OPPROBRIUM (usa) - Serpent Temptation (2016)
Label : Relapse Records
Sortie du Scud : 15 Janvier 2016
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Death Metal
Type : Album (réédition)
Playtime : 12 titres - 54 minutes
Imaginons un instant que j'achète cette réédition. Ce qui est de l'ordre du possible puisqu'elle est de qualité... Alors le paradoxe suivant se présenterait à moi. Je possèderais donc trois fois le même album différent, qui pourtant serait le même d'une certaine façon.
Car ayant déjà le CD original et sa réédition en doublette avec Beyond The Unknown, en ajoutant cette ultime rafraîchissement digital, j'aurais dans ma collection Serpent Temptation en VO de l'époque avec Scott Latour à la basse et au chant, Serpent Temptation réenregistré avec Francis au micro, et Serpent Temptation avec Scott Latour au chant, mais sous le nom d'OPPROBRIUM.
Quel paradoxe pour un unique album, certes roi de l'underground dans les années 80, mais à force de le décliner sous toutes les formes possibles, l'acheteur potentiel en perd son latin...
Il est certain que la tentation du serpent reste un des disques les plus extrêmes des eighties, avec son mélange barbare de Thrash furieux et de Death impétueux, mais une troisième version, aussi exhaustive soit elle était elle nécessaire ?
Bonne question, et seuls les acquéreurs de l'objet en question pourront y répondre. Jugeons donc la pièce par rapport à la somme de travail accomplie.
Pour ceux comme moi ayant connu cet album dès sa sortie, le choc fut intense. Hard Rock Magazine le décrivit en établissant des balises entre SLAYER et le bruit, et en le déclarant aussi puissant qu'un réacteur nucléaire. Il est vrai que cette attaque sonore parfois à la limite du Thrashcore avait de quoi séduire les plus bourrins d'entre nous, et nous nous jetâmes donc sur la rondelle en question pour réaliser que pour une fois les journalistes n'avaient pas tort.
Sauf qu'à l'époque, le groupe s'appelait encore I******, et qu'il n'allait pas tarder à transformer l'essai pour un second LP en tous points supérieur au premier, le phénoménal et sépulcral Beyond The Unknown, que je préfère de loin à ce séminal jet de bile et d'acide.
Mais nonobstant ces affinités personnelles, Serpent Temptation fit grand bruit à l'époque, bien avant que Latour ne dégage laissant les frères Howard seuls aux commandes, et que les exilés de Rio De Janeiro relocalisés à la Nouvelle Orléans n'optent pour un patronyme différent pour éviter quelques problèmes au tribunal.
OPPROBRIUM donc, sauf que pour le coup, il vaudrait mieux parler d'I******. Certes, trois albums sont sortis depuis le switch patronymique, à huit ans d'intervalle chacun, mais ici, c'est d'une pièce historique dont nous parlons. J'ai toujours préféré la version avec Scott au chant à celle réenregistrée par Francis, sa voix plus aigue, son timbre plus sadique et moins Death collant beaucoup mieux à l'univers chaotique des chansons de cet album. Mais sans vouloir refaire l'histoire à moi tout seul, je suis bien obligé de parler du Serpent Temptation réédité par OPPROBRIUM, puisque c'est maintenant le seul nom officiel à prendre en compte. Quel paradoxe, comme je le disais.
Soyons clair, la sauvagerie de Serpent Temptation n'a pas pris une ride, et pourrait en remontrer à bien des combos dits "extrêmes" actuels. La sauvagerie de la rythmique est intacte, les riffs sont toujours aussi assassins et rapides, les parties de chant sournoises et agressives, et les soli encore plus hystériques qu'en 88. Pour ceux qui auraient manqué cette tranche de brutalité intensive à l'époque, trop jeunes ou trop étourdis, I******/OPPROBRIUM représentait en quelque sorte le lien ténu et quasi invisible qui commençait à se dessiner entre le Thrash radical et le Death post natal, et qui aboutirait quelques années plus tard à l'officialisation du Thrash Death ou Death Thrash selon le point de vue.
En tout point parfait de bout en bout, Serpent Temptation représentait une sorte d'acmé de la violence instrumentale, sans pour autant tomber dans le chaos intégral. Mais la production de 1988 étouffait considérablement la batterie, rendait les breaks hasardeux, tout en renforçant ce sentiment d'urgence qui a posteriori, était tout à fait délicieux.
Avec cette remasterisation, cet aspect là à complètement disparu, laissant la place à une machine de guerre implacable qui avance et broie tout sous les coups de boutoirs de ses chenilles bien huilées, même si la paire Latour/Howard incarne toujours ce poumon rythmique à la respiration haletante.
De l'intérêt de cette ultime restauration ? Simple, retrouver l'album d'origine avec les lignes de chant de Scott Latour, bien plus sournoises que les pistes réenregistrées plus tard par Francis, et surtout, avec un respect du son de l'époque, qui avait vraiment pâti de l'approche purement Death de la réédition couplée avec Beyond The Unknown, à la standardisation grave trop proéminente, époque oblige.
Mais autre petite cerise sur le gâteau, la présence en bonus de la première démo du trio, Supernatural Death, qui elle n'a pas du tout été bricolée pour être enjolivée, et qui sent bon les vrilles suraiguës de la cassette de 1987. De plus, les morceaux présents sur cette maquette sont encore plus rapides que les versions qu'on retrouvera un an plus tard sur l'album, piétinant allègrement les plates-bandes du Thrashcore atomique, avec cette charleston insupportable bouffant toutes les high frequencies...Un vrai bonheur, croyez moi !
Au prime abord, je doutais du bien fondé de cette énième ressortie, mais finalement, je trouve l'idée assez bonne et la démarche pertinente. Il est vrai que voir le nom d'OPPROBRIUM en gros sur une pochette aussi culte est très étrange, mais droits légaux obligent, les frères Howard n'ont pas vraiment eu le choix...
Il n'en reste pas moins que le chef d'oeuvre de l'underground qu'a toujours été Serpent Temptation retrouve une seconde jeunesse, et une vraie, beaucoup plus séduisante et fidèle que le visage hideux offert par sa seconde relecture post Scot Latour.
De quoi s'offrir une tranche de faste passé en version deluxe, et saluons de fait le travail de Brad Boatright (OBITUARY et beaucoup d'autres), qui a relifté ce tronçon de violence pure avec tout le respect qu'il méritait.
Si vous ajoutez en sus un joli livret explicatif et fourni, plus une version vinyle de toute beauté, l'argent investi ne saurait être regretté.
De quoi être tenté non ?
Ajouté : Samedi 16 Janvier 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Opprobrium website Hits: 6671
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