NOSTRIL CAVERNS (ca) - Tragic Immoral Illusions (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 1er août 2015
Pays : Canada
Genre : Black Metal Post Math
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 35 Mins
De nos jours, le prix du matériel informatique (cartes son, composants) est tombé si bas que tout le monde peut s'offrir un équipement digne de ce nom sans se ruiner.
La multiplication des plateformes de diffusion permet ensuite de propager sa musique sans avoir à passer par un label, et de toucher un public potentiel à grande échelle, exponentielle de surcroît. On assiste donc quotidiennement à un grand bal de sorties, sur des labels indépendants, ou le plus souvent en autoproduction, puisqu'il n'est plus besoin de démarcher pour proposer aux fans son travail. La génération DIY prend une ampleur phénoménale, et un simple coup d'oeil sur le net, et quelques sites spécialisés suffit à s'en rendre compte.
J'ai pris aujourd'hui un cas d'école pour illustrer ce constat. Rien ne distingue NOSTRIL CAVERNS du reste de la masse grouillante de musiciens errant dans les dédales du Net, mis à part que l'homme est très prolifique, et qu'il bricole depuis plus de seize ans sa musique dans son coin, sans se soucier de son impact possible.
NOSTRIL CAVERNS est un one man band, comme il en existe des centaines dans le créneau Black/Ambient/Core. On trouve derrière ce patronyme Chris Balch, canadien résidant à Toronto, qui a commencé à enregistrer alors qu'il était encore à l'école. En ces temps reculés de la fin des 90's, son projet s'appelait encore TIME OF DEATH. Il a gravé sous ce nom de multiples disques, dont trois LP complets et quelques démos. En 2012, il choisit de muter en NOSTRIL CAVERNS pour continuer son aventure, et reste aussi prolifique.
D'un Death Metal atmosphérique, il passe à un mélange de Noise, d'Ambient, de Jazz, de Grind, de Black, et s'autorise à peu près tout, ce qui est logique puisqu'il est seul aux commandes. En 2015, il propose un nouveau longue durée, Tragic Immoral Illusions, qui synthétise plus ou moins toutes ses influences, qui vont de GORGUTS à EXHUMED en passant par WITT et SIGNS OF DYING.
Son oeuvre est libre, mais cohérente. A l'image de REVENGE, il a opté pour une charte graphique précise, et toutes ses pochettes sont construites sur le même schéma. Mais là où l'homme impressionne, c'est qu'il ne s'est pas contenté de balancer quelques riffs sur une vieille boite à rythme au son aléatoire et mécanique, mais qu'il a incarné chaque instrument de manière acoustique, joue lui même les parties de batterie, la guitare, la basse, le chant, et ajoute des effets pour enrober le tout.
Musicalement, l'affaire est assez complexe et inclassable. Si les éléments pris individuellement sont immédiatement identifiables, leur mélange aboutit à une musique assez unique, décalée, qui emprunte les codes du Black Metal, du Mathcore, du Jazz, de l'Ambient, pour finalement se révéler assez unique. Le point commun entre les morceaux se retrouve dans cette violence qui explose à chaque instant, et dans la complexité des structures développées, qui mixent la brutalité Black Canadienne et l'arythmie du Mathcore de ses voisins américains.
La voix elle ressemble à une version quelque peu expurgée des plaintes suraiguës de notre vieil ami Abbath, période Pure Holocaust, mâtinée des déchirement porcins de Kristian Vikernes, mais elle est tellement mixée en arrière plan qu'elle confère à l'ensemble un petit côté inquiétant qui séduit.
Chris aligne les plans, qui se succèdent à un rythme infernal, et propose un décalage assez fascinant entre une guitare aux tonalités souvent dark, même dans les intonations les plus Jazz, et on pense parfois à l'EMPEROR le plus complexe et hermétique qui deviserait avec un CONVERGE relativement énervé.
De temps à autre, un court segment atmosphérique vient interrompre la mécanique bien huilée, et quelques arpèges électriques délicatement soulignés de quelques notes de synthé rendent le climat plus apaisé.
Certains morceaux s'éloignent quelques peu de la ligne de conduite de base, et augmentent encore plus la puissance en appuyant les transitions et la lourdeur violente des guitares, comme le démontre le très efficace et protéiforme "Rare Feelings Of Vertigo", Blackcore dans l'esprit, et qui superpose des plans techno à une base Raw Black assez sèche. Les plans de batterie, au son claquant et précis s'enchaînent sans temps mort, mais l'homme parvient toujours à imposer une petite trouvaille qui confère un aspect inédit, comme ce léger piano ludique qui allège discrètement l'ultra violence de la rythmique.
Son dernier morceau, "The Eventual Desperation", développe sur plus de huit minutes de nouveaux arguments, plus volontiers Black atmosphérique, et rechigne à accumuler les cassures comme sur le reste de l'album. La guitare se répand en arpèges acides, tandis que quelques arrangements discrets tournent en arrière plan. La voix traîne un peu plus, et rappelle les exactions les plus arides de la fin des années 90, voire même du Black originel, qui se plaisait à divaguer sur de longs segments, sur un même thème, agrémenté de quelques notes synthétiques éthérées. C'est indéniablement le titre le plus facile d'accès, qui s'interrompt brutalement, sans shunt, sans fade out, comme si ce point final devait être bien appuyé.
Certes, Tragic Immoral Illusions n'est pas une référence ultime. Mais les idées développées sont intéressantes, et le travail solitaire de Chris Balch mérite d'être souligné par le biais de cette chronique, tant l'homme a travaillé sans discontinuer depuis ses jeunes années.
Son projet est en quelque sorte un parangon de la culture du DIY, qui depuis quelques années trouve un second souffle, par le biais d'artistes comme lui, qui jouent, enregistrent et diffusent leur musique par eux mêmes, sans passer par un label ou un distributeur externe.
Internet, c'est comme un Iceberg, la partie visible est infime, et si l'on commence à s'y intéresser de près, on s'aperçoit que la somme d'informations disponible est si énorme qu'il est impossible d'en faire le tour. Il faut donc, de temps à autres, piocher au hasard et écouter, ce que j'ai fait ce matin, en trouvant finalement NOSTRIL CAVERNS au détour d'un forum.
Je souhaite à Chris de continuer longtemps sa passion, car il a le mérite de s'aventurer sur des terres encore peu fréquentées, et sa musique a un cachet indéniablement envoûtant. En plus d'être un musicien solide.
Ajouté : Jeudi 26 Novembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Nostril Caverns Website Hits: 5622
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