Plus de vingt ans de carrière, des hauts, des bas, mais la lutte continue et l'envie ne décroît pas. C'est ça MASS HYSTERIA, qu'on aime ou qu'on aime pas, ils sont là, et encore pour longtemps je crois.
Mais il est inutile de verser dans l'hagiographie pour leur rendre hommage, leur parcours se suffit à lui même. Devenant de fait un de nos plus anciens représentants, le groupe semble plus jeune que jamais, et il s'apprête à le prouver à la France entière, et à l'Europe, avec ce nouvel album qui sent le souffre et l'essence, Matière Noire.
MASS HYSTERIA, c'est d'abord du live, une dernière tournée triomphale passée par un Olympia bondé, et en tant que spectateur, je vous assure que ce soir là, comme tous les autres d'ailleurs, ils avaient tout donné. Un DVD s'en était suivi, rendant honneur à la prestation incendiaire qui avait fait trembler les murs de l'ex-maison de coeur de Bruno Coquatrix, et puis il avait bien fallu préparer la suite.
Cette suite justement, s'annonçait ardue. L'Armée des Ombres ayant provoqué un tel séisme, suscité tant de réactions positives et enthousiastes qu'on se demandait bien comment MASS allait s'en sortir sans prendre quelques risques...

Pour ça, ils se sont d'abord séparés de Nicolas Sarrouy, qui malheureusement a subi un accident assez grave (le rétablissement total est proche je l'espère), pour intégrer à la tribu le magicien des consoles et membre de BUKOWSKI, Fred Duquesne. C'est d'ailleurs lui qui produit ce nouvel effort, avec un mastering signé Ted Jensen (SLIPKNOT et DEFTONES, puissance assurée), et qui a accepté de fait la lourde tâche d'apporter du sang neuf à un quatuor qui avait déjà le sien chaud.

Matière Noire, puisqu'il faut bien le nommer, se cache une fois de plus sous un artwork superbe. Cet aspect avait été très travaillé pour le concept de L'Armée des Ombres, et permettait une mise en scène live de toute beauté (ceux qui étaient à l'Olympia s'en souviennent). Inspiré autant de la funeste "huile noire" des X-FILES que de la pochette du dernier TENGIL, ce visage maculé d'une substance sombre est en fait la plus parfaite porte d'entrée d'un album ténébreux, sans concession, et brut de chez brut.
La réponse est donc là, MASS HYSTERIA a suivi le chemin le plus logique, n'a pas poussé les expérimentations, et à continué le travail de sape entamé sur le LP précédent, pour en atteindre une sorte de perfection brutale. C'est un fait, une fois de plus MASS a enfoncé l'accélérateur, et plante le clou encore plus profondément dans le cercueil des regrets et du renoncement, continuant la lutte comme toujours...

La lutte, ce sont d'abord des mots. Ceux de Mouss, qui comme d'habitude font mouche, alignant en quelques vers plus de punchlines qu'un album de Rap contemporain, comme sur ce "Vae Soli" :

"Je suis donc je pense, j'ai choisi, la joie comme vengeance"

Ou sur le très martial et Indus "L'Enfer des Dieux" :

"Le fanatisme est un suicide lent, la folie voit les choses en grand"

Mais la lutte, ce sont aussi des sons, des cris, des accès de fureur, et si les intonations de Matière Noire restent assez proches de L'Armée des Ombres, l'emphase à été mise sur la puissance et les attaques frontales, sans fioritures, augmentant l'impact des morceaux simples qui constellent cette nouvelle réalisation.

Il y a des choses immédiates bien sur, comme ce plan introductif "Chiens de la Casse", un des trucs les plus Metal que MASS ait sorti depuis des années, avec son entame Néo Thrash furieuse, son chant hurlé comme jamais par un Mouss exubérant, et ses arabesques de guitares presque en hommage au Heavy des années 80.
"Plus que du Metal" aussi, aveu sans arrogance d'un groupe au contraire en pleine crise d'humilité lucide, qui renoue avec les samples diaboliques. Un texte en forme d'hommage aux furieux, pour un titre taillé pour le live, durant lequel son refrain "C'est plus, plus que du Metal" sera repris à pleins poumons par des fans exaltés.
"Est ce que vous êtes prêts pour un wall of death???"
La harangue est simple, mais percutante. Et résume à merveille ce monstre de concision qu'est Matière Noire.

Yann et Fred tricotent comme des malades, et déroulent des riffs d'acier plaqués sur le mid tempo d'une rythmique inépuisable. "L'espérance et le Refus" est un modèle du genre, et augmente encore plus le quota de similitudes entres les deux derniers albums de MASS. Feeling à la "L'Homme s'entête", refrain d'airain qui claque comme un fouet de slogans, et quelle meilleure preuve de vitalité que ces arrangements toujours aussi percutants et bien placés, qui font monter la pression comme personne ?
Le passé resurgit aussi par petites touches, comme le rappelle "Mère D'Iroise", à la trame électronique prenante et lourde, lardée de bruitages électroniques, comme si le FEAR FACTORY de Obsolete se confrontait à NO ONE IS INNOCENT. Compliment ? Sans conteste. Et c'est un morceau final qui laisse sur une emprunte sourde et sombre, pour bien affirmer le propos, et ne laisser planer aucun doute sur la volonté du quintette d'affirmer leur avenir... que l'on espère tout sauf noir.

Ils auraient pu tenter quelque chose de différent, pour casser le moule, et briser les cycles d'une discographie qui fonctionne un peu par ères, mais ils ont choisi...de ne pas choisir, et de rester eux mêmes. Matière Noire est une suite logique, mais tout sauf une redite, qui appuie les propos de L'Armée des Ombres, sans les paraphraser, et qui garde l'efficacité intacte, tout comme la foi.
On peut ne pas aimer, on peut difficilement détester, on peut regretter, mais c'est un album à l'image du groupe, honnête, sans marchandage mercantile, qui poursuit sa route avec des doutes, des incertitudes, mais un regard serein sur le temps, et objectif sur les faits. MASS HYSTERIA en 2015 est toujours aussi pertinent et indispensable, et ça n'est pas une punchline, mais un fait.

Un nouvel album qui offre de la matière, noir comme le ciel de nos espoirs, mais si l'avenir est une impasse en forme de questions sans réponses, comptez sur eux pour les trouver quand même.