SEXWITCH (usa) - Sexwitch (2015)
Label : The Echo Label / BMG
Sortie du Scud : 25 septembre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Psychédélique Transe Occult Rock
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 33 Mins
Il y a quelques années, je n'aurais jamais pu vous parler d'un album pareil dans les colonnes de Metal-Impact. Mais comme depuis, l'ouverture semble avoir été le maître mot de bien des groupes, la rédaction de cette chronique est devenue possible, et c'est tant mieux, car sinon, vous seriez passé à côté d'une oeuvre fabuleuse, riche, dense et éclectique.
En effet, de plus en plus de groupes pratiquant la fusion, l'ouverture, se réclamant de l'Occult Rock des 70's, de la Transe, du Dubstep, et agrémentant leurs guitares de mélodies orientales, le projet SEXWITCH n'est plus du tout hors sujet ici, mais je tiens quand même à y apporter quelques précisions.
Il n'est en effet pas DU TOUT question de Metal dans ces six morceaux, même pas de Hard Rock, et encore moins de Rock tout court. Mais si la latitude m'est laissée pour aborder les cas très particuliers de HEALTH, John ZORN, LITTLE WOMEN ou même LES DISCRETS, OF US GIANTS et THE PRODIGY, je ne vois pas pourquoi SEXWITCH n'aurait pas sa place ici.
Ne vous fiez ni au nom du projet, ni à sa pochette. Je me suis moi aussi trompé, croyant tomber sur un nouveau combo d'Occult Rock, de Stoner ou de Vintage Hard Rock en regardant cette photo, mais nous sommes bien à des années lumières de ces préoccupations. Un peu d'explications, pour mieux comprendre les tenants et aboutissants.
SEXWITCH est un concept commun à Natasha Khan (BAT FOR LASHES), le producteur Dan CARREY et le groupe psychédélique TOY, qui se sont associés pour reprendre à leur sauce des morceaux grappillés dans le monde entier, au gré de voyages, et qui selon eux, méritaient une adaptation et une exposition plus grande en Europe. Les paroles ont été traduites, les arrangements travaillés, et nous voici donc face à six reprises très personnelles venant d'Iran, du Maroc, des USA, mais aussi de Thaïlande. On trouve donc des exhumations folk des années 60 et 70, abordant les cas très concrets de Zia Atab, chanteur Iranien, ou le "War And Peace" d'Alexander Slip Pence, et d'autres, pour aboutir à une gigantesque danse multi ethnique, qui je l'avoue, m'a pris aux tripes et que j'écoute en boucle depuis sa découverte.
Mais comme je le disais, foin de Rock, de Metal et même de guitares ici. Tout est basé sur l'univers très particulier de Natasha, qui évolue entre psychédélisme (l'influence de TOY), transe rythmique ethnique, invocations vocales spirituelles, et longues digressions qui vous plongent dans un état second, et vous emportent dans des mondes colorés, mais aussi très sombres. Toutes les reprises sont d'intérêt, et la collision des deux visions (Natasha et TOY) produit une percussion immense, comme un big-bang musical sans frontières temporelles ou spatiales. Si vous êtes déjà un intime des deux artistes, vous serez aiguillés quelque peu sur le résultat obtenu, bien qu'il se situe assez loin de leurs travaux habituels. Voyez le sous le même angle que le duo PEARL JAM/Nusrat Fateh Ali Khan, qui avaient uni leurs forces et leurs intonations naturelles pour obtenir un son nouveau.
Chaque piste est différente de la précédente, et Natasha prend beaucoup de plaisir à nous présenter des cultures pas si opposées que ça, qu'il s'agisse de plénitude zen, presque Trip-Hop et Reggae, avec des boucles vocales rappelant Tori AMOS ("Lam Plearn Kiew Bao" des CHANPEN SIRITHEP, dont les oeuvres originales valent le détour niveau exotisme onirique), de rigueur psychédélique Indie typique des 70's US ("War In Peace", un des rares morceaux à afficher des guitares, un tant soit peu distordues, mais qui mélange à merveille le Psychédélisme progressif de la fin des années Haight Ashbury et l'Occult Rock lysergique de la décennie suivante, sonnant même comme un morceau des AIRPLANE sous acides), ou de transe arabisante et hypnotique ("Ha Howa Ha Howa", reprise de Cheikha Hanna Ouakki, qui vous emporte au son de percussions régulières et concentriques).
Ce sont d'ailleurs les deux segments issus de la culture marocaine qui selon moi sont les plus prenants, même si le tout est d'une qualité énorme frisant la perfection. Cette première reprise déjà cité est fabuleuse, comme une danse au creux des étoiles qui signalerait le départ d'une rave ethnique, mais le parangon de cette démarche est atteint lors du fantastique et orgasmique - n'ayons pas peur des mots - "Kassidat el Hakka", initialement interprété par Abdellah El Magana.
Sur presque huit minutes Natasha tisse une étoffe d'incantations vocales qui tournent sur elles mêmes comme des derviches, et le travail des percussions en arrière plan est tout bonnement bluffant. Comme un drone (typique des influences locales), le morceau suit une ligne mélodique monocorde et unique pour nous plonger dans un état second, à l'instar de certaines expérimentations des YOUNG GODS, qui pour l'occasion se seraient alliés à un groupe local, le tout supporté par les TAMBOURS DU BRONX. Un morceau digne d'un rituel spirituel qui élève l'esprit et enserre le corps, en somme, une expérience unique...
Natasha nous avait présenté en avant première "Helelyos" de ZIA, obscur artiste Perse ayant échoué sur une encore plus obscure compilation psychédélique Pomegranates, qui elle aussi vaut le détour. Ce morceau plus léger, est encore une fois dominé par cette voix fabuleuse, soutenu par un background qui tient autant du Trip Hop, de la Transe, que de l'Indie Pop Psychédélique. Les déliés vocaux hantent l'esprit, tandis que le rythme chaloupé qui oscille au gré des boucles de basse nous fait chavirer, de la même façon que l'introductif " Ghoroobaa Ghashangan" des RAMESH (que l'on trouve sur la compilation Zendooni : Funk, psychedelia and pop from the Iranian pre-revolution generation) évoque à merveille les bandes sons des années 70, comme un OST sorti de nulle part qui évolue sur un tempo Funk moite, encore plus humidifié par les parties de chant qui montent à des hauteurs stratosphériques...
Six morceaux donc, quatre univers bien scindés, ayant chacun leur emprunte sonore, et qui une fois assemblés, créent un mini album d'une teneur musicale fantastique et incroyable. La démarche était très risquée, les chansons d'origine étant fort peu connues, et très typées, mais la façon dont les TOY et Natasha se les sont appropriées est tout simplement sidérante. Les deux parties ont associé leurs talents respectifs pour leur offrir une patine brillante contemporaine, sans trahir leur cachet d'origine, ce qui est remarquable.
Alors évidemment, de Hard Rock il n'est point question, pourtant, plusieurs éléments communs avec certains artistes abordés dans ces pages sont plus qu'évidents... Beaucoup de nos groupes favoris ont un jour abordé la question du métissage, de la fusion, et l'exemple donné par le projet SEXWITCH ne fait que suivre cette longue tradition de musiciens ayant refusé le cloisonnement pour pratiquer l'hybridation culturelle et ethnique.
Vous oseriez passer à côté d'un tel chef d'oeuvre juste pour une question d'étiquette ?
Alors oui, en effet, passez votre chemin, c'est mieux. Mais si vous acceptez de recevoir un peu du monde qui vous entoure, allez y, foncez. Vous allez être émerveillé.
Ajouté : Mardi 29 Septembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sexwitch Website Hits: 5610
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