Quelque part entre la coïncidence et le paradoxe, dans la jungle des bonnes intentions, se situe TERRORBLADE. Il existe deux endroits sur Terre où le Thrash est roi. L'Allemagne et la Bay Area de San Francisco. Ni revendiqué de l'un, ni revendiqué de l'autre, le trio se joue de ses origines teutonnes, de ses aïeuls, de ses influences pour proposer en 2013, neuf ans après sa formation, un premier album contradictoire et à la singularité tout à fait surprenante. Vendu par son écurie comme un groupe assoiffé de bière véhiculant les clichés les plus rances du genre et marchant dans les pas de ses illustres ancêtres que sont KREATOR, SODOM et DESTRUCTION, TERRORBLADE souffre déjà, avant même que ne commence son disque, d'une image poussiéreuse, obsolète, fleurant mauvais la naphtaline et la sueur figée. Comme pour mieux se préparer à essuyer une tempête de bémols. Car on le sait, le Thrash se renouvelle mais se renouvelle parfois mal, et qu'il était hors de question pour ces trois là de se laisser affilier à la mouvance Revival Thrash Metal. Eux mourront avec leurs convictions, ce qui vaut bien, vous en conviendrez, une petite gerbe, qu'elle soit de fleurs ou d'hectolitres de bières éventées.

Je parlais plus haut d'un album contradictoire et singulier. Vous devez vous demander pourquoi tant de mystères. Mais laissez donc Of Malice And Evil débuter. Après une introduction narrée dépeignant l'arrivée dans la nuit noire de "deux forces" obscures (qu'on suppose être "Malice" et "Evil"), "Evil And Malice" ouvre définitivement ce bal de Thrash Metal abrasif. Et c'est là qu'interviennent les premiers enseignements de ce disque. Je suis relativement surpris car d'habitude, c'est l'inverse qui se produit. On nous vend un produit "original", "moderne", "rafraichissant", une "révélation", et ça se transforme en une véritable purge. Alors qu'ici, on nous promettait presque une purge qui s'est transformée au fil des morceaux en un vrai bon moment de Thrash Metal, parfois original, parfois rafraichissant, jamais chiant. Si le côté "technique" des formations cultes de la Bay Area se ressent parfois sur certains morceaux, dont l'entrainant "Prometheus", c'est vers la ville industrielle de Gelsenkirchen qu'il faudra se tourner pour entendre résonner l'influence la plus dicible de cet opus : SODOM. Le grain fumé dans la voix de Michael "MetalBasstard" Bolle fait incontestablement penser à Onkel Tom, mais plus que cette généralité, c'est le déroulement de certaines compos qui est confondant. Prenons à tout hasard "Time To Die", son intro mystique, son déroulement à brûle-pourpoint. Voilà exactement comment SODOM à fait l'ouverture de son treizième album studio, "In War And Pieces". Sans tomber dans le piège de l'hymne facile (ni même atteindre le génie d'un "Ausgebombt"), TERRORBLADE fait le travail correctement, avec passion, intensité, vivacité dans le riff et hargne dans la voix. "Wings Of Death" tire son épingle du jeu. Idem pour certains autres titres "courts" et nerveux comme "Try To Follow" et "Raw War Madness". Pas de quoi sauter au plafond, nous sommes d'accord, mais c'est néanmoins suffisant pour remuer frénétiquement sa tignasse, et même si ce trio n'a déjà plus l'air d'être de première fraicheur, sa dévotion fait plaisir à entendre. D'autant plus plaisir que, je me répète, Of Malice And Evil est suffisamment old school pour ne pas se classer dans le Revival Thrash Metal et suffisamment Revival pour ne pas se classer dans le Thrash old-school. Le sens du compromis dans toute sa splendeur.

Viril, stressé, gras et authentique, ce premier full-lenght est donc un vrai bel album de Thrash qui ne souffre pas de gros défauts et qui ne brille pas d'immenses qualités. Dans la moiteur et le confort ancestral de ce style bien à part, TERRORBLADE a trouvé son chemin. Un chemin qui ne lui fera pas forcément partager les mêmes grosses scènes que ses idoles mais qui l'emmènera à coup sûr en terrain conquis. Car la maitrise est à la base de tout. Maitrise de soi, maitrise de son Thrash, capital sympathie intact et quelques compositions cloutées de grâce, ce ne sont pas deux mais trois nouvelles forces obscures qui viennent de se révéler avec Of Malice And Evil.