THRONELESS (se) - Throneless (2015)
Label : Heavy Psych Sounds Records
Sortie du Scud : 23 octobre 2015
Pays : Suède
Genre : Sludge Doom
Type : Album
Playtime : 4 Titres - 35 Mins
Le Doom, on en connaît la recette par coeur. Depuis... disons 1970 environ, et la sortie du premier album éponyme des quatre de Birmingham, le séminal et insurpassable Black Sabbath. Elle est éprouvée, et séculaire. Une guitare aux riffs lourds et sombres, une rythmique monolithique qui ne crache pas à lâcher un break apocalyptique toutes les cinq minutes (option nerveuse), et bien évidemment, une voix plaintive, qui semble sortie du fond des abysses...
La litanie dure depuis maintenant plus de quarante ans, et les héritiers du SAB' continuent inlassablement leur travail de sape, posant leur pierre sur les fondations initiales, à tel point que l'ouvrage prend maintenant des airs de cimetière communal, version grande agglomération.
Une pierre de plus à l'édifice ?
Ca ne se refuse pas, et loin des dolmens, celle-ci nous vient de Suède. Johan Burman (batterie), Johan Sunden (guitare) et Patrik Sundberg (batterie) ont formé THRONELESS à Malmö, et on opté pour le versant le plus abrupt du Doom, celui qui ne tolère aucune variation majeure, et qui reste collé à une éthique monocorde, de bout en bout.
C'est un choix, et il est extrême. Bien loin évidemment de la torture auditive d'un ENCOFFINATION, les trois suédois tissent quand même une toile épaisse qui attire ses proie par patience, pour ensuite les broyer lentement, très lentement, et surtout, longuement. Quatre morceaux pour trente cinq minutes de lancinance noire comme l'ébène, dont une piste dépassant les dix minutes, histoire de refermer le livre sur le plus gros chapitre. Leur philosophie ? Ils l'expriment mieux que quiconque :
"Nous adaptons notre façon de penser à celle des autres, ce qui n'arrange personne, sauf ceux qui sont au somment de la pyramide. On nous dit que c'est la seule façon de vivre, et nous gâchons nos plus belles années à travailler comme des cons, pour gagner de l'argent qui ne sert à rien, à part acheter des amplis pour pouvoir nous exprimer, et dire à quel point nous détestons tout".
Une fois ces vues exposées, il n'est pas difficile de comprendre la démarche musicale de THRONELESS. Matérialiser l'ennui d'une existence morne, voué au Dieu dollar/euro, à marcher dans les pas des autres, sans rien attendre de plus qu'un jour qui se lève ou qui se couche. Dans leur univers, calqué sur le climat nordique, le soleil semble se coucher sans cesse. Leur musique évoque une nuit diurne sans joie, sans sommeil, sans rêve, et ils ne se privent pas pour nous marteler leur leitmotiv nihiliste pendant de longues minutes. Il paraîtrait que cet album est né d'heures passées à jammer ensemble, et je dois avouer que cette possibilité est très crédible au jugé. Les morceaux semblent guidés à l'instinct, et non structurés comme de véritables chansons, bien que les humeurs ne changent guère tout au long de cette grosse demi heure.
Pas de véritable tour de force, mis à part celui de rester figé sur un thème inamovible, et Throneless de ce côté là n'évite aucun piège et fonce tête baissée dans les répétitions redondantes, comme le prouve le très long et monolithique final de "Thinning The Herd". Tel un mantra répété jusqu'à la transe, ce morceau s'élance le long d'un riff unique, répété à l'envi lors des trois, quatre dernières minutes, et vous plongera au choix, soit dans une longue introspection douloureuse, soit dans un ennui mortel.
Mais là est la clé de voûte de cette musique unique, qui à autant inspiré le Post Hardcore que le Sludge, et qui aura converti bien des musiciens, pourtant peu enclins à ralentir le tempo à la base (Lee Dorian en est le plus parfait exemple, avec son complice Gary Jennings).
On trouve d'ailleurs sur cette piste les traces de chant les plus étranges, comme s'il était filtré par une cabine Leslie, et repassé dans la console via une boite d'écho supplémentaire, et l'effet est choc, et donne du volume à la composition.
Mais le véritable phare dans cette nuit noire, qui d'ailleurs est la seule petite once de lumière qui surnage dans cet océan de ténèbres, est bien la longue pièce finale, "Reaching For The Dead", qui a n'en point douter à du atteindre son but, et atteindre les plus profondes couches de terre où reposent des cadavres enterrés depuis des siècles.
Une intro mélodique, aux arpèges délicats, et à la rythmique subtilement tribale, qui tranche avec la paresse et les tons monochromes des trois premières chansons, avant bien évidemment que THRONELESS ne retombe dans les travers du genre, et nous pilonnent leur pire hymne à la solitude et à la dépression. Quelques légères variations pour ne pas donner l'impression qu'une seule idée motrice pilote l'ensemble, mais en dehors de ça, riff plombé à outrance, chant éloigné au maximum et presque hurlé en pleurant, et rythmique de marbre, qui semble ne rien vouloir entendre d'autre que son propre grondement.
La saturation laisse penser à un NEUROSIS particulièrement caverneux, et l'unisson flirte avec les exactions de ISIS et SUN O))), avec ces graves qui vibrent et font trembler les murs. Une accélération presque Thrash surprenante nous prend soudain de court, qui dure même jusqu'à la fin de l'album, comme si le trio voulait nous laisser sur un pied de nez ultime. J'avoue que c'est très bien fait, et que la chose donne envie d'entendre le groupe dans un contexte plus agressif et moins contemplatif. Un peu d'humour ne fait pas de mal...
A partir de là, c'est du Doom, presque funèbre (il l'est en tout cas dans les thèmes), monolithique comme une pierre de Kubrick, et pourrait symboliser pour les plus renonciateurs d'entre nous à une parabole sur la vacuité d'une existence sans but.
En tant que tel, le travail est réussi, même si parfois, l'approche "jam pour voir où ça nous mène" prédomine, spécialement sur les deux premiers morceaux. En dehors de ça, pas grand chose ne fera surnager les THRONELESS pris dans la mare saumâtre des adorateurs du Doom, mais si vous êtes fan du genre, alors Throneless, l'album, ne vous décevra pas.
A compter que vous puissiez vous enthousiasmer pour quelque chose...
Ajouté : Jeudi 03 Mars 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Throneless Website Hits: 7972
|