THE BODY & KRIEG (FRA) - The Body & Krieg (2015)
Label : At A Loss Recordings
Sortie du Scud : 13 novembre 2015
Pays : France
Genre : Doomy Sludge Noise
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 37 Mins
Les unions contre nature, les associations de malfaiteurs, les trucs à peine incestueux, on le sait, c'est monnaie courante dans l'underground. Genre on se retrouve en studio, on ne sait pas trop quoi faire pendant deux jours, alors on appelle des cousins germains, et on voit ce que ça donne.
La plupart du temps, un délire, un plaisir coupable pas forcément riche musicalement. Et puis de temps en temps, un album qui trouve des compromis, pose des jalons, des pistes.
L'extrême est friand de ce genre de rencontre fugace, le split, c'est presque un format de junkie pour pas mal de groupes.
Mais qu'en est-il des fans, je veux dire, les fans de chaque groupe ? S'y retrouvent ils ou sont ils obligé d'avaliser par défaut ?
Après tout, on prend, on ne prend pas, peu importe.
Souvenez-vous par exemple, et pas tout à fait au hasard de FULL OF HELL & MERZBOW. Ca avait de la gueule, et ça défonçait le plafond des standards de l'ultra violence.
Le même genre d'exaction vient d'être commise par l'entremise d'une collaboration purement US. Et c'est peu dire que c'est le foutoir dans les couloirs.
THE BODY & KRIEG.
A gauche donc, THE BODY, le corps, ses fluides, etc. Comme le disait un confrère de invisibleoranges, de toutes façons, tout le monde à collaboré avec eux. Lee Buford et Chip King ne sont pas avares de sympathies musicales, GET KILLED, WHITEHORSE, SANDWORM, ils ont partagé leur Doom Sludge avec toux ceux qui voulaient bien prendre leur main.
Mais KRIEG n'est pas du genre avare non plus. C'est même pire dans le cas du quintette du New Jersey, jugez du peu. Des duos avec KULT OV AZAVEL, SATANIC WARMASTER, ANTAEUS, AZAGHAL, CAÏNA, et ceci n'est qu'un résumé effleuré. Pour un projet Black misanthropique au possible tout ça sent quand même l'ouverture sur le monde à plein nez.
Oregon, New Jersey, ils allaient bien finir par se tomber sur le dos l'un de l'autre, et ce fut fait à l'occasion de plusieurs concerts auxquels ils ne participaient même pas. Ils donnent quelle version des faits d'ailleurs ?
"Quelques années plus tard, j'étais aux studios Machines With Magnets pour deux jours, sans plan de travail. Tout s'est passé très naturellement, et on s'est débrouillé en deux jours pour produire un bruit commun qui n'avait rien à voir avec notre bruit individuel habituel. C'était très créatif de bosser avec Chip et Lee, et j'adorerais remettre le couvert" (Neill Jameson, KRIEG)
"C'était cool de bosser avec Neill. Nous sommes de gros fans de sa musique, et c'est un bon pote" (Lee, THE BODY)
Voilà, comme quoi, c'était pas très compliqué tout ça. Alors de bruit bien sur il est question, mais il est vrai très éloigné des préoccupations misanthropiques de chacune des parties. On retrouve sur cet album éponyme/conjoint des éléments inhérents aux univers de chacun, mais en pleine collision. Ils n'ont pas raisonné en terme d'addition, mais de fusion. Alors ne vous attendez pas à une sorte de Sludge boueux traité façon Black misanthropique, car il n'en est rien. De cette rencontre à émergé autre chose, à mi chemin entre l'électronique, le Harsh, le Post, l'Ambient, et plein d'autres choses.
Si la collaboration récente entre FULL OF HELL & MERZBOW donnait lieu à un match de brutalité dans des camps scindés, l'inverse s'applique ici, et chaque entité n'a tiré de ses influences que les côtés les plus néfastes et assourdissants.
On est parfois à l'orée d'une forêt sombre et inextricable de Harsh Indus à tendance Dark ("Bottom of the Bottle, Bottom of the River", lâché en éclaireur et assez effrayant dans un créneau IN SLAUGHTE NATIVES), parfois dans le pur Harsh noisy qui singe le bruit de machines industrielles couvertes par un grondement sourd ("Carved Out and Caved In", énorme bruit rampant déchiré par les plaintes acides de lignes vocales étranglées), et on se retrouve même baignant dans un marigot Black infesté de déchets Drone/Indus ("Celebrate Your Shame", sommet de nihilisme).
Mais quelle que soit l'approche, elle n'est développée que sous ses aspects les moins musicaux, même lorsque l'Electronica/Indus prend la relève pour un intermède maladivement dansant ("Gallows", délire onirique futuriste qui se transe de lui même autour d'un beat martial et répétitif). Mais pour rester dans le ton de la collaboration, les deux parties prennent quand même soin de se souvenir de leurs passés respectifs ("The Final Nail", dernier clou planté dans le cercueil du Black/Sludge Indus, enfin révélateur des routes que chacun suit indépendamment).
Oui, on peut voir ça sous l'angle d'unions déjà consacrées, comme ce fameux split entre THOU & THE BODY, ou bien comme quelque chose de complètement neuf, qui creuse encore plus loin, histoire de voir si deux caractères sociopathes en goguette peuvent haïr encore plus de monde.
Mais sincèrement, connaissant bien les univers des deux groupes, je ne m'attendais pas à une telle fusion surprenante, ni à un résultat aussi étrange.
Je savais d'instinct que quoi qu'il en fut, le mariage se terminerait dans le chaos le plus absolu, mais la vaisselle n'a pas été brisée en vain.
Détester, gratuitement, ou par essence est une chose. Le concrétiser sur disque en est une autre. Ici, rien n'est donné mais tout est repris, presque avec plaisir. Sachez vous faire du mal pour leur faire du bien.
Ajouté : Mardi 14 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 6380
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