HADRAAN (FRA) - Le Cloître Des Enfants Maudits (2015)
Label : Depressive Illusions Records
Sortie du Scud : 30 mai 2015
Pays : France
Genre : Ambiant Horror Black
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 45 Mins
La frontière entre l'absurde, le grotesque, l'effrayant et le risible est parfois d'une finesse extrême. Un seul faux pas, dans la présentation, le look, les textes, la musique, et vous basculez du côté obscur du ridicule, sans espoir de rattrapage ou de retour...
Je ne citerai aucun exemple ici, la méchanceté gratuite n'étant pas dans ma nature. Mais ce postulat est d'une validité totale dans le cas de figure présent, et en parler relève déjà de la gageure, tant il faut porter un soin absolu au choix des mots pour décrire la musique présente sur cette démo...
Le Black Metal, et toutes ses excroissances bâtardes est sujet à la controverse, et au ridicule justement. On ne compte plus les groupes pathétiques posant dans la forêt, torse nu en hiver et maillet à la main, invoquant le malin en slip de combat, et dont la musique est au moins aussi risible que le packaging.
BATHORY a ses débuts fut la victime d'une vague de quolibets gentiment moqueurs, tout comme HELLHAMMER, VENOM, et tant d'autres one man project et ensembles nordiques, qui au nom de "l'éthique" et de la "crédibilité misanthropique" salissent leur style d'origine à grands coups de maquettes pitoyables, enterrées par un son infâme, sorte de brouet inaudible leur permettant de concourir dans la catégorie "Truer and truer and darker than the most evil band on earth".
Le but de ceci ?
Qu'en sais je ? Et à la limite, je m'en fous, chacun son délire.
Dans le cas d'HADRAAN, la frontière dont je parlais précédemment est extrêmement ténue. Cette démo plus ou moins officielle, formalise un certain nombre de sorties précédentes, plutôt confidentielles et diffusées par le biais de sa page Facebook... HADRAAN est le projet d'un seul homme, Adrien, dit "Le Gaulois", certainement très sympathique, mais aux accointances assez douteuses pour peu que l'on jette un coup d'oeil à sa page perso.
En sus de ce projet assez étrange, Adrien joue aussi dans un certain nombre de formations plus ou moins amateur, mais là n'est pas le propos. Et le fait que je sois tombé sur sa démo dans les colonnes d'un site aux sympathies ethniques assez élitistes ne joue pas en sa faveur... Mais bon, admettons l'accident et le fait que sa présence ne soit due qu'au caractère fondamentalement nihiliste de sa musique...
Musique, le mot est lâché. Les morceaux composant Le Cloître Des Enfants Maudits en sont assurément, puisqu'on y trouve des constructions somme toute assez logiques, des mélodies, des instruments et du chant. Le tout est organisé de façon cohérente, et offre une progression intéressante. L'homme se plaît à se situer dans un créneau Ambient/Horror/Noise/Experimental Project, et de ce côté là, impossible de le contredire... C'est expérimental, à coup sûr, c'est assez horrible par moments, ça fait parfois beaucoup de bruit, et il serait possible de résumer la chose en la comparant à la BO d'un film d'horreur à petit budget, comme ces séries C ou Z qu'on regarde le samedi soir.
Il est évident qu'Adrien s'accommode d'un minimum de moyens. Le tout sent l'amateurisme à plein nez, les arrangements sont sommaires, la pratique instrumentale rudimentaire, et le son est à l'avenant, tantôt surpuissant et déchirant les tympans, souvent étouffé, parfois tellement brouillon qu'il est impossible d'en déchiffrer son contenu.
Ce qui est certain, c'est que pour un très grand nombre de fans de Metal, classique, brutal, extrême ou je ne sais quoi, Le Cloître Des Enfants Maudits ne restera qu'une blague de mauvais goût, comme un costume d'Halloween fait main avec tout ce qui traîne dans la pièce.
Certains segments ne sont constitués que de quelques notes de clavier stridentes, soulignées par des grognements porcins ("Requiem Pour Un Païen"), d'autres, très longs, se concentrent sur un synthé minimaliste qui diffuse une mélodie primaire et décalée ("Le Domaine Des Sombres Dieux", six minutes éprouvantes), pendant que de rares interventions nous rappellent que nous évoluons en terrain Black/ambiant ("Le Chant des Sorciers", évoquant autant ABRUPTUM que BATHORY dans ses instants les plus sombres, la seconde partie de "Dans la Demeure du Néant", glauque et un tant soit peu rythmée).
Parfois, les intentions horrifiques sont exprimées assez franchement, et instaurent une ambiance glauque assez réussie ("Chambre Moite", murmures et tapis synthétique monocorde, sorte de Diamanda Galas version at home), mais ces instants sont noyés dans d'éternelles variations instrumentales monomaniaques ("Le Voyage de Valinor", bandes à l'envers et harmonie simpliste)...
Alors me direz-vous, après toutes ces remarques, ma conclusion semble devoir être évidente et lapidaire...
La réponse est non. Si le commun des mortels couvrira d'opprobre cette démo, stigmatisant selon eux toute l'incapacité de l'Underground à produire une musique intéressante et profitant des nouveaux moyens digitaux pour parvenir à leur fins, se contentant de masquer leur manque absolu de talent sous des concepts rances, j'y ai moi vu une tentative certes maladroite de créer quelque chose de différent, et je suis quelque part tombé sous le charme de ces sons bizarres, de cette voix écorchée et instable, et de ce mélange de minimalisme à la BURZUM post incarcération, et d'intransigeance structurelle typique de la nouvelle école Black Canadienne.
Je ne saurais expliquer par A+B pourquoi j'ai aimé ces morceaux, en regrettant toutefois le surnombre de pistes dispensables (réduire les longues digressions uniques au synthé serait une bonne idée), et je vous laisserai seuls juges de l'intérêt de cette démo, sans chercher à vous influencer.
Je comprendrais que la plupart d'entre vous en rient à gorge déployée, que d'autres n'y voient qu'une plaisanterie de très mauvais goût, et que ceux qui restent ne lâchent qu'un bâillement d'ennui ou un regard vitreux et hébété, mais je m'accroche à mon opinion, je persiste, et je signe.
Le Cloître Des Enfants Maudits possède un charme indéfinissable. Et j'ai pris plaisir à lui consacrer quarante cinq minutes de ma vie. Pour peu que l'on fasse preuve d'imagination, et que l'on accepte qu'un musicien ait une conception différente des choses.
Ajouté : Lundi 12 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Hadraan Website Hits: 6188
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