CLOUD RAT (usa) - Qliphoth (2015)
Label : Halo Of Flies Records
Sortie du Scud : 29 mai 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Grind
Type : Album
Playtime : 17 Titres - 42 Mins
Qliphoth... Hum, qu'est ce que ça peut bien être... Clip Off ? Trop simple beaucoup trop simple. Je suis comme vous, je ne sais pas tout, alors lorsque j'ignore, je cherche. Qliphoth c'est la représentation du Diable ou des esprits impurs dans le mysticisme Juif. C'est dit.
Ca semble obscur comme ça, peut être un peu conceptuel, et pourtant, dans ce cas précis, c'est une manière très honnête de prévenir l'auditeur de ce qui l'attend.
Car ce que cache cette pochette superbe au trait fin et délié est en effet assez fidèle à son appellation. C'est très étrange, très malsain, multiple, ambivalent, et au final, d'une grande valeur.
Lorsque j'ai abordé l'écoute de ce troisième long de CLOUD RAT, que je connaissais pas non plus, je m'attendais à une énième livraison Grind du mois, ni meilleure ni pire qu'une autre. Mais les signes avant coureur annonçant quelque chose de plus profond étaient nombreux. Artwork soigné et abscons, durée inhabituelle, longueur des morceaux, il devait y avoir plus qu'une simple cavalcade de trente minute chrono, la touffe en avant et les musicalité bien rangée dans la besace. Et effectivement, ce troisième album est tellement plus qu'un simple album de Grind... qu'il pourrait bien ne pas en être un du tout.
Mais parlons un peu de CLOUD RAT avant d'aller plus loin. Ce trio/quatuor nous vient de Mount Pleasant, Michigan, et a commencé sa carrière avec un album éponyme en 2010. Depuis, il aligne les splits, les compiles, mais aussi les albums, puisque outre l'effort initial et ce petit dernier, ils ont mis sur le marché il y a deux ans Moksha, qui reçut d'excellentes critiques.
Et ces deux efforts longue durée initiaux ont attiré dans leur giron une horde de fidèles qui apprécient particulièrement leur façon de voir les choses. Car comme je le disais en ouverture, CLOUD RAT est tout sauf un groupe de Grind traditionnel. Ils n'hésitent pas à mélanger les courants, suscitant une vague d'émotions complexe à l'écoute de leurs morceaux, qui une fois alignés et écoutés d'une traite, forment un ode étrange au décalage, et créant un paradoxe plus qu'intrigant. En effet, malgré une utilisation récurrente et évidente de la violence la plus crue, leurs albums sont emprunts d'une sorte de nostalgie musicale distordue, qui transcende leur Grind de base en accumulation de sous couches qui s'empilent les unes sur les autres, pour en définitive se fondre dans une entité pluri forme assez difficile à décrire.
Prise au premier degré, en isolant les morceaux les plus volontiers brutaux, leur musique est simple à appréhender. Si par hasard vous tombez sur "The Upper World" par exemple, vous saisirez de suite ce Crust sauvage et débridé, qui s'achève dans un Sludge moite, presque putréfié, et vous penserez avoir compris le but de la manoeuvre. Production sourde et contenue, guitares graves et laminées, rythmique efficace, tout est là pour faire comme si.
Mais si vous avancez plus loin dans l'aventure, et pas beaucoup de surcroît, vous commencerez à vous gratter la tête. Car juste après cette lacération assez nette, "Raccoon" brouille les pistes, dispense des arpèges amers, et le puzzle se complique tout à coup.
Même si la voix de Madison Marshall reste dans la lignée des intonations porcines et ultra criardes du genre, lorsque celle ci se pose sur des titres aux ambiances plus travaillées et abstraites, elle prend une nouvelle dimension, plus malsaine, comme les hurlements d'un diablotin coincé dans un univers parallèle, et qui se retrouve invoqué par une assemblée de fidèles.
Tout au long de Qliphoth, CLOUD RAT s'amuse à tout faire pour nous perdre en route, pour supprimer tout ce à quoi nous pourrions nous attacher. Amusez vous de la suite "Udder Dust"/"The Killing Horizon" pour vous en convaincre. Si le premier des deux morceaux s'embourbe dans un Post Metal aérien et mélodique, avant de retomber dans les tics inhérent au Crust le plus abrasif et véhément, le second n'est que grondements, arrangements électroniques caverneux, dissonances digitales...Quel étrange assemblage en fin de compte, qui est lui même une métonymie, puisqu'il concentre en quelques minutes l'essence même du projet dans sa démarche originelle.
Et cette démarche prend parfois un visage radicalement opposé au style rattaché, comme le prouve le très atmosphérique et lancinant "Thin Vein", qui pendant plus de trois minutes disperse des choeurs éthéré sur un tapis de guitares crochetant un canevas mélodique et pourtant menaçant...
Qliphoth est en fait un gigantesque trompe l'oeil, comme une énorme poupée gigogne qui cache des figures hideuses, d'autres d'une beauté troublante, parfois du vide noir comme une étoile se mourant, mais en tout cas, va tellement plus loin qu'un simple album broyeur qu'il en arrive à représenter un style à lui seul.
Style que j'aurais bien du mal à définir, mais qui provoque, qui titille, qui intrigue, et qui finalement séduit de ses atours. Grind bien sur par son ton outrancier, Post par sa volonté de trouver des climats perturbés mais mélodiques, un peu Punk même dans le traitement du son et de certains passages francs, et tirant même sur un Black sauvage et sans artifices ("Friend Of The Court"), Qliphoth est tout simplement un disque riche, fort, qui ne se contente pas d'appliquer des recettes déjà entendues cent fois ailleurs.
Et comme je le disais, son titre est alors très à propos. Il est très rare qu'un groupe parvienne à créer une musique qui évoque totalement son message, mais tel est bien le cas ici.
C'est sombre, violent, sans concession, pur mais aussi terriblement vicié, mais c'est unique, à n'en point douter. C'est aussi une façon de prouver que le Grind n'est pas forcément qu'un moyen de courir plus vite que la lumière, mais aussi d'utiliser la violence frondeuse comme moyen d'expression, un parmi tant d'autres.
Mais il est impossible de rester de marbre face à une sortie comme celle-ci.
Ajouté : Jeudi 10 Septembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Cloud Rat Website Hits: 6160
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