GRAVEYARD (se) - Innocence & Decadence (2015)
Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 25 septembre 2015
Pays : Suède
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 35 Mins
L'automne, belle saison propice à la nostalgie, les couleurs changent, les feuilles tombent, comme le soleil de plus en plus tôt, certains font même un feu dans la cheminée les soirs de fraîcheur... On peut manger la soupe et partager le pain pour se réchauffer et se réconforter, ou se raconter des histoires. Et même, dans certains cas, écouter de la musique, aussi nostalgique que la saison en question.
Et rayon nostalgie et teintes délicatement voilées, les suédois de GRAVEYARD sont les champions. Avec trois albums impeccables à leur actif, Joakim Nilsson (guitare & chant), Jonathan Ramm (guitare), Truls Mörck (basse), Axel Sjöberg (batterie) se sont constitué un joli following dans l'underground, avant d'exploser avec le monumental Lights Out, chroniqué en ces pages.
Trois ans plus tard, les voici de retour, toujours hébergés par la maison allemande Nuclear Blast, qui fait décidemment preuve de bon goût.
Nouvel album, le quatrième, au titre très révélateur de la nature humaine, mais qui peut aussi décrire à merveille leur musique, tour à tour limpide et innocente, ou au contraire suintante de stupre. Lights Out m'avait laissé un goût délicieux en bouche, et trois ans après, je l'écoute encore avec grand plaisir. Qu'allait-il en être de ce nouvel effort, après presque dix ans de carrière ? Refonte, révolution, évolution ? Pas du tout, juste un développement de ce qui a toujours fait la force des suédois, et pour faire plus simple, onze chansons d'un Rock 60's/70's de grande qualité, porté par des instrumentistes passionnés et sincères.
Mais je crois que le groupe à une formule idéale pour en définir le contenu :
"Nous sortons un nouvel album en septembre, qui s'appelle Innocence & Decadence. Ce sera un disque rempli ras la gueule d'un peu de ci, mais pour ceux qui s'inquiètent, sachez qu'il y aura aussi un bon paquet de ça."
Drôle, et assez bien vu, puisque la question d'analyser un disque dont on connaît le contenu par avance, et qui ne fait appel qu'au ressenti le plus primal, est assez vaine. Après écoute, nombre de critiques se sont désolés du manque d'innovation de GRAVEYARD, les accusant d'être de vulgaires nostalgiques sans envergure capitalisant sur la mode Vintage, sans chercher à faire bouger les choses. A ceux ci je répondrai :
Mais pourquoi faire ?
Demandait-on aux cadors de l'époque de transcender les styles pour accoucher de quelque chose d'innovateur ? Non, on gobait leurs albums comme de jolies petites pilules colorées ou noires, on prenant son pied, et rien de plus, ni de moins. Ici c'est pareil, sauf qu'entre quarante et cinquante ans se sont écoulés depuis les travaux d'origine des modèles, mais loin d'être une pâle copie, Innocence & Decadence est encore une fois - Ô surprise - un énorme album de Rock seventies, légèrement psyché, voire un peu soul et sudiste par moments.
Onze morceaux, et comme d'habitude, pas de restes à mettre au frigo. C'est du tout chaud, du bouillant même à l'occasion, avec même une petite louche de cool par moments. On note toutefois un gros allègement du son par rapport à Lights Out, comme si le quatuor souhaitait montrer au monde un visage plus souriant, en proposant des chansons plus légères, sans pour autant laisser le feeling au placard.
D'ailleurs, pour que vous en soyez conscients, ils ont placé en ouverture une claque directe, et "Magnetic Shunk", déjà lâché sur le net d'étaler une belle pêche psychédélique martelée par un up tempo sautillant. Ca pulse, ça riffe costaud mais frivole, et ça chante avec les tripes, mais ça, ça n'est pas vraiment nouveau.
Ce qui l'est par contre, ce sont des morceaux de la trempe de "The Apple & The Tree", qui rappelle le CORROSION OF CONFORMITY de "Clean My Wounds", avec solo bien bluesy en prime et ligne de chant tranquille, presque bucolique. On s'imagine parfaitement bouffer du bitume avec ça dans le huit pistes, vitres et toit baissé. Ca roule tout seul, c'est du gros Rock fin 60's qui s'adapte à la production contemporaine (Janne Hansson, ABBA, THE HIVES, OPETH), et c'est un des meilleurs du lot.
Mais les digressions plus intimistes ne sont pas pour autant occultées, et "Exit 97" de répandre de douces effluves Soul/Blues le long d'une complainte gorgée d'émotions et d'interventions en solo aussi brillantes que parcimonieuses.
De la Soul justement, "Too Much Is Not Enough" en déborde par tous les pores, convoque les fantômes de LYNYRD et du ZEP pour une ballade profonde et aussi intimiste que populaire. La voix de Joakim fait encore mouche, avec ses intonations délicatement voilées, qui prennent de la puissance sur les refrains, et lorsque les choeurs féminins font leur apparition, on s'y croirait. Ou ? Revenu trente ans en arrière justement, bien que les BLACK CROWES soient déjà passés par là, avec un peu moins de brio toutefois. Un peu Motown des années 70, un peu STONES version "Wild Horses", c'est un subtil équilibre entre Soul/Blues/Country, mais surtout une véritable perle. Amplis qui ronronnent, basse qui résonne, un petit matin chaud et tranquille en somme... Ou une belle fin d'après midi, au choix.
La tendance Rock frondeur et virevoltant est confirmée par deux titres qui cavalent sans foncer, "From a Hole In The Wall", qui se permet même un break incongru aux limites du Black, avec rythmique effrénée et guitare étrange, et le plus tranquille "Never Theirs To Sell", furieux mais maîtrisé, encore une fois proche du COC des années 90, un peu Stoner, mais implicitement Rock.
L'album se termine plutôt dans la demi teinte, avec émotion à fleur de peau et acoustique délicate. 'Far Too Close" n'est rien de moins que l'adaptation scandinave du Southern Rock hérité des Allman Brothers, tandis que "Stay For A Song" et son simple duo guitare/voix évoque avec tendresse ces fins de soirées où on a pas forcément envie de voir ses potes partir. Gorgée de feeling une fois de plus, c'est aussi un highlight incontestable, avec son final un peu trouble de quelques notes dissipées dans la nuit...
Alors non, pas d'évolution messieurs. Ou si, une seule, mais que vous n'avez peut être pas su saisir, celle de la qualité toujours grandissante des albums de GRAVEYARD. Si la nostalgie est bien évidemment un vecteur important de leur approche, prenez la plutôt pour ce qu'elle est, une véritable passion sans bornes pour une musique intemporelle qui nous fera toujours vibrer.
En tout cas, je signe et je paraphe dix fois s'il le faut, et je continuerai de suivre ces suédois magiques avec délectation.
Innocence & Decadence, ou l'album d'un automne qui s'annonce chaud, placé sous le signe de l'amitié, et des valeurs simples et séculaires. Que demander de plus ?
Ajouté : Vendredi 18 Mars 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Graveyard Website Hits: 5902
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