GODISDEAD (FRA) - Just... Die (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 24 mars 2015
Pays : France
Genre : Black Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 49 Mins
Le printemps est là, et bien là. Alors autant profiter du soleil pour nous rendre dans le sud de la France, dans une ville charmante. Avignon ? Le festival, PACA, capitale européenne de la culture, on sait beaucoup de choses sur cette "cité des papes" bien sur... Ce qu'on sait moins, et qui peut être directement relié à son statut de vitrine culturelle, c'est qu'elle a vu naître en ses murs un des ensembles les plus étranges du paysage musical extrême français... Mais ne sommes nous pas là justement pour vous informer de ce genre de choses ?
Ce qui est certain, c'est que le groupe dont je vais vous parler ce matin doit rarement voir le soleil... Non, ils font partie des hordes de la nuit, de ceux qui préfèrent regarder les étoiles en maugréant contre les institutions, les codes à suivre, et les lignes de conduite respectueuses et disons le, "conventionnelles". On les aurait plutôt imaginés issus d'une ville ancienne et un peu terne, dans le Nord, ou un coin perdu de l'Est, ou de la région parisienne pourquoi pas. Le genre d'environnement propice à une misanthropie de rigueur, mais les choses sont ainsi, et un cadre idyllique n'engendre pas forcément l'empathie, la joie de vivre et l'espoir. La preuve ici par A+B.
Avec un patronyme aussi direct et clair que GODISDEAD, la messe était dite dès le départ, si j'ose l'image. Et justement, la messe, c'est une chose que le quatuor avignonnais ne supporte pas. Pour ce qu'elle représente, mais aussi par extension à cause de la religion qui l'a imposée à travers les siècles. Celle-ci n'est plus dite en latin depuis longtemps chez nous, mais peu importe, puisque le langage de GODISDEAD est universel. Anticlérical, antireligieux, combattant la fausse foi sous toutes ses formes, avec une approche musicale très personnelle et radicale. Et les revoici en mars 2015, pour une non bénédiction urbi, mais surtout orbi. Hallelujah mes frères, répandez votre fiel, vous avez toute notre attention.
Formé en 2008, GODISDEAD a déjà sorti deux longue durée, un éponyme en 2010, et le sobrement baptisé II... deux années plus tard. Fidèles à une éthique depuis le début, ils n'ont jamais changé d'optique ni de ligne de conduite, mais si leur discours n'a pas évolué d'un iota, leur musique est elle arrivée à une sorte de maturation qui force le respect. Et si les qualités intrinsèques de Godsisdead et II sont indéniables, celles de Just Die frisent quasiment la perfection dans le style.
Sur le papier, les choses sont simples et semblent claires. GODISDEAD pratique une hybridation torride entre Black, Punk, Thrash et quelques touches de Doom, mais la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle n'en a l'air. Autant vous avertir de suite, Just...Die fait partie de cette race d'albums qui prennent leur temps pour s'imposer, qui ne se révèlent pas facilement, même si dès leurs premières notes, ils captent l'attention par leur originalité et leur puissance. Puissant, ce petit dernier l'est, sans conteste. Original aussi. Mais ces deux qualités, aussi indispensables soient elles ne sont pas garantes d'un résultat pertinent. Encore faut il ne pas se focaliser sur l'une au détriment de l'autre, et surtout, savoir "être" et pas seulement "paraître". La recherche d'une démarcation quelconque est sans doute un but noble, mais lorsqu'on EST à part sans chercher à accentuer ses différences, le résultat est terrifiant et captivant.
Sous un artwork superbe de Taiani Vincent, artiste avec lequel le groupe bosse depuis quelques années, se cache un des meilleurs albums de ce début d'année, nous pouvons l'affirmer sans trop prendre de risques. Et attention, je dis bien "un des meilleurs albums de ce début d'année", pas "un des meilleurs albums français de ce début d'année". D'une parce que les considérations nationales n'ont aucun intérêt, et de deux, aussi paradoxal que ça puisse être, parce que GODISDEAD à une dimension européenne, et est capable de rivaliser avec les plus grands groupes en activité.
Je ne chercherai d'ailleurs pas à les raccrocher à une locomotive quelconque, puisque leur musique se suffit à elle même. Pas de comparaison donc dans cette chronique, je jugerai l'album pour ce qu'il est.
Dans sa structure, Just...Die est surprenant, mais son développement témoigne d'un travail de fond indéniable. Succession de pistes aussi différentes que complémentaires, il aligne les interventions très courtes et les segments beaucoup plus longs et osons le mot "progressifs". Car en dépit d'un discours direct et sans ambages, la musique de GODISDEAD est riche, luxuriante, à l'image du fabuleux "Extatic State", pièce en trois actes qui débute sous des auspices brutaux, avant de laisser la place à une longue digression planante, aux teintes acoustiques, qui finit par se fondre dans un final lourd, sombre, heurté et agressif.
On retrouve d'ailleurs sur le chemin trois de ces traitements en longueur, qui constituent en quelque sorte des pics dans l'aventure de cet album, entremêlés de morceaux plus courts et concis, qui font peu de cas d'une empathie mélodique quelconque. Je pourrais en citer plusieurs, mais je m'arrêterai sur l'un des plus accrocheurs, "Sensiaar Of Death", un des plus brutaux et accrocheurs, qui laisse une basse qui claque comme un fouet rythmer un chant extrêmement vindicatif.
Mais si les trois premiers quarts de ce disque unique vous ont séduit, attendez d'en arriver à son terme, car loin de capitaliser sur une attention déjà acquise, le groupe continue d'explorer, et nous livre une pièce gigantesque de créativité, "In Chains", qui pendant plus de neuf minutes passe par toutes les ambiances possibles, se permet un solo précieux et délicat, attaque les neurones d'une électro subite et incongrue qui loin de faire tâche s'intègre parfaitement au contexte, et se pose en miroir déformant symétrique à un premier tiers qui s'évade sur des rivages Techno Metal de premier plan. C'est fantastique, prenant, original et ça débouche sur six minutes acoustiques doucereuses qui elles mêmes se fracassent après quelques minutes de silence sur une outro parlée qui achève de transformer cet opus en conte pour adulte dont on a du mal à s'extirper, même après que ses dernières volutes se soient dispersées dans le ciel...
Ne vous laissez surtout pas avoir par les descriptions sommaires offertes en pâture sur le net par simplicité. Black, Thrash, Punk, je suis pour, tout du moins pas contre, mais la force de GODISDEAD est de les avoir utilisées comme matières brutes, pour les fondre dans leur approche si personnelle que je ne suis même pas sûr d'avoir entendu ça auparavant.
Just Die est un LP doté d'une imagination inouïe, qui ne se contente pas de brasser des idées et de jeter des jalons au hasard, mais qui applique une démarche claire, qui sait exactement où il va, et qui offre une musicalité brutale parfaitement agencée. Tant et si bien qu'il faudrait presque leur inventer un style unique qui n'appartient qu'à eux.
Pas sûr qu'on entende un jour Just...Die sur la place St Marc, pas sûr que le Pape François même avec son ouverture d'esprit cautionne ce genre de choses. Mais la liberté de culte n'est elle pas garantie par chez nous ? Ca tombe bien, parce qu'avec ce genre de psaume, GODISDEAD risque de convertir bien des fidèles. Car l'absence de sens est contagieuse.
Ajouté : Mardi 04 Août 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Godisdead Website Hits: 5550
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