En préparant cette review de Something Supernatural, j'ai lu la critique qu'un magazine Metal en faisait. Il jugeait assez durement le méfait au motif que rien ne le distingue de la concurrence d'une part et que les groupes Hard Rock revival, ça commence à bien faire. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je trouve injuste qu'on pénalise un opus parce qu'il s'insère dans un courant où il y a beaucoup (trop?) de concurrence. En tirant l'argument à l'extrême, cela reviendrait à dire qu'il suffit de sortir un disque moyen dans une catégorie peu populaire pour avoir l'attention des médias et du public ? Je ne pense pas qu'on puisse se permettre de jeter le bébé avec l'eau du bain. Un bon disque reste un bon disque. La question qui doit nous occuper ici c'est : Est-ce que Something Supernatural est un bon disque ?

Revenons quelques années en arrière. Pottsville, Pennsylvanie, USA. CROBOT est fondé durant l'été 2011 par Brandon Yeagley (chant) et Chris Bishop (guitare). Un EP / Démo est publié en 2012, le groupe se stabilise alors en accueillant une nouvelle section rythmique Jake Figueroa (basse) et son frère Paul (batterie). Le groupe a été signé chez Wind Up Records début 2013. Le combo enregistre un debut album de 12 pistes, incluant les quatre chansons tirées de l'EP de 2012. La production est assurée par Machine. Le producteur qui a notamment signé le dernier méfait de CLUTCH arrive à donner à la musique de CROBOT la sonorité qui convient le mieux à leur couleur musicale. C'est un son à la fois puissant et vintage. Ce n'est pas une musique qui sent la poussière et le parquet qui craque, le producteur n'a pas cherché à trop tirer sur la corde du revival, la musique s'en charge assez bien toute seule. Au contraire, Machine livre une rondelle à la sonorité plutôt propre, puissante qui détoure bien la musique du quatuor. Elle est bien costaude et couillue sur les morceaux Heavy ("Legend Of The Spaceborn Killer", "Nowhere To Hide") et sait ranger les fusils au vestiaire pour sortir les archets sur les deux morceaux mid tempo qui sonnent comme des ballades mélancoliques et contemplatives ("La Mano De Lucifer" et "Queen Of The Light").

Musicalement parlant, CROBOT joue à n'en pas douter dans la catégorie un peu encombrée du Hard Rock. On ne va pas s'amuser à coller du vintage et du revival à toutes les sauces, car cela ne veut finalement pas dire grand chose. Pourquoi le Hard Rock actuel serait plus vintage que le Heavy Metal actuel ? Disons simplement que Something Supernatural recycle les recettes qui ont fait le succès d'albums des années 1970 dont le quatuor s'inspire assez librement. Un usage extensif de pédales d'effet, quelque chose dans le jeu de guitare ou le chant époustouflant de Brandon Yeasgey. Plus sûrement sont-ce les mélodies et la construction atmosphérique de la galette. Pour le reste, laissons à chacun le plaisir de décider à quoi cette musique renvoie.

La setlist est construite comme on aime, avec une attaque franche et virile sur le hit (issu du debut EP) "Legend Of The Spaceborn Killer". Intro fuzzée, chant rentre dedans, construction pêchue.... tous les ingrédients livrés en salade. On enchaîne ensuite sur deux morceaux tout aussi tonitruants, "Nowhere To Hide" et "The Necromancer". Ensuite, on pose les fusils le temps de souffler un peu autour d'une bonne blonde bien fraîche avec "La Mano de Lucifer", un morceau mid tempo à la beauté envoûtante où le groupe montre que les ballades mélancoliques, il sait aussi faire (il réitère d'ailleurs sur "Queen Of The Light"). Malheureusement, la galette souffre d'un petit défaut, une certaine répétitivité. Le gang a l'air de trouver ses recettes tellement géniales que certaines chansons sentent le recyclage : même genre de mélodies, même style de backvoice, rythmiques similaires, mêmes effets de distorsion. C'est, la plupart du temps une impression diffuse, jusqu'à "Night Of The Sacrifice" qui ressemble à une version alternative de "Legend Of The Spaceborn Killer" tant elle joue dans la même catégorie. On constate les mêmes similitudes entre "La Mano De Lucifer" et "Cloud Spiller".
Ce n'est pas un défaut rédhibitoire, CROBOT fait bien le job et on ne s'ennuie pas à l'écoute de Something Supernatural, mais l'album aurait gagné à être plus concis, ramassé sur 8 ou 9 chansons parfaites, plutôt que d'en proposer 11 (12 dans la version bonus), dont un partie ressemblent plus ou moins à ce qu'on pourrait appeler des chansons de remplissage.

Voici donc un premier essai plutôt concluant mais peut-être un chouia trop marketé. Les bonnes parties donnent pourtant bien envie de faire un bout de route avec les américains. Car la formation dispose de solides arguments pour s'élever au-dessus de la mêlée. Attendons donc le deuxième round avant de juger. Et pour répondre à la question posée en début de chronique, Something Supernatural est un bon disque. Mais il aurait pu être encore meilleur...