ABRAMS (usa) - Lust. Love. Loss. (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 16 juin 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Post Hardcore
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 39 Mins
Mile-High City, Denver, Colorado. Pas étonnant qu'une ville située à un mile au dessus du niveau de la mer fasse monter la pression en oxygène au cerveau. Sachant que cette cité fut au départ une ville minière pendant la ruée vers l'or, des relents de quête en calèche doivent encore flotter dans l'air. Mais l'or ne se ramasse plus près des rivières avec un tamis depuis longtemps... Partout, ici comme ailleurs, on cherche à se faire sa place au soleil, d'une façon ou d'une autre. Affaires, famille, vacances, et tout le toutim, lot d'obsessions de chacun en ces temps difficiles...
Mais pas forcément, on peut aussi s'épanouir à travers l'art, sous une de ses formes, et c'est certainement de cette façon que le trio ABRAMS voit les choses...
Taylor, Zach et Michael, ça sonne un peu comme un sale remake des HANSON... Sauf que nos trois lascars ne sont plus adolescents, et que leurs préoccupations musicales sont bien éloignées de la Pop groovy et acidulée.
Lust. Love. Loss. Tout un programme, la luxure, l'amour, la perte. A mettre dans l'ordre ou dans le désordre peu importe la combinaison le résultat est le même.
Avec un titre pareil, nous étions en droit de nous attendre à un disque un peu brumeux, perdu dans les limbes des vicissitudes de la vie. Et quelque part c'est un peu ça.
Pour un premier long, le trio frappe fort, en utilisant des moyens connus, mais qu'ils rendent assez personnels. Avec une musique assez compacte et opaque, ils expriment leur point de vue sur l'existence de jeunes artistes, semblent privilégier l'ombre, mais sans pour autant négliger la lumière. Leurs mélodies sont en demie teinte, un peu piquantes, et la structure globale de leurs morceaux en fait de même. Pas vraiment bruyant mais puissant, heurté sans être chaotique, leur Post Hardcore possède un charme indéfinissable mais indéniable, un peu comme si CONVERGE s'était apaisé sur les rives alternatives des années 90. Ou comme si le UNSANE le plus abordable s'était perdu sur les rives d'un KYUSS particulièrement remonté. Aux niveaux influences, le choix est bon, même si ces conclusions sont issues de l'interprétation personnelle de votre serviteur. Le groupe concède plus volontiers ceci :
"Sur Lust. Love. Loss., nos principales influences sont AT THE DRIVE IN, CAVE IN, THESE ARMS ARE SNAKES, JESUS LIZARD, FUGAZI, UNSANE... Tout ce qui est puissant et agressif. Pour le reste, nous nous inspirons de la vie de tous les jours et du poids qu'elle représente pour la plupart des gens. La plupart de nos chansons traitent des aspects les plus sombres du quotidien, comme la déception personnelle ou des autres, tout comme la perte, celle de l'amour ou d'un proche. Tout est lié à cette façon superficielle qu'ont les gens de vivre, donnant leurs meilleures années pour un boulot qui leur permet à peine d'être heureux...Ou pas."
Lust. Love. Loss. est en effet en adéquation avec cette déclaration très franche. Comme je le disais, le nom d'UNSANE ne fut pas prononcé au hasard, mais il est vrai que ABRAMS est plus proche de ces derniers et de FUGAZI que de AT THE DRIVE IN...
Un morceau d'une trempe aussi pessimiste que "Useless", presque une introspection, le prouve aisément. Tempo lourd et cogné, chant hurlé avec une tristesse résignée, guitares qui traînent et jettent des riffs comme dans un état d'épuisement et de résignation totale... Assez Sludge dans l'approche, mais résolument Post Hardcore dans le fond, c'est une longue plainte conspuant la routine du quotidien qui nous bouffe la tête et ruine nos rêves en faisant passer le temps trop vite...
Mais de temps à autres, le ton devient presque jovial, lorsque le trio se calque sur l'attitude des LIZARDS. "Mr. Pink Always Wins", outre son clin d'oeil Tarantino très appuyé, cavale un peu plus prestement, et laisse les cordes les plus aigues s'exprimer, tout en beurrant un riff gluant sur une tartine rythmique un peu plus enlevée.
L'amalgame JESUS LIZARD / FUGAZI est d'ailleurs criante de vérité sur le très dissonant et détraqué "Sunshine", qui laisse à la basse un plus grand espace pour s'exprimer.
Malgré ces quelques sursauts sinon primesautiers, du moins plus clairs, le travail d'enfoncement se termine sur un long "The Light", qui illustre parfaitement le chemin à couvrir sous les ténèbres pour enfin arriver vers la lumière. Down tempo pressant, basse qui laisse sa mélodie grave baisser les bras dans quelques notes concises suivant une harmonie noircie, guitare qui explore ses tonalités les plus hautes, et qui se lance dans des boucles d'accords déviants, chant presque absent... Une mise en musique des épreuves humaines terriblement concrète, qui s'achève dans un long fade out ne laissant aucune place à l'optimisme...
Néanmoins, aussi réaliste et sans illusions soit cet album, il est en soi une réaction à l'apathie ambiante, un semblant de volonté d'enrayer la machine qui broie les espoirs jour après jour. Quelques harmonies de ça et là, des poussées d'adrénaline, et même des inflexions un peu plus claires, cachées sous les riffs les plus abrasifs, me poussent à croire que tout n'est pas perdu dans l'univers si dépité des Américains.
Mais plus prosaïquement, Lust. Love. Loss., sans forcément chercher à apporter du sang neuf, propose une musique fort bien construire, réfléchie, qui se permet de chercher des issues tout en ne brisant pas les schémas établis.
A écouter un lundi matin pluvieux, juste avant de partir au boulot, pour se convaincre un peu plus de la vacuité de cette démarche obligatoire.
Au risque de prendre le bus, et de ne pas revenir...
Ajouté : Jeudi 01 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Abrams Website Hits: 5602
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