The East (Live - 1979), British Steel (Album - 1980), Point Of Entry (Album - 1981), Screaming For Vengeance (Album - 1982), Defenders Of The Faith (Album - 1984), Turbo (Album - 1986), Priest ... Live! (Live - 1987), Ram It Down (Album - 1988), Painkiller (Album - 1990), Metal Works '73-'93 (Best-Of - 1993), Jugulator (Album - 1997), Meltdown (Live - 1998), Demolition (Album - 2001), British Steel (DVD - 2001), Live In London (DVD - 2002), Live In London (Live - 2003), Electric Eye (DVD - 2003), Angel Of Retribution (Album - 2005), Rising In The East (DVD - 2005), Nostradamus (Album - 2008), A Touch Of Evil: Live (Live - 2009), British Steel - 30th Anniversary Deluxe Edition (Album - 2012), Redeemer Of Souls (Album - 2014), Battle Cry (Live - 2016), Firepower (Album - 2018)