PIGS (usa) - Wronger (2015)
Label : Solar Flare Records
Sortie du Scud : 2 octobre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Noisy Core
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 40 Mins
Je vous entretenais il y a peu du nouvel album des Frenchies de SOFY MAJOR, produit par Dave Curren et mixé par Andrew Schneider, mais aussi de la tournée qu'ils allaient entreprendre avec le combo de ces deux derniers, PIGS.
Voici maintenant le temps de vous parler dudit groupe, qui revisite l'espace de quarante minutes l'esprit NYC Noise Core des 90's, ce qui est somme toute assez logique vu le background des musiciens...
Dave Curren, c'est l'esprit d'UNSANE perpétré dans les années 2000, sans édulcorer le propos ni mettre l'emphase sur un dérangement musical déjà suffisamment conséquent. Andrew, c'est un art du mixage et de la production abrasive et sans polish, CONVERGE, MADE OUT OF BABIES peuvent en témoigner. Et à trois, avec l'aide précieuse au kit de Jim Paradise, ils continuent leur travail de sape, torturant la mélodie pour la défigurer et l'adapter à leur propre esthétique, ce qui au final donne un résultat plus proche de la grimace morbide figée que du lissage à la Kardashian family. Mais qu'attendre d'autre de la part de musiciens ayant depuis longtemps intégré le feedback et le larsen comme figures de style majeures ?
Vous étiez là dans les nineties ? Moi oui, et je n'ai rien oublié. Lorsqu'au début de cette décade UNSANE a commencé à sévir, j'ai vite compris que la catharsis que je recherchais était là, sous mes oreilles et mes yeux. Il y en avait d'autres bien sur, les LIZARD, BAND OF SUSANS, PRONG en plus abordable, HELMET en plus mécanique et froid, COP SHOOT COP ou UNWOUND, et plus tard les FORKBOY. Mais tous, de Brooklyn ou pas, ne concevaient l'approche de la musicalité que sous sa forme la plus crue et blafarde, comme si leur seul et unique but était de transposer la douleur d'une vie sans rêve en musique.
Un vieux néon aux teintes bleutées fatiguées, la sale tronche du matin avant d'affronter une nouvelle journée sans intérêt, et une basse énorme et percussive dans la tête pour ne pas entendre les conversations insipides. Métro, rues, gens, lassitude, et hop, on essaie d'oublier, mais on y arrive pas. Merci aux PIGS de nous rappeler que l'instinct grégaire est bien le plus stupide réflexe que même Pavlov n'aurait su démontrer de logique.
Après un premier et séminal album, PIGS remet le couvert, mais ne s'est pas sevré d'une intraveineuse d'euphorie pour autant. On retrouve toujours ces structures directes et pourtant sournoises, cette guitare qui semble geindre de douleur, cette rythmique quasi tribale et qui frappe les tempes, et ce chant sous mixé, presque passé en cabine Leslie qui vomit son dégoût. Avec une production une fois de plus parfaite, entre la répète dans un local de New York passé au papier de verre et le concert dans une salle aux murs en écho, les morceaux ont trouvé l'écrin parfait pour répandre leur fiel, même lorsqu'ils se lâchent un peu à grands coups de cordes de banjo hilares ("Mouth Dump"). Et puis après tout, un groupe qui dès le départ met les choses au clair en vous explosant les tympans d'une intro mantra/supplice ("A Great Blight", larsen, itérations, presque Indus même si on ferme les yeux sur la provenance des musiciens) ne peut pas être foncièrement mauvais. Ou plutôt si, et on s'en rend très vite compte, dès "The Life In Pink" qui ranime l'esprit d'UNSANE en posant feu les riffs de Chris Spencer sur la basse de KILLING JOKE, avec en diamant qui ne brille plus une batterie digne de Ted Parsons. Le délié, le groove maladif, c'est une immersion totale dans les bas fonds de Brooklyn, NYC, en apnée prolongée au milieu des junkies et autres homeless people. Pas vraiment beautiful tout ça...
"Bet It all On Black" et "Donnybrook" proposent le même genre de trip, en l'abordant sous des angles différents. Si le premier se la joue shoplifting avec les flics au cul, up tempo de rigueur, le second pue la planque moisie dans laquelle on vient se terrer, après une énième journée de merde, avec en fond sonore un vieux FETISH 69 lourd et écrasant.
Ce sont les versions longues des Brooklyn tales, sans pour autant dévier d'une vision. Motif unique, rythmique concentrée et unidirectionnelle, et toujours ce chant qui s'égosille, peut être en vain d'ailleurs.
Mais PIGS, ce sont avant tout de petites vignettes, courtes et concises, qui présentent des personnages bas en couleurs, décrits et incarnés par un duo basse/guitare aussi uni que dissociable ("Mope", qui rampe et soudain explose d'une rage de désespoir).
Et au cas où tout ça nous traumatise trop, le trio nous propose de vite oublier et de passer à autre chose, plus alternatif et LIZARD ("Make Sure To Forget", comme si tout ceci était trop dur à avaler pour un pauvre clampin).
Il est vrai que ça donne le tournis, surtout lorsque le tempo déraille sous l'effet d'une inhalation trop prolongée ("Bug Boy", le plus typique de cette époque où le bruit mat faisait office de musicalité. Une basse à la SWANS? Evidemment...).
Et même le title track s'y met, dans un genre de déhanchement faussement sexy/travelo en goguette et vitrine sale d'Amsterdam ("Wronger", on se demande qui à le plus tort du lot d'ailleurs, et pour le coup, même UNSANE n'a jamais osé ça, surtout sur un riff aussi catchy).
Oui, tout ça, c'est pas la joie. Mais est ce qu'on va demander à PIGS ou UNSANE de nous fabriquer une jolie carte postale pour vanter les charmes de New Yok City ? Non, on attend d'eux qu'ils flinguent l'espoir à tout va avec ce Rock Noisy qui sent le métro bondé et les regards biaisés. Et c'est exactement ce que cette caste de musiciens sait faire de mieux. Guitares sales, basse qui rebondit et pilonne les crânes, le meilleur de la scène nineties dans la poche et la casquette rivée sur la tête. Ça n'est pas confortable ni joli, mais c'est le meilleur héritage d'UNSANE que vous pourrez trouver sur le marché. Ce qui est logique, vu la génétique.
Alors si jamais vous croisez la route de cette fameuse tournée SOFY MAJOR / PIGS, laissez vos rêves à la maison, vous n'en aurez pas besoin.
Ajouté : Mercredi 02 Novembre 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Pigs Website Hits: 7386
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