MAGENTA (no) - Songs For The Dead (2015)
Label : Cleopatra Records
Sortie du Scud : 16 octobre 2015
Pays : Norvège
Genre : Alternative Industrial Electro
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 40 Mins
De la douleur et la tristesse naissent la beauté et l'inspiration. C'est la leçon que l'on pourrait tirer de ce nouvel album du duo norvégien MAGENTA. Il n'est pas exagéré de dire que la mort leur a servi de point d'ancrage, puisque les conditions d'enregistrement de Songs For The Dead sont en adéquation trop parfaite avec son intitulé.
Alors qu'ils travaillaient dans les studios d'Al Jourgensen à la Noël 2012, Vilde et Anders ont observé les derniers jours de travail de Mike Scaccia, guitariste de MINISTRY, sans savoir que c'était la dernière fois qu'ils le verraient. En effet, quelques jours après, le 22 décembre, celui ci décédait tragiquement.
Une chanson en est née, composée par Régine, la fille du duo, "Ghost", qui donnait le ton du longue durée qui allait suivre, le cinquième de leur carrière.
La tristesse, la perte, tels sont les moteurs de ce nouveau chapitre, noir comme une nuit de pleurs, triste comme des yeux embués par la peine.
MAGENTA, formé au milieu des années 90 par Vilde Lockert (chant) et Anders Odden (instruments et production), pouvait dès son origine puiser son essence dans la longue expérience de musicien de ce dernier, qui avait déjà fait partie de CELTIC FROST, APOPTYGMA BEZERK ou CADAVER, ainsi que de SATYRICON. Des influences manifestes et marquantes, mais qui n'allaient pas forcément trouver écho dans la musique que le duo souhaitait créer. Le Metal n'a jamais été une de leurs préoccupations, loin de là, même si les guitares s'en approchent souvent, et il paraît plus juste de parler d'Electro, d'Indus, de Trip Hop même ou de Pop pour en définir les contours, et Songs For The Dead n'échappe pas à la règle.
Toujours hanté par les lignes vocales atones de Vilde, c'est un album à l'image de sa pochette, coloré mais opaque, étrange, troublant, et d'une beauté intangible.
Pourtant, cette pochette donne des indications. Subtil démarquage de la photographie aux tons criards et bizarres qui ornait la pochette du premier BLACK SABBATH, remplaçant l'initial modèle aux allures de prêtresse occulte par le groupe grimé en poupées mi vaudou mi MISFITS, cette iconographie laisse des pistes. Son côté grotesque mais fascinant, à mi chemin entre la passivité morbide et le carnaval onirique trouve refuge dans l'intro même de l'album, "Danse Macabre", harangue de foire aux freaks typiques et à la paille qui sent le linceul, et très éloignée de son homologue Frostienne.
Mais pourtant, on ne peut s'empêcher de penser au groupe Suisse, dans cette volonté d'expérimenter des choses différentes pour se rapprocher de son moi profond. Et si Songs For The Dead n'est pas Into The Pandemonium, il partage avec lui des vues de diversité, et surtout, de déstabilisation.
Pour simplifier l'analyse, nous pourrions nous concentrer sur le fameux "Ghost", qui fait partie des offrandes les plus dansantes du lot. Chanté par Régine d'une voix acidulée enfantine, c'est un morceau qui fait la part belle à l'EBM/Electro, et qui dessine un sourire effrayant sur les faciès tout autant qu'il donne envie de danser. On pense à SKINNY, à une rencontre entre DAISY CHAINSAW et FRONT 242...
Mais le fait qu'il soit aussitôt contrebalancé par "The Pentagram", qui vient se poser en complète opposition avec son beat lourd et ses arrangements sourds est assez révélateur de la volonté de deuil du duo/trio.
Et d'ailleurs, le chagrin ne semble pas vouloir laisser place à un quelconque rétablissement. Des morceaux comme "The Day I Die" et ses lignes vocales scandées sur fond de percussions funéraires que des choeurs sépulcraux soutiennent vont dans ce sens. Même lente litanie, même chant en arrière plan qui semble se poser des questions sur le sens de la vie et de sa futilité, même lyrisme sombre et sans espoir... Un peu PRUNES tardif, c'est une mélancolie qui ne se partage qu'entre ceux qui savent...
"Die Young" se calque sur cette ligne de conduite, et son texte profondément triste adopte les courbes d'une chanson amère, au mid tempo lourd et à la mélodie en filigrane, écrite sur une carte de condoléances qu'on enverra probablement jamais, puisque les mots sont vains.
"Descending", certainement le seul morceau qui rappelle un tant soit peu les faits d'arme Metal d'Anders se laisse guider sur la route par un riff compact, avant que le chant de Vilde ne l'interrompe de son absence distante.
"Im Paradisum" se souvient bien quant à lui de Jaz Coleman et du JOKE, et gronde, grouille, tend vers l'Industriel le plus électronique, et laisse les arrangements faire le travail d'adieu sans esquisser un geste.
Le duo a avoué que Songs For The Dead était sans doute l'album qui se rapprochait le plus de leur nature intime. Si l'on y trouve des éléments cohérents hérités de leurs oeuvres antérieures, il marque une cassure volontaire, et laisse planer la menace de trois jours passés enfermés a regretter l'absence et la disparition précoce.
Selon Anders, c'est une renaissance. Et comme il ne conçoit MAGENTA que comme son propre terrain de jeu, on peut entrevoir dans Songs For The Dead des indices d'une résurrection sincère, comme le reflet d'une âme dans un miroir, qui est restée la même sans vraiment l'être.
Et plus concrètement, c'est un album d'une profonde beauté noire, qui laisse présager d'une suite que personne ne connaît encore probablement.
Mais loin d'être une simple étape sur un parcours, c'est presque un point final, Electro, Indus, Post Rock, minimaliste et pourtant grandiloquent, exhibitionniste et pourtant si pudique. A l'image de sa pochette sur laquelle les membres se découvrent tout en se dissimulant derrière un personnage.
De la douleur et la tristesse naissent la beauté et l'inspiration. Ça pourrait être une épitaphe. Ou juste une larme.
Ajouté : Dimanche 12 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Magenta Website Hits: 7252
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