Le sous continent indien n'a découvert le Metal que récemment et il semblerait que les musiciens locaux n'aient qu'une hâte : rattraper le retard. Hélas, faute de moyens nécessaires à une expansion internationale, la plupart des groupes n'existent que localement et si nous prenons un certain plaisir à découvrir leur travail via internet, nous n'avons que rarement la chance de les voir se produire sur scène. C'est pourtant avant tout sur les planches rugueuses des salles de concert que les gangs indiens défrichent le territoire à grands coups de riffs rageurs. Sans prétendre à une expertise universelle de la scène Metal indien, d'après les projets qui nous sont régulièrement présentés, notamment par le label Transcending Obscurity, on remarque un attrait certain des indiens pour le Metal extrême, notamment le Thrash et ses dérivés.

SYSTEMHOUSE33 (SH33 pour les intimes) ne déroge pas à la règle et propose un Groove Metal de bonne facture. Il faut dire que les quatre musiciens du combo ne sont pas exactement des lapins de six semaines. Le groupe qui a été fondé en 2003 compte déjà cinq albums à son actif. C'est à l'occasion de la sortie du petit dernier, Regression que SH33 a pu pour la première fois tourner en occident en compagnie du groupe de Death Metal américain SIX FEET UNDER. Cette première incursion hors d'Asie a été suivie, au printemps 2016 d'une première tournée aux Etats-Unis en compagnie de DYING FOETUS, un événement que le groupe vit comme une consécration. En effet, même s'il y a de quoi faire au pays avec une population de plus d'un milliard d'indiens, une scène émergente et une jeunesse qui ne demande qu'à être déniaisée à grands coups de riff rageurs et de blast beat, les groupes indiens rêvent d'une carrière internationale et d'une reconnaissance par les exigeants publics américains et européens.

Qui pourrait les en blâmer ? Cet expansionnisme a pour nous l'avantage de nous offrir la possibilité de découvrir de nouveaux territoires du Metal. En Inde, culture émergente oblige, beaucoup de jeunes groupes se contentent de reproduire avec plus ou moins de bonheur les techniques, riff et mélodies des groupes occidentaux les plus populaires. C'est ainsi que le Groove Metal enragé de SH33 rappelle fortement celui de LAMB OF GOD. Rage brutale des compositions où la rythmique balance des parpaings de dix tonnes comme si c'était des balles de ping-pong, screaming toxique du frontman Samron Jude, constructions collégiales en mode coup de poing dans la gueule : la parenté entre les indiens de Mumbaï et les américains de Richmond s'impose comme une évidence dès la première écoute. Mais heureusement, SH33 évite l'écueil du plagiat ou du repompage de riffs et développe son propre univers sonore. En 30 minutes, Regression ne nous laisse pas souffler, nous poussant dans les cordes et nous balançant des ramponneaux de dix livre dans les gencives. En ouverture, le diptyque "Catharsis" / "Regression" utilise la même formule que LAMB OF GOD sur Wrath avec "The Passing" / "In Your World" : une intro posée en mode guitare acoustique et arpèges qui débouche sur une composition enragée sur laquelle le groupe lâche toute la puissance de sa rythmique en servant un morceau d'une violence extrême qui donne le ton de la tracklist qui va suivre. Certes, la recette des indiens sent un peu le réchauffé, mais démontre que cette astuce est toujours aussi efficace. Une fois lancés, le quatuor envoie pain sur pain et ne laisse jamais retomber la pression.

Si l'on fait abstraction d'une parenté très apparente qui est souvent le talon d'Achille du Metal indien, il n'y a pas grand chose à reprocher à ce cinquième essai de SH33. On pourrait bien sûr trouver que toutes les chansons se ressemblent et qu'aucun titre ne sort vraiment du lot. Plutôt que de chercher la petite bête, réjouissons-nous plutôt qu'un nouveau groupe s'aventure sur les terres toxiques du Groove Metal et partons donc à la découverte de ce son venu de l'Est.