KADAVAR (de) - Berlin (2015)
Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 21 août 2015
Pays : Allemagne
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 52 Mins
Quel drôle de nom quand même. En même temps vu le parcours du groupe, KATASTROPHY c'était pas mal non plus, entre les voitures qui crament pendant le tournage d'un clip alors que le bassiste se fait la malle... Idoine non, quoiqu'un peu provocateur du destin.
Anyway, nevermind... Comme diraient nos cousins d'outre Atlantique. Lorsqu'on a la foi, aucun obstacle n'est insurmontable.
Et pas plus celui du difficile troisième album que les autres. Depuis, un frenchie d'origine a complété le line-up, et c'est ainsi que l'on retrouve aujourd'hui dans la bande, outre les piliers Christoph "Lupus" Lindemann (guitare, chant) et Christoph "Tiger" Bartelt (batterie), le petit nouveau Simon "Dragon" Bouteloup à la basse, et rien n'a vraiment changé depuis les débuts de ce groupe salement acclamé.
KADAVER, kesako ? Un power trio de bon ton ? Un alternative band à l'économie ? La première option est la bonne, mais on tombe surtout sur des passionnés de la scène 70's, du Heavy/Hard à l'ancienne, qui sent bon l'occulte bon marché et les pattes d'éph qui traînent par terre. Oui, on peut être allemand et nostalgique d'une certaine forme de musique américaine/anglaise. Après tout, les KRAFTWERK n'étaient ils pas obsédés par le Funk ?
De Funk il n'est point question ici, pas plus que dans Abra Kadavar, ou dans le premier jet éponyme. Non, ici tout est Rock, de ce Rock bien gras teinté de Metal qu'on retrouvait dans les fondations fumantes du SAB, de PENTAGRAM, et dans les envolées spatiales des gobeurs de pilule d'HAWKWIND. Amplis Orange rutilants, jacks torsadés, jeans et vintage attitude, c'est le monde que vous dessine KADAVAR, et tout en continuant l'optique tablée par les deux premiers efforts du trio, Berlin va plus loin, et peaufine le son et la past credibility. Berlin. Il faut avoir une sacrée paire de balloches pour consacrer un album à cette ville, surtout quand Lou Reed et déjà passé par la, avec un disque honni à l'époque, mais essentiel aujourd'hui. Ca tombe bien, les deux Christoph n'en ont rien à foutre, et jouent crânement leurs cartes. Guitares aiguisés, voix qui s'emballe, rythmique souple qui adopte les contours de riffs à la JET, douze morceaux pour douze mesures d'un Hard Rock teigneux, à peine Metal il est vrai, mais enrobé dans une production analogique pus vraie que nature. Vous êtes demandeur ? Alors asseyez-vous, et dégustez ça une bière fraîche à la main, ou un verre de bourbon, douze ans d'âge, un peu mal vieilli, c'est mieux pour apprécier.
Vous nous racontez quoi alors les gars ? Encore des histoires louches sabrées par une basse fuzz et de la wah-wah qui déborde ? Quelques lancées à la Hendrix, et des arrangements à la Dave Brock ? Un peu fouillis comme d'habitude, mais quand même assez loin des revivalists à la JUPITER ou UNCLE DEAD, parce qu'ici, les ténèbres n'ont pas droit de cité, seule la lumière compte, celle qui se mélange à la fumée de cigarettes qu'on fume jusqu'au bout de la nuit.
Et on imagine bien le local sous une lumière tamisée, lorsque vous balancez des urgences peinardes comme "Last Living Dinosaur", qui sent le stupre sale des STONES repris par un CACTUS goguenard... Ca swingue le long d'un duo basse/batterie vraiment pas énervé, mais qui case quelques breaks bien groove, soutenus par une guitare libre et loin d'être embourgeoisée.
Mais à vrai dire, on imagine surtout cette capitale, cosmopolite, remplie d'humanités d'horizons différents, parce que vous avez bien joué le coup, et bien varié le propos. Si d'ordinaire ce genre d'album un peu Stoner enfumé se taille une route, et une seule, vous avez élargi, emprunté des chemins certes parallèles mais différents, et du coup, franchi une étape supplémentaire. Le chant s'est affirmé, a ajouté des couleurs à sa palette, et chaque chanson se présente comme une tranche de vie dans le centre de l'Europe, avec ses rencontres improbables, ses inconnus qui ne le sont plus au bout de la nuit...
Une nuit à Berlin, ça pourrait donner cet album tiens. Une jolie fille qu'on rencontre dans un bar, ou un club, et qui vous fait briller les yeux et bouger le corps, le coeur incandescent, palpitant comme un fou au rythme de "Pale Blue Eyes", qui décharge un gros riff bien lourd sur un thème paradoxalement Hendrixien, à la "Purple Haze" acide et bon enfant.
Ou ce vieil homme qui s'approche de vous dans la rue, pour raconter ses souvenirs, la voix cassée et le regard humide, tanguant d'un pied sur l'autre sur les contretemps de "The Old Man" à la guitare redondante qui fait rebondir sa narration. Attachant non ?
Mais justement, il vous fait regarder le monde autrement, d'une observation moins pessimiste et cruelle, et vous accélérez le pas, l'air joyeux, en chantonnant "See The World With Your Own Eyes", archétype d'un Rock bien gras et sale, simple mais complet, au refrain presque 60's de ses mélodies épurées mais puissantes. Un tube pour voir les couleurs du petit matin qui approche ? Oui, c'est sur même. Et ça commence à sentir bon le pain qui chauffe tout ça.
Mais que cela n'empêche pas de comprendre que lorsqu'on est loin de chez soi, le temps peut paraître long seul, alors on taille avec des potes, de long terme ou pas, on se prend une petite charge pour tenir le coup, alors que les enceintes crachent un "Thousand Miles From Home" terriblement Heavy, mais pas sombre pour deux sous, non juste ce qu'il faut d'énergie Stoner/Classic Heavy pour tenir jusqu'au bout de la nuit...
Et pour ça, lorsque l'aube approche, vous pouvez tomber sur un petit malin qui vous tient le crachoir, la diction saccadée et épileptique, histoire de vous réveiller, alors que des effluves d'un Rock torride s'échappent de "Into The Night". Ok, c'est classique, LA rencontre obligatoire, mais ça laisse un peu de temps pour accepter que l'errance voulue arrive à son terme, en s'agitant une dernière fois les guiboles sur un Hard Rock teigneux qui ne ménage pas les oreilles un peu abimées.
Car la fin de la nuit, c'est aussi la fatigue, les souvenirs alcoolisés qui plombent la mémoire, et quoi de mieux dans ce cas là de se laisser aller à une petite reprise de Nico, "Reich Der Träume", légèrement engoncée dans un brouillard matinal cotonneux, arrangements oniriques et les yeux qui se ferment doucement... Un peu de délicatesse n'a jamais fait de mal à personne...
Oui, votre Berlin les gars, n'est pas celui de Lou Reed. Pas de prostitué accro qui perd la boule et qui dérive, juste une virée en territoire Rock, comme si le temps s'était arrêté en 73/74. Un truc plus joyeux, plus lumineux, moins déprimant, et c'est tant mieux. Berlin la nuit, avec votre musique, ça doit vraiment valoir le coup d'y traîner.
Un club, un bar, une rue. De l'amitié, de l'enivrement, des rires, mais surtout, de la musique. Mais vous connaissez déjà la chanson...
Ajouté : Samedi 16 Avril 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Kadavar Website Hits: 5468
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