LOGN (is) - I Sporum Annarra (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 24 juillet 2015
Pays : Islande
Genre : Post Crust Sludge
Type : EP
Playtime : 6 Titres - 26 Mins
LOGN nous vient des contrées gelées et austères d'Islande, comme leur consoeur BJORK, mais empruntent toutefois des chemins moins tortueux que la fée barge qui déteste les photographes. Né à Reykjavik, le groupe tire son nom d'une expression idiomatique locale dépeignant une nature "calme et sereine", ce qui est en soi d'une sacrée ironie vu le contenu extrêmement bruyant de leur musique.
Les islandais n'en sont pas à leur coup d'essai. Si leur première trace discographique partageait ses faces avec leurs potes de MANSLAUGHTER, ils se sont bien rattrapés depuis, avec un premier EP, Haute en 2009, puis un longue durée en 2011, I Frähvarfi Ljöss Myrkrid Lifnar Vid.
Dès le départ, ils ont choisi la voie de l'ouverture brutale. Empruntant des ingrédients à plusieurs courants musicaux radicaux, ils ont tôt fait de mixer leurs influences Post Hardcore, Crust, Grind, Black, voire une légère approche Mathcore pour les heurts de précision, et leur optique n'a pas vraiment changé à ce jour, mais elle s'est radicalisé à outrance. Et malgré sa brièveté qui tient plus du EP que du LP, I Sporum Annarra enfonce encore un peu plus le clou, et repousse les limites du chaos.
Est-ce la beauté épurée et austère des Fjords qui rend la musique des islandais aussi radicale et sans concessions ? C'est une possibilité, qui n'explique pas pour autant leur versatilité. Car en termes de brouillage de pistes, ils sont les rois incontestés, et leur EP/LP nous guide sur tant de voies excentrées qu'il devient ardu de les rattacher à un courant précis. A ce titre, ne faites pas une confiance aveugle à la dénomination choisie dans les caractéristiques de cette chronique, car elle n'a pour seul but que de vous aiguiller un tant soit peu. L'ensemble est trop complexe et diffus pour être placé sous un signe unique, et vous le découvrirez vite à l'écoute de I Sporum Annarra.
Quatre années se sont donc écoulées depuis I Frähvarfi Ljöss Myrkrid Lifnar Vid, mais ce nouvel effort ne renie en rien le passé. Il en suit même les traces (ce qui est la traduction littérale de son titre), tout en affirmant de manière plus véhémente les bases. Si les LOGN sont les leaders de la scène extrême de Reykjavik, ça n'est pas un hasard, et les six pistes présentées ici le prouvent sans équivoque.
La base déjà. Quelle est-elle ? On pourrait la situer sur un plateau Crust/Grind, mais tout ceci se situe tellement en arrière plan, ou a l'opposé, en termes diffus d'arrangements que le raccourci devient péjoratif. Parlons plutôt d'un Post Hardcore qui trempe ses pieds dans un Sludge light mais bourbeux, et qui de temps à autre ne rechigne pas devant une accélération fatale. Mais tous les morceaux sont découpés selon un plan précis, et chacun trace sa propre route.
Ainsi, l'ouverture "Þitt rétta eðli" nous montre la lumière via une incantation samplée, sobrement soutenue par des arpèges à l'économie, plus menaçants que relaxants. S'ensuit une longue et lourde litanie grave, qui cite MASTODON, tout en collant de près au Post Hardcore le plus abrasif, pour cause de vocaux vraiment écorchés et expulsés avec misanthropie. L'ombre de BREACH n'est pas loin, tout comme celle de ADOLYNE, en version plus linéaire toutefois. On pense alors savoir de quoi il en retourne, puisque la démarche ne varie pas d'un iota pendant six minutes, mais les musiciens sont décidemment plus malins que ça...
Et "Fórnarlömb" de faire monter la pression, sans pour autant tout balayer et faire table rase. On grimpe d'un cran dans l'agression, et les spectres de CONVERGE/DEP/URSUT d'apparaître soudainement dans le corridor plongé dans la pénombre, pour un Post Mathcore très volumineux et heurté, qui aménage cependant de longues plages pesantes et terriblement Heavy. Sur une trame très Core, LOGN semble coudre sur la dentelle noire des motifs Sludge très prononcés, soudain arrachés d'une colère Crust/D-Beat. La basse est omniprésente, pas forcément plus grave que les guitares, mais empesée, et collée au sol. Ses cordes vibrent de notes qui trouvent écho sur les toms d'une batterie fortement malmenée, et le tout créé un malaise palpable, surtout lorsque la pseudo tranquillité de surface est déchirée par des pics de vitalité limite Grind. Les riffs se multiplient, et les cassures s'accumulent, sans que la logique ne soit bafouée.
"Happdrætti sorgarinnar", à la frontière du Grind et du Fastcore semble vouloir ridiculiser les DILLINGER en termes d'anarchie rythmique, et en moins de deux minutes, tout y passe, même les colères Crust/Grind torrides et débridées. Mais une fois encore, tout s'arrête et s'embourbe dans un marécage Post Sludge, sans transition.
"Tóm hamingja" semble encore plus troublée, et sa rythmique en fausse patte évoque le Grind, alors que le fond est définitivement Post Hardcore. Les riffs sont soit grondants, soit acides, et les deux chants qui s'entremêlent atteignent une sorte de paroxysme de la violence schizophrénique, comme deux personnalités qui s'affrontent dans le cerveau dérangé d'un psychopathe. Cette fois-ci, la batterie se lâche complètement, et passe de ruptures arythmiques Math à de sobres Blasts Grind, sans aucune préparation ni ménagement. Quelques segments en chausse pied à la NEUROSIS, et les deux minutes sont remplies à fond.
Mais les arpèges acres sont de retour, et le morceau éponyme de prendre à contre pied les affirmations précédentes, sans pour autant se renier rythmiquement. Mais le tout est plus stable, sans que la voix ne s'oublie dans son hystérie, et la tension monte, aménagée par quelques astuces sonores de fond, jusqu'à cette cassure qui laisse les guitares s'envoler dans les aigus dissonants, laissant place à un final explosif et sans retenue.
"Troðin slóð" en guise de final utilise la rage paroxysmique, et appuie sur les plaies causées pour provoquer une douleur auditive ultime. Tous les ingrédients sont réunis au sein d'une même composition, et LOGN passe par toutes les étapes, Crust, Sludge, Mathcore, presque Black par moments de par la rugosité sans ménagement, et les breaks s'enchaînent, sans que l'on parvienne à trouver une logique évolutive. Mais loin d'être incohérents, les islandais dessinent en fait leur propre vision du chaos, et je dois avouer que celle ci est assez effrayante. Puis le silence reprend ses droits, comme pour nous tirer d'un cauchemar diurne éveillé...
Belle démonstration de puissance et de liberté de ton que ce I Sporum Annarra. C'est un album abrupt, difficile d'accès, qui passe par toutes les incarnations de la violence sonore, sans s'arrêter sur une case précise. Peut-on voir ça comme une crise psychologique, d'un esprit malmené par le silence et la nature envahissante, et qui réagit comme Janov face à son destin isolé ? Ou bien comme la colère d'hommes qui le confine à la misanthropie la plus extrême, acceptant son isolation, et criant dans le vide sa haine ?
Les deux options sont possibles, les conséquences étant aussi cathartiques l'une que l'autre. Mais ce qui est sur, c'est que ce nouvel album de LOGN ne sera jamais utilisé comme carte postale vantant les beautés naturelles de l'Islande, à moins que les institutions sanitaires nationales ne soient en manque de patients.
Ajouté : Lundi 22 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Logn Website Hits: 5808
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