UFOMAMMUT (it) - Ecate (2015)
Label : Neurot Recordings
Sortie du Scud : 30 mars 2015
Pays : Italie
Genre : Stoner
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 46 Mins
Si à l'orée des années 70, Geezer, Toni, Ozzy et Bill avaient pu entrevoir les quarante années suivant la naissance de leur groupe, et la horde de musiciens allant prendre exemple sur eux, auraient-ils suivi le même chemin ? Il est quand même incroyable de constater l'influence qu'ils ont eu sur des générations de fondus qui ont repris leur recette, parfois en la poussant à son paroxysme...
Il est toujours facile de spéculer sur le passé, selon la recette éprouvée du "Mais si, et si, et si...", mais gageons qu'ils auraient été effrayés par certaines conséquences de leurs actes.
Ce qui avait commencé par accident, ce que quelques doigts plus courts avaient entraîné comme adaptation instrumentale, ce que la volonté d'être différent avait conduit à se fasciner pour l'occulte, a engendré depuis des décennies des hordes de malveillants, ne connaissant ni la bienséance, ni la politesse, ni la "normalité musicale".
On aurait pu croire en un épiphénomène, mais après tant de temps le doute n'est plus permis. Ce qui nous mène aujourd'hui au cas UFOMAMMUT. Les italiens, depuis quinze ans, n'ont de cesse de capitaliser sur l'héritage du SAB et de HAWKWIND, adoptant la lourdeur des premiers et l'adaptant aux obsessions oniriques et spatiales des seconds. Doom, Sludge, Psychédélisme, tout est là, fondu en un même métal dont la fusion toujours plus bouillonnante menace de se déverser sur une Europe incrédule.
UFOMAMMUT, ce sont juste une poignée de disques, une discographie qui semblait linéaire et claire jusqu'au diptyque Oro, qui avait troublé la progression. Le trio s'était à ce moment là voulu différent, plus versatile, plus ouvert. Mais cette parenthèse est aujourd'hui refermée, et les Italiens sont revenus dans le giron d'un Sludge Drone qui striait leurs premiers efforts de larsens, de sons alambiqués et de fulgurances stridentes...
Septième album, six morceaux pour un peu plus de trois quarts d'heure. Ca tourne rond, et la thématique choisie laisse présager d'un univers clos, ésotérique et propice à toutes les idées les plus étranges. Ecate, ancienne déesse grecque des trois mondes, celui des vivants, des Dieux et des morts, est devenue au fil du temps une figure de l'occulte, associée à la magie noire, figure païenne que certains invoquent comme on dégaine une planche ouija.
Quel habillage ont choisi les trois musiciens pour lui offrir une étoffe contemporaine digne de sa légende ? Le tissu est opaque, les couches sont multiples, mais la tenue est sobre, connue, sans surprise. Ils l'ont vêtue de noir bien sur, de taffetas constellé d'étoiles et de nuages, de crinoline usée à la blancheur salie par les années et les hommages souillés. Ecate, comme les trois premiers efforts d'UFOMAMMUT est sale, pesant, glauque, poisseux, traînant, lourd, grave, parsemé d'arrangements dérangeants et instables, et basé sur quelques idées phares, répétées à l'envi. Point, rien de plus, rien de moins.
La structure générale n'a pas forcément dévié depuis les origines. Sur les six pièces de cet album, trois sont des morceaux de choix atteignant ou dépassant les dix minutes. A partir de là, deux options s'offrent à vous. Soit vous avez découvert le groupe avec la transition bipartite Oro, et la surprise - sinon grande - sera de découvrir un trio un peu différent, plus compact, plus centrifuge, qui s'arque boute sur un riff et le tort jusqu'à le faire plier, soit vous êtes un habitué de la démarche, et alors rien ne vous surprendra. Car l'ensemble respecte la ligne de conduite qu'on trouvait déjà sur la discographie des jeunes années des Italiens, un riff sombre, une rythmique lourde et traînante, un son aussi Heavy que possible, et des répétitions, des itérations, des récurrences jusqu'à l'overdose.
On est bien sur loin du statisme irritant et migraineux de SUN O))), puisque le drone est quand même salement dilué dans un Sludge un peu plus souple que de simples échos d'infra basses, mais le principe reste le même.
UFOMAMMUT n'a jamais privilégié la diversité et encore moins la versatilité. Un thème pour un album, une sonorité qui se répète en boucle, à peine interrompue par quelques déviances légères, mais les guitares étant tellement grasses et lourdes que ces variations infimes sont à peine perceptibles. Nous pouvons souligner pour le principe que le son de Ecate est certainement le plus Heavy dont le groupe a jamais bénéficié, mais c'est bien la seule différence mineure qui sépare ce nouvel effort de Lucifer Songs par exemple.
Et de "Somnium" à "Daemons", la machine tourne, écrase, concasse, en connaissant peu de temps morts. Seuls "Plouton", réduit à la portion congrue de trois minutes se permet un décollage furtif vers un mid tempo qui allège un peu l'ambiance, et "Revelation", qui se consacre aux arrangements/bruitages oniriques et spatiaux viennent interrompre le cheminement logique du disque.
On peut également souligner l'effort accompli sur la grande finale du disque, le monumental "Daemons", qui casse un peu la mécanique cyclique globale. Les riffs se font volontiers plus agressifs tout en restant aussi lourds, la double pédale apporte une dynamique indéniable, et le crescendo sur lequel ce morceau est bâti offre une conclusion beaucoup plus vivace à un LP qu'on pressentait prévisible jusqu'au bout.
Une fois la conclusion tirée, le disque prend alors un relief différent, et la longue litanie de plus d'une demi heure est soudain validée par un dernier chapitre un tant soit peu décalé, qui prouve que finalement, les originaires du Piémont en ont encore sous la botte, sans pourtant en donner l'impression.
Pour beaucoup, UFOMAMMUT n'est qu'un groupe de plus dans un style très fermé, qui semble déjà avoir dit tout ce qu'il avait à dire. S'il est vrai que le propos n'est pas nouveau, le traitement qu'en offrent les Italiens n'appartient qu'à eux, même si je comprends les points de vue fermés qui ne verront en Ecate qu'une stagnation de plus.
J'y ai perçu moi même un retour en arrière évident, mais animé d'un effort d'évolution, certes difficilement perceptible pour peu que l'on ne soit pas fan du genre, en tout cas un excellent album, encore plus lourd qu'à l'habitude, qui se révèle petit à petit, et qui explose lors qu'une épiphanie finale qui prouve que le trio est bien plus qu'une simple assemblée de bourrins bornés bloqués sur la lourdeur et les répétitions.
Et puis, le créneau étant déserté depuis quelques années par ses cadors auto proclamés, UFOMAMMUT fait aujourd'hui figure de leader du Sludge Drone, même si le cloisonnement du genre n'autorise que peu d'incursions de qualité.
Et puis, c'est comme ça après tout. Le problème se posait déjà il y quarante ans, la donne n'a pas changé. On peut détester, c'est un droit. Mais je ne peux m'empêcher d'être fasciné par ces longues pièces titanesques qui s'élèvent telles les colonnes d'un temple aux dimensions extra humaines. Un temple où l'on prierait une déesse unifiant le monde des vivants, des morts et des Dieux.
Chacun sa prière de toute façon.
Ajouté : Mardi 04 Août 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Ufomammut Website Hits: 5256
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