OXX (dk) - Bury The Ones We Love And Burn The Rest (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 1er octobre 2015
Pays : Danemark
Genre : Avant Garde Mathcore Experimental
Type : Album
Playtime : 4 Titres - 37 Mins
Lorsque les barrières entre les styles sont fines, elles cèdent facilement, spécialement lorsqu'elles sont enfoncées par des musiciens talentueux, combinant dextérité, liberté de ton, et finesse. Le cas de ce trio danois en est l'exemple parfait.
Alexander Bossen (guitare, chant), Lasse Enoe (cuivres, synthé, chant) et Martin Aagaard (batterie, percussions, programmation et chant) est d'école. Tous les trois viennent de la scène underground Metal et Avant-gardiste du Danemark, jouant dans divers ensembles, et ont un jour décidé de s'unir pour justement dresser des ponts entre des courants parallèles ou perpendiculaires, pour prouver l'assertion de mon début de rédaction.
Leur premier effort, Oxx, paru en 2012, jetait les bases de ce crossover ultime, mais n'en explorait pas encore tous les recoins. Et à force de répétitions, d'acharnement de composition, il semblerait que le trio ait réussi à trouver ce qu'il cherchait, et il nous le présente aujourd'hui sous la forme d'un LP étrange, obscur, opaque et abscons, Bury The Ones We Love And Burn The Rest.
Qu'est-ce à dire en fait ? Qu'ils ne gardent que l'essentiel, musicalement parlant, et qu'ils se débarrassent du reste ? L'analogie ne serait pas inintéressante, et assez pertinente dans le fond. Car OXX pioche en effet un peu partout, et ne semble garder pour lui que ce dont il a besoin pour agrémenter ses structures parfois à la limite du Free Jazz, sans jamais se départir de cette hargne métallique qui lui confère une puissance créatrice incroyable.
Mais sans vouloir vous effrayer, les quatre pistes de cet album sont complexes, bien que faisant appel aux sensations les plus viscérales stimulées par la musique, lorsqu'elle est pratiquée en art majeur venant des tripes. De la complexité, certes mais sans pour autant renier l'éclectisme et la variété d'emprunt. Les Danois n'hésitent pas à citer en influences des artistes et groupes aussi divers que les STOOGES, ROBOT CHICKEN, DARKTHRONE, John ZORN, les BAD BRAINS, LOCUST ou bien sur les DILLINGER. Et ce qui pourrait passer pour une simple liste de références devient une piste à suivre assez viable pour comprendre leur musique, et trouver la sortie dans le dédale de plans qu'est Bury The Ones We Love And Burn The Rest.
Quatre morceaux, dont un dépassant le quart d'heure, c'est un effort. Enregistré en partie en live en compagnie des chantres de l'Avant-garde ZU, lors de quelques concerts, et partiellement en studio, ce deuxième album est une cathédrale sonore, aussi sombre que brillante, aussi essentiellement directe que terriblement absconse. Même si le groupe assume son affiliation Metal, il rejette d'emblée les restrictions de style, et n'hésite pas à incorporer des instruments aussi déplacés dans le contexte que le saxophone, les synthétiseurs, ouvrant ainsi son champ d'investigation au delà de toute frontière. Evolutif, omnidirectionnel, Bury The Ones commence son travail d'exploration par son morceau le plus direct, le plus lourd, le plus concentrique, et bien nommé par dessus tout, "Terror". On pense Chaotic Hardcore, Sludgecore, Mathcore, avec toutefois de sacrés clins d'oeil au Zorn de PAINKILLER, à LOCUST au passage, et les forcenés tissent une toile sonore très dense, sans occulter le feedback, les larsens, et surtout des riffs si graves qu'ils s'aplatissent d'eux mêmes, tout en lâchant de temps à autres quelques notes reconnaissables, faisant sursauter une rythmique qui pose déjà les jalons de la suite.
C'est pesant, lent, parfois aux confins du bruit sourd, et la gravité vocale ne fait qu'accentuer cette moiteur presque insupportable, qui trompe bien son monde. FETISH 69 n'est pas si loin, avec ces quelques impulsions qui se traînent le long d'une litanie noire, mais on peut déceler dans ce brouillard des choses un peu plus libres assez annonciatrices. Un sax qui hésite encore, un plan de batterie plus léger, et cette impression que le propos ne va pas tarder à évoluer se confirme dès la seconde piste.
"Sjaelen Er Storre End Verden" débute Jazz ténébreux, avec saxo timide qui souffle quelques notes éparses, auprès desquelles volent en spirale quelque volutes de guitare acide. La caisse claire sert de métronome, et après quelques minutes de mise en place, le Jazz Metal se confronte à une sorte de Doom funèbre, complètement aplani sous la pression du trio, qui n'a pas oublié le legs du Sab' pérennisé par CATHEDRAL. C'est Heavy, stricto sensu, avec un gros feeling Sludge, et les cris s'accumulent, faisant monter la pression. Puis le Jazz reprend ses droits, et inonde le ciel de nuages clairs, avant qu'une fois de plus la pénombre ne triomphe. Un peu comme si un réfugié de chez Rise Above se confrontait à l'univers des LITTLE WOMEN ou de DEAD FRANK, pour un combat Metal/Jazz fratricide. OXX prend un malin plaisir à étirer cette construction en alternance sur presque dix minutes, laissant s'échapper un solo limpide qui étonne, avant d'imposer une page vierge en plaquant un drone sur les dernières minutes du morceau.
Le "bref" (cinq minutes quand même...) "Bound To The Infinite Engine" reprend les directions indiquées par "Terror", puis interrompt le tout en son milieu pour laisser une harmonie très paisible prendre le dessus, avec toutefois des mélodies pas vraiment franches, qui semblent porter en leur sein une lourde menace. Et effectivement, le Post Hardcore ne tarde pas à bousculer le calme ambiant, en striant cette même mélodie d'éclairs de guitare fulgurants, mais toujours extrêmement lourds.
Et puisqu'il fallait en arriver là, le temps vient d'affronter l'interminable "Hidden Deep But Ever Present" et son titre en forme d'hommage posthume et de prise de conscience du souvenir éternel. Dix sept minutes qui semblent parfois à la lisière de l'improvisation, profonde, intime, qui se plait une nouvelle fois à naviguer entre les courants, en les abordant de façon toujours aussi extrême.
Mais cette fois-ci, tout est confondu et mélangé au sein d'un même ensemble. Alors le tout, sans citer ses parties, se contente d'accumuler les couches Sludge, expérimental, Ambient, Math, Core, Jazzcore, les empile, laisse la guitare et le sax s'épouser dans un unisson troublant, tandis que la rythmique joue le rôle de trouble fête à grands coups de percussions sauvages et régulières. Le tout est haché, trituré, lacérés d'interventions vocales caverneuses et maladives, et met en place une tension progressive, au bord du gouffre, sans jamais dévier d'un iota de son objectif, hypnotiser, appuyer sur l'estomac, jusqu'à ce que nos sens soient altérés, ou que nous jetions l'éponge. Et en forme de conclusion, OXX laisse le bruit remplir son office, comme une dernière oraison sans but, sans motif.
Allons droit au but. John ZORN, ISIS, BOTCH, DEAD FRANK et UNSANE sont dans la même pièce. L'un d'entre eux lance une blague, rattrapée au vol par un des autres.
Qui est celui qui rira le dernier ?
OXX, parce qu'ils la connaissaient déjà.
Ajouté : Samedi 16 Avril 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Oxx Website Hits: 5642
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