DEATH ANGEL (usa) - The Evil Divide (2016)
Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 27 mai 2016
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 45 Mins
"Si tu es un fan lambda, j'espère que tu apprécieras l'album. Si tu nous suis depuis le début, j'espère que tu comprendras où on veut en venir. Nous sommes toujours DEATH ANGEL".
Tiré de l'évangile selon Mark Osegueda, ce précepte est d'usage, promotionnel, et pourtant, sans le savoir, résume à merveille le parcours d'un groupe unique. C'est un conseil qui peut s'adapter à toutes les époques, à tous les albums d'un groupe qui ne s'est jamais répété, et ce, depuis le séminal The Ultra Violence en 1987. A l'époque, horde thrashant intelligemment, les américains avaient convaincu un public avide de sensations fortes mais réfléchies qu'ils incarnaient le symbole de la deuxième vague Thrash US.
Et puis Frolic Through The Park avait changé la donne et surpris son monde. Et pourtant, avec le recul et même à l'époque, il pouvait sans problème se poser en pinacle, et surtout, en pic de créativité, alors même que la majorité était déçue du changement progressif d'orientation.
Act III n'avait rien fait pour rassurer la base, et l'avait au contraire encore plus déstabilisée. Et ce modus operandi peut s'appliquer aux trois décennies d'existence de ce groupe que finalement, personne n'aura jamais réussi à faire entrer dans une jolie petite case.
Depuis la reformation à l'orée des années 2000, le traitement est le même. Des disques qui s'enchaînent, qui enthousiasment une frange pour en affliger une autre, des sinuosités, des louvoiements, jamais de ligne droite, mais une ligne conductrice.
Celle qui suit la logique de vouloir enregistrer le meilleur LP à chaque tentative. Mais avec la maturité, il est désormais logique et formel d'affirmer qu'il n'existe pas de "meilleur" album de DEATH ANGEL. Juste de nouveaux chapitres qui continuent l'histoire.
Et The Evil Divide ne déroge pas à cette règle immuable.
Quoique dans un élan d'enthousiasme, il soit relativement aisé de tomber dans le panneau et de lui décerner ces lauriers qui n'existent pas.
"Je veux que chacun de nos albums sonne affamé et prêt à tout. Un animal blessé est un putain d'animal dangereux. Nous ressentons ça. Nous en voulons toujours plus et nous donnons tout ce que nous pouvons jusqu'à ce que notre corps lâche".
Pourtant, l'Ange de la Mort n'a rien d'une pauvre créature blessée qui doit se battre pour sa vie. Leur réputation les précède, et je connais certains collègues qui encensaient déjà l'album avant même de l'avoir entendu. C'est une marque de confiance certes, mais le respect d'un artiste m'a toujours poussé à écouter son travail avant de le juger. Après tout, même Dieu a fait des conneries parfois... Mais cette fois-ci, DEATH ANGEL a sorti le grand jeu. Pas forcément perceptible à la première écoute, The Evil Divide pourrait pourtant symboliser la meilleure suite logique au diptyque Frolic/Act III que le groupe ait pu proposer depuis son comeback réussi.
Et la preuve indéniable de cette assertion pourrait bien se trouver dans le premier titre de cet album estampillé 2016, "The Moth".
Rarement le groupe n'a paru aussi soudé et sûr de lui. Pas de changement de line-up en trois albums, chose qui n'était pas arrivée depuis les années 80, participation à l'écriture de Rob, cette entame est une des plus emphatiques et paradoxalement légère de toute la carrière du groupe. On y retrouve cette approche fine d'un Thrash qui n'en est pas vraiment un, ces chœurs un peu décalés qui sont la marque de fabrique du quintette, et puis ces riffs... Enormes, redondants, léger, fluides et veloutés mais tranchants, et cette multiplication des rythmiques, le tout sublimé par le chant de Mark, mur, appliqué, mais sauvage.
"Cause For Alarm", qui malgré son titre ne se pose pas en démarquage des AGNOSTIC FRONT se recentre autour d'un Heavy fortement agressif qui balance un riff redondant, et qui nous replonge en plein dans les affres 80's de la SWOATM, lorsque la Californie était bien décidée à garder son titre au dépend de l'Europe. Folie instrumentale débridée, refrain qui explose autour de l'épicentre Mark Osegueda, ballet en ultraviolence majeure qui virevolte sans petits chaussons et sans en rajouter dans le drame. Une claque, et en deux morceaux, la conclusion est déjà proche. Magie DEATH ANGEL ? Peut-être, mais sans doute le morceau qui illustre le plus cette accroche "blessée" de Rob.
"Lost" Continue sur le même rythme, pas véloce, mais féroce, et pose des jalons. On a l'habitude de ces albums qui s'affirment dans la triplette d'introduction, mais The Evil Divide se démarque encore plus en adjoignant l'efficacité à la virtuosité, la puissance à la nuance. Le chant de Mark caresse dans le sens du Metal mélodique, la construction ne se veut pas posée, et l'évolution logique est aussi séduisante qu'une première démo d'HEATHEN.
Difficile d'y reconnaître ses petits, surtout lorsqu'on les a vu naître, grandir, devenir adultes. Comme leur Metal qui aujourd'hui à la sagesse d'un vieux maître et la fougue d'un jeune disciple. La production de Jason Suecof est exemplaire dans le genre, claire mais donnant du relief à tous les détails, de la profondeur à la rythmique, et aiguisant les guitares comme des sabres qui tranchent dans les chairs ennemies. Il faut dire qu'en travaillant pour la troisième fois avec le groupe, aux rangs resserrés, il commence à connaître la chanson. Nous moins, parce qu'avec ces cinq-là, impossible d'avoir des certitudes. Même si un titre comme "Father Of Lies" nous les présente sous leur meilleur jour.
L'alliance harmonie/agression est une fois de plus en plein équilibre stable, et caresse nos oreilles, du début à la fin.
Contrairement à beaucoup de leurs confrères qui tombent dans le piège de la sophistication et de l'allant alambiqué à outrance, les DEATH préfèrent rester concis et concentrés, ne gardent que les meilleures idées, ce qui leur permet après trois décennies d'activité de continuer à composer des brûlots comme "Hell To Pay" qui frappe le centre de la cible comme un premier album. Simple, on les penserait à peine sorti du berceau, alors que c'est eux qui le font basculer d'avant en arrière.
La basse annonce le déluge de "It Can't Be This", qui fait la jonction entre THE ORGANIZATION et les débuts, et le phrasé de Mark si précis et hargneux s'enroule autour des guitares de Rob et Ted, qui suivent une rythmique qui se pose, se repose et dépose, avant de casser le schéma.
La tuerie "Hatred United, United Hate" se sert d'un faux rythme pour mieux nous perdre, mais se retrouve le long de couplets qui écrasent tout sur leur passage. Les dissonances s'invitent au bal, le psychédélisme Thrash se montre sous son meilleur jour, sans pour autant occulter la puissance flagrante et décomplexée d'un Heavy vraiment efficace. Et tandis que "Breakaway" use d'une intro longue et floue avant de se lancer à corps perdu dans un délire à la DESTRUCTION vs MORTAL SIN, "The Electric Cell" s'annonce sous un orage de percussions et nous laisse à penser qu'il est le plus abstrait du lot avec ses mesures impaires. Mais une fois de plus, c'est l'énergie qui prend le pas sur la tempérance, et le groupe se retrouve autour d'un thème étouffant. Ne reste plus au final épique "Let The Pieces Fall" de claquer la porte sur un mid tempo sautillant, sur lequel le quintette se laisse aller à toutes ses envies, pour signer l'un des morceaux les plus efficaces de ce huitième album.
Oui, le morceau le plus efficace placé en fermeture. Qui oserait un truc pareil ? Pas grand-monde, mais DEATH ANGEL ose tout, et comme dirait Audiard, c'est à ça qu'on les reconnaît.
"Nous savons qui nous sommes. Nous sommes attachés à ce son autant pour les fans que pour nous-même."
Tu as de la chance Rob.
Moi, trente ans après, je ne sais toujours pas qui sont les DEATH ANGEL. Je sais juste qu'à chaque album, je me repose la question, tout en sachant qu'ils sont sans doute possible l'un des plus grands groupes que le Heavy Metal a connu.
Ajouté : Samedi 11 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Death Angel Website Hits: 5272
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