PARADISE LOST (uk) - The Plague Within (2015)
Label : Century Media
Sortie du Scud : 1er juin 2015
Pays : Angleterre
Genre : Doom Death Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 51 Mins
Sur ce coup là, j'avoue, j'ai hésité. Par peur de ne pas être bien placé pour juger, par peur d'être déçu... Il faut dire que j'avais lâché l'affaire il y a déjà très longtemps, non parce que les choses tournaient mal, mais tout simplement parce que je ne me sentais pas concerné.
Pourtant, l'histoire qui me lie à la bande d'Halifax a commencé il y a bien longtemps... Avec un LP sorti à l'époque chez Peaceville, qui sentait bon le Doom Death grave, âpre et sombre. J'avais aussi été conquis par Gothic, sa suite logique, et j'avais emboîté le pas du groupe jusqu'à l'épiphanique Draconian Times, majestueux disque qui ne reniait pas son passé tout en se tournant vers l'avenir.
Mais quelques LP's de plus, et une orientation plus clinique faisant d'eux les DEPECHE MODE du Gothic Metal mainstream, et j'avais jeté l'éponge. Je n'étais plus le public, ni la cible. C'est comme ça. Et j'ai donc dit au revoir à PARADISE LOST.
Je surveillais du coin de l'oeil leurs sorties, en y jetant une oreille discrète, sans jamais éprouver le besoin de revenir dans leur giron... Mais, car il y a un mais sinon cette chronique n'aurait pas lieu d'être, des bruits de couloir, et quelques éléments m'ont poussé à bifurquer encore une fois dans leur direction, et si je couche sur papier en ce jour mes pensées, c'est que ces mêmes éléments ont justifié une écoute attentive et... passionnée.
Je ne pensais pas qu'un jour les fans de Milton m'embarqueraient encore dans leur monde. Je le trouvais trop froid, trop propre, bien trop éloigné du lyrisme morbide qui avait rendu leurs premières exactions si séduisantes. Et pourtant, c'est bel et bien le cas. Je suis d'accord, Nick avait prévenu tout le monde, en déclarant que The Plague Within présenterait quelques compositions de pur Death/Doom, qui auraient pu être composées en 1989. Ok, lui et Greg s'amusaient bien dans leurs projets annexes, épisodiques ou pas, BLOODBATH pour le premier et VALLENFYRE pour le second. Mais allaient-ils pour autant accepter d'injecter ce sang neuf dans les veines de leur bébé ? Et tout ça n'allait-il pas sentir dans le meilleur des cas le réchauffé, comme des quinquagénaires qui remettent le couvert alors que la mode est passée depuis longtemps ?
Certes, "Beneath Broken Earth" balancé en entrée il y a un mois semblait confirmer la thèse d'un retour aux sources sincère et authentique. Encore fallait-il confirmer sur la durée. Mais arrêtons là avec les questions et les tergiversations, puisqu'il faut bien un moment donné arriver à la conclusion.
The Plague Within est une énorme surprise, qui arrive en moins d'une heure à résumer le long parcours des anglais, sans trahir, sans renoncer, et sans paraître. Mais en étant. Vrai, profond, grave et captivant. Et le tout, sans négliger les épisodes les plus doux, et sans les inclure de façon sporadique, en guise de caution de crédibilité. Mais après tout, PARADISE LOST à t-il encore quelque chose à prouver ? Oui, que le quintette est encore capable après toutes ces années de sortir des disques de qualité. ce qu'ils ont fait.
Production majestueuse, ample et ténébreuse comme un vieil amphithéâtre en ruines la nuit, son épais mais clair, à la distorsion vintage, au grain inimitable. Pochette splendide, sobre, au trait fin et précis. Et surtout, musiciens au sommet de leur art, tant dans l'interprétation que dans la composition.
Pas de bouche trou, de morceau jetés à la hâte pour combler les fissures, uniquement du premier choix. Et surtout, rien de trop. Presque pas assez même.
La tonalité de l'album est opaque, très noire et aux intentions troubles. Le tempo est lent, très lent, comme une procession funèbre, les riffs sont souvent plombés, sans lâcher les mélodies qui ont fait la beauté trouble du groupe, et Nick chante comme jamais, retrouvant ce timbre abrasif qui raclait les sillons des premiers albums.
Et même si "No Hope In Sight" a été placé en avant garde, comme pour mieux mélanger les cartes, ne vous leurrez pas. Le PARADISE LOST de la fin des années 80 est de retour, mais sans essayer de retrouver sa jeunesse. Et c'est bien ce qui fait la force de The Plague Within... Il étale une colère et un désespoir de son temps, exprimé par des musiciens dans la force de l'âge, qui constatent avec amertume que rien n'a changé. On ne redevient pas un lycéen parce qu'on ressort sa veste en jean et ses badges, on a juste l'air crétin. Non, Nick, Greg, Aaron, Steve et Adrian ne sont pas retourné à l'école, ils ont juste regardé le temps passer, et ça leur à donné matière à s'exprimer de nouveau dans un vocabulaire ancien. Rien de plus. Car il n'y a rien de plus triste qu'un musicien qui refuse de vieillir.
Et les rides vont si bien à PARADISE LOST...
"Terminal" le prouve sans conteste. Rythmique en contretemps, double grosse caisse en avant, voix caverneuse, guitares en plaintes/agression, on se croirait en plein flashback Lost Paradise, les années en plus, et le savoir faire qui apporte une maturité puissante. Et si "An Eternity In Lies" retrouve la grandiloquence de Icon ou Draconian Times, c'est pour lui apporter une touche de nostalgie macabre sublime.
Avec "Cry Out", les anglais se permettent même un joli up tempo à la MEGADETH/CREMATORY, à l'exception près que le leur est d'une telle intensité que Dave ne doit plus en dormir la nuit...
Et lorsque le Death pointe le bout de son nez, on nage en plein rêve éveillé... Je ne pensais sincèrement pas PARADISE LOST capable de pondre à nouveau un morceau du calibre de "Flesh From Bone", qui flirte même avec le Black par touches subtiles avec sa vélocité assez inhabituelle...
Et avec un panache qui force l'admiration, l'album se termine sur un condensé extraordinaire de l'aventure commencée il y a quasiment trente ans, avec un fabuleux "Return To The Sun" presque expiatoire, qui en six minutes caresse du bout des doigts chaque sortie du groupe, tout en louchant plus sérieusement du côté du séminal Gothic... Et quelle grâce dans les arrangements...
Que dire après ceci ? Les mots viennent à manquer...
Faisons la simple alors... Avec ce retour aux sources pas si inopiné que ça, PARADISE LOST signe non seulement un excellent album, sans défaut, sans faille ni reproche à formuler, mais aussi un de ses meilleurs efforts, à la hauteur des standards élevés de Draconian Times... En acceptant de se retourner sur son passé, le quintette anglais n'en a retenu que le meilleur, et a retrouvé une énergie incroyable qui dame le pion en termes de lyrisme monochrome et de puissance à bien des combos actuels qui brassent de l'air dans le vide. Car The Plague Within est dense, violent, écrasant, mais sans en rajouter, et surtout sans forcer... Tout y parait si naturel qu'il aurait pu effectivement avoir été composé en 1989...
Je suis heureux de voir des groupes de ce calibre prendre de tels risques et gagner leur pari haut la main. Se remettre en question tout en assumant leur propre histoire sans paraître hors du coup. Et je suis heureux d'avoir pu connaître ça, encore une fois.
Mais là est l'apanage des plus grands, caste dont fait partie PARADISE LOST depuis longtemps...
Ajouté : Jeudi 24 Septembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Paradise Lost Website Hits: 6072
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