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MANIGANCE (FRA) - François Merle (Fév-2015)


MANIGANCE joue un Heavy Metal racé, technique et diablement mélodique. Et MANIGANCE chante en français. Rien que pour ça, ils méritent une médaille. Et pourtant, en 20 ans d'existence, après des débuts fracassants, 5 albums studio, un live et un EP, des lauriers tressés en quantité et une reconnaissance unanime de la presse à chaque sortie, le groupe peine à faire son trou. François Merle (guitare), ex-KILLERS et fondateur, revient sur les moments importants de la carrière de MANIGANCE. 10 ans pile après notre dernière rencontre, il évoque la réalité d'une scène Metal aux abois et nous parle du dernier opus "Volte-Face", qu'on espère prémonitoire pour les Béarnais, et annonciateur d'un succès enfin à la mesure de leur talent.

Line-up
: Didier Delsaux (chant), François Merle (guitare), Bruno Ramos (guitare), Stéphane Lacoude (basse), Guillaume Rodriguez (batterie), Jean Lahargue (claviers)

Discographie : Signe de Vie (1997 / remaster, 2003), Ange ou Démon (2002), D'un Autre Sang (2004), Mémoires... Live (2005), l'ombre et La Lumière (2006), Récidive (2011), Volte-Face (2014)

M-I Interviews du groupe : Didier Delsaux (Fév-2005), François Merle (Fév-2015)



Metal-Impact. Comment ça va après cette petite virée parisienne ? Bien rentrés ?
François Merle. Oui on est rentrés dimanche, et depuis il y a eu la tempête de neige dans le sud donc on n'a pas encore pu se revoir. Mais les retours sont plutôt bons. On est assez attentifs aux commentaires que les gens laissent sur Internet, sur les vidéos Youtube, etc. Cela nous permet déjà de voir comment on s'est débrouillés, si nos performances ont été de qualité, et aussi de savoir si ça a été apprécié. Au-delà de ça, la tournée de cet automne (Ndlr : 8 concerts entre mi-octobre et début novembre 2014) puis cette date parisienne nous a permis de passer de très bons moments ensemble, parce que MANIGANCE c'est avant tout une histoire de copains.

MI. Justement, deux copains de longue date sont partis récemment...
François. Oui, c'est difficile de tenir aussi longtemps lorsqu'on ne vit pas de sa musique. On a vécu de très belles choses avec Marc (Duffau, basse) et Daniel (Poulyau, batterie), mais comme c'est devenu de plus en plus compliqué de remettre la machine en route, les sacrifices qu'il faut consentir sont devenus plus lourds pour eux, et dans ces conditions on est parfois moins patients, moins diplomates... c'était dans l'air depuis un moment. Mais je ne retiens que le positif, et il y en a eu beaucoup. Et maintenant on a deux nouveaux avec nous (Stéphane Lacoude et Guillaume Rodriguez respectivement) avec qui ça se passe très bien.

MI. Après la période dorée chez NTS et deux disques chez XIII bis, vous voici chez Verycords...
François. NTS a arrêté parce que les difficultés se sont accumulées, le marché du disque s'est effondré et plusieurs groupes en ont bien souffert. ADAGIO, MALEDICTION par exemple ont eu du mal à rebondir. On avait réussi à grandir en même temps que le label. A la fin de NTS, Olivier Garnier ne voulant plus faire de cd, il nous a adressé à XIII bis qui a sorti L'ombre et la lumière, Récidive ainsi qu'une réédition de nos albums précédents. Puis Medhi El Jaï – un ancien de XIII bis – a pris la tête de Verycords qui est un label assez généraliste, c'est la condition pour durer en ce moment, mais avec un vrai savoir-faire en ce qui concerne le Metal. Avec eux on a un contrat de distribution qui porte sur un album, parce que je ne suis pas très chaud pour signer sur plusieurs sorties. Le marché est tellement instable, si le label fait faillite ça peut devenir très compliqué. Ils ont aussi une antenne pour les concerts, Veryshow, mais on a un très bon rapport avec BASE depuis des années donc on reste avec eux.

MI. Pas facile de trouver des dates tout de même...
François. C'est compliqué de trouver des dates de concerts de bonnes conditions. Si on veut se greffer sur la première partie d'un groupe international, qui arrive déjà avec un plateau de trois groupes, ça ne nous laisse que les miettes. Par exemple, lorsque DRAGONFORCE est passé à l'Olympia, on aurait pu ouvrir la soirée. On aurait joué 20 minutes à une heure où la salle aurait encore été pratiquement vide... ça ne valait pas le coup.

MI. Et pourtant on a une impression qu'un plan d'urgence est lancé pour sauver le Metal français !
François. Oui, quelques initiatives donnent lieux à des concerts, il y a eu le PMFF, là cette date avec ADX. Mais on a beau lancer cette tendance, si les promoteurs n'ont pas l'assurance de s'y retrouver niveau sous, il n'y aura pas de concerts. Regarde au Divan du Monde l'autre jour, on fait 300 personnes. Je sais que ce n'est pas mal, c'est un bon score, mais ce n'est pas génial non plus ! Les maisons de disques donnent la priorité aux groupes qui sont rentables. Mais j'aime assez cet esprit, les gens défendent leurs groupes, je vois ça comme une rébellion face au système. Je pense qu'on ne valorise pas assez les artistes qui sont proches de leurs fans, qui n'entrent pas dans le star-system. D'après ce que j'ai vécu, les mentalités des musiciens peuvent varier du tout au tout. Tu as ceux qui sont respectueux et sympathiques sur scène comme dans la vraie vie, et puis tu as ceux qui ont pris la grosse tête et sont devenus méprisants. Le "pouvoir" que tu as quand tu es musicien et que tu vas sur scène peut rendre très con. Pourtant si nous on fait des concerts, si on part en tournée, c'est pour aller à la rencontre de notre public, pour échanger avec les fans. Et c'est très dur de garder le cap, de rester motivé, parce que certaines personnes sont très dures avec notre musique. C'est pour ça qu'on s'est sentis proches d'ADX par exemple, avec qui on a partagé l'affiche à Paris, parce que ce sont des mecs hyper sympas et très francs. C'était une belle expérience.

MI. "Volte-face", "L'ombre et la lumière", "Ange ou Démon", même "D'un autre sang", chacun de vos disques ont un titre en forme d'antithèse, d'une chose et son contraire ! C'est une récurrence volontaire ?
François. C'est à l'image des thèmes abordés sur la plupart de nos chansons. C'est le cas également de beaucoup de groupes du style. On écrit beaucoup sur la contradiction, les opposés, ce n'est pas forcément volontaire ou réfléchi. C'est Didier qui écrit tous les textes, on lui laisse absolument carte blanche, même si évidemment si il écrit une connerie on va le lui dire ! Historiquement Bruno (Ramos, guitare) et moi nous chargeons d'écrire la musique, les soli. Depuis qu'il est arrivé, Guillaume (batterie) apporte aussi beaucoup d'idées. Après il faut trouver le juste milieu entre la musique et le message des paroles. Et dans ce cadre, chanter en français est une difficulté supplémentaire. Je guide Didier un petit peu, mais il sait bien comment tourner les phrases pour qu'elles correspondent à notre musique. On invente d'abord une ligne de chant en yaourt, pour se donner une idée de la mélodie et du débit de mots. On passe après au français et on voit si ça colle. Il faut plus de syllabes en français qu'en anglais pour le même message, et c'est aussi plus physique pour le chanteur. Mais avec le temps c'est devenu une gymnastique que l'on maîtrise bien. On trouve plus rapidement le bon tempo qui va avec le bon thème etc. Ce n'est pas forcément plus facile en anglais si tu veux être original ! Beaucoup de groupes qui chantent en anglais sont très basiques dans leurs paroles. Nous, le français nous permet de nous démarquer.

MI. Il y a bien eu "Believer"...
François. On a écrit "Believer" pour démarcher NTS et faire écouter à Olivier Garnier. C'était le début de VANDEN PLAS, ANGRA ou STRATOVARIUS en France, donc on pensait qu'il fallait qu'on propose quelque chose en anglais. Mais c'était une connerie, il nous a dit que ce qu'il aimait chez nous c'était le chant en français et qu'il fallait que ça reste en français. Du coup sur Ange ou Démon, on devait mettre "Believer" en bonus, et on a changé pour mettre "Messager", la reprise de SORTILEGE à la place. C'est pourtant un bon titre avec une longue partie instrumentale. Je m'étais inspiré d'un morceau du premier album de MAJESTIC ! Je voulais bousculer un peu la structure classique "refrain-couplet-refrain" et j'ai trouvé la partie acoustique très sympa donc voilà... Le titre est réapparu sur le remaster de Signe de vie finalement.

MI. Depuis Récidive, vous êtes revenu à un format de morceau plus court, plus simple...
François. Avec L'ombre et la lumière on s'était un peu emballés, on a voulu faire des compos plus chiadées, on a augmenté le niveau technique pour tous les musiciens, ce qui nécessitait beaucoup de concentration. Le soucis c'est qu'elles étaient aussi plus longues, mais la durée des concerts, elle, ne changeait pas. Donc on jouait moins de morceaux, c'était moins fun pour les gens et donc pour nous aussi. Tu composes en premier lieu en fonction des retours que tu as lorsque tu joues devant du monde. Ce sont des instants privilégiés et c'est la priorité du groupe. On aurait pu mettre en avant nos goûts personnels, nos influences, continuer dans la veine de DREAM THEATER ou SYMPHONY X. Mais un morceau plus court est aussi plus sympa pour le public. Au final, un bon riff, un bon couplet et un bon refrain, c'est aussi dur à composer qu'un long morceau hyper technique, et c'est plus de plaisir. On a quand-même beaucoup joué "Envahisseur" ou "Privilège" qui font régulièrement partie de nos setlists. Mais "Sentinelle" ou "L'ombre et la lumière", on a dû les jouer une seule fois. La tournée qui a suivi l'album, avec DRAGONFORCE (novembre 2006), on a eu des conditions difficiles, on ne pouvait pas faire de balance, pas de temps pour caler correctement les morceaux, on avait plus de pression. On s'était beaucoup préparés et finalement ça a été une expérience assez compliquée pour nous. Personnellement ça m'a servi de leçon. De toute façon, les nouveaux musiciens préfèrent aussi les morceaux plus courts donc ça tombe bien.

MI. A propos du live, les chœurs samplés étaient difficiles à louper samedi (24 janvier, au Divan du Monde) ! A quand de vrai(e)s choristes ?
François. Oui, ça fait partie des choses que nous sommes en train de travailler avec les nouveaux (Rires). C'est en cours. C'est vrai que Marc (Duffau, basse) prenait pas mal de chœurs avant, moi aussi un peu, mais là on a opté pour les samples. Ils ont peut-être été trop poussés en sono aussi. Cela va se mettre en place petit à petit.

MI. Revenons à Volte-Face, les textes sont une nouvelle fois très bien écrit.
François. Certains aiment nos paroles, mais je peux te dire que certains ne peuvent pas les piffrer ! Ils pensent que le français est surfait, etc. Je ne suis pas intrusif dans le travail de Didier. Après bien sûr on relit tous ses paroles, elles passent par le filtre du groupe. Cela nous garantit un bon niveau. Quand tu écoutes les groupes anglophones, tu as parfois un grand écart dans la qualité de leurs textes.

MI. "Planète Zemlya" est très intrigante...
François. "Planète Zemlya" est basée sur les évènements qui se sont déroulés en Ukraine, cela parle de l'amour de son pays, des sacrifices qu'il faut consentir pour garder son identité. En russe cela signifie ma planète, ma terre. Beaucoup de gens ne savent pas ce dont parle ce morceau, ce n'est d'ailleurs jamais franchement dit, c'est allusif, c'est subtil. Mais quand on réécoute en connaissant le sujet du titre, on le comprend différemment.

MI. "Leader" a une résonnance particulière en ce moment, on parle beaucoup des leaders religieux, extrémistes...
François. "Leader" ne porte pas sur un sujet particulier, c'est plus général. C'est très actuel. Si on prend du recul, le texte peut correspondre au monde de la politique, du terrorisme, des gamins qui prennent des mecs pour modèles, des personnes que tu peux aduler et qui finalement te déçoivent. Cela s'adresse à tout le monde. Regarde par exemple notre président de la république, qu'on a pris pour un dieu vivant lors de son élection, qui allait tout arranger, et sur qui aujourd'hui tout le monde crache.

MI. Parlons un peu de toi, comment estimes-tu ton épanouissement personnel via MANIGANCE ?
François. J'ai tout de suite eu conscience des limites de MANIGANCE. Chanter en français en France, c'était déjà un gros handicap dès le début. Je suis content de la réussite que l'on a eue et que l'on a encore. Je garde un excellent souvenir de tous les moments qu'on a passés, des moments privilégiés avec les amis, les relations, les fans. L'amour même qu'on partage parce que les témoignages des gens sont parfois très positifs et nous encouragent à continuer. On a tous un boulot à côté. Si à un moment on s'est demandé s'il fallait arrêter de travailler pour se consacrer à la musique, moi j'ai toujours su que ce serait compliqué. Le Metal est quand-même un style marginal.

MI. Et à la maison, que pense-t-on de MANIGANCE ?
François. J'ai deux garçons, le premier qui a 18 ans a bien écouté MANIGANCE à une époque, moins maintenant, mais le deuxième qui a 8 ans est un fan absolu ! Il ne se passe pas un voyage en voiture sans qu'il me demande de passer "Leader" ou "Ange ou Démon" ! Ma femme est aussi chanteuse, heureusement parce que pour supporter une passion aussi envahissante, il vaut mieux être avec quelqu'un qui la comprend.

MI. Et bah la voilà, ta choriste !
François. Tu ne lâches rien, toi ! (Rires)

MI. Bon... bientôt 20 ans ?
François. Oui si on considère que le jour où on a bu l'apéro en se disant qu'on allait monter un groupe correspond au point de départ de MANIGANCE, ça fait 20 ans. Pour fêter ça on avait eu l'idée de filmer un dvd live à Paris. Mais on s'est dit qu'au Divan du Monde, certes il y aurait du public mais que ce n'était quand-même pas le top. On n'aurait pas eu de recul avec les caméras, la salle était trop petite. Ce sera peut-être un argument pour une petite tournée... mais comme je t'ai dit, les organisateurs de ces concerts, ils te disent "oui, oui... mais..", il y a toujours la question de la rentabilité. Nous on est disponibles, même si les déplacements sont compliqués parce qu'on habite à Pau, on fait beaucoup de route à chaque fois. Tu vois là on a enchaîné quelques dates dans le sud, on a même été en Corse parce que c'était dans la continuité mais les mardis / mercredis, les gens ne sortent pas trop, et on n'a pas eu trop de monde... c'est toujours beaucoup de contraintes pour un résultat qui n'est pas toujours là au bout.

MI. D'autres projets ?
François. On est en train de boucler quelques concerts. On a déjà deux dates de prévues avec ADX, à Toulouse et à Pau, où ils sont très attendus donc on devrait remplir les salles. On est aussi en pourparlers pour un festival à Bordeaux avec Base fin octobre. On a des pistes pour jouer dans le sud début septembre. Donc voilà ça fait quelques dates sur 2015. On écrit aussi pour le prochain album, on n'en est vraiment qu'aux prémices. On doit se voir demain (ndi : jeudi 5 février 2015) pour ça. Les idées commencent à sortir, notre batteur en a déjà quelques-unes. Notre objectif c'est d'éviter de laisser passer trop de temps sans qu'on parle de nous, c'est notre gros défaut. On va essayer de profiter de Volte-Face pour relancer la machine. On a eu France 3 qui est venu à la maison pour un reportage, on a tourné un clip pour Volte Face et on a participé à l'émission "Une Dose de Métal" sur l'Enorme TV, donc on a eu un peu de promo. Notre processus d'écriture est assez long. Mais une fois qu'on a à la base refrain + couplet, après, c'est parti. L'idéal serait de sortir le prochain album en 2016.


Ajouté :  Mercredi 18 Février 2015
Intervieweur :  JB
Lien en relation:  Manigance Website
Hits: 7460
  
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