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REFUSED (se) - Freedom (2015)






Label : Epitaph Records
Sortie du Scud : 30 juin 2015
Pays : Suède
Genre : Punk Hardcore
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 43 Mins





"Nothing has changed, the time has come, there's no escape"

1789, mai 68, des chars, la Pologne, les révoltes contre la guerre du Vietnam, la Corée, Tian'anmen, la résistance, la rébellion silencieuse, le tiers monde, les Indignés, la Grèce, l'Espagne, le postulat reste le même. Tout le monde pointe du doigt les dysfonctionnements, les injustices, hashtague sur Twitter, statue sur facebook, les Anonymous masqués piratent le système, mais quand va t'il vraiment vaciller... Qu'est ce qui pourrait changer les choses ? Des slogans sur des calicots déployés en concert, des paroles revanchardes et piquantes qu'on reproduit sur les murs, le regard biaisé des gens dans la rue, la violence, des manifs pour la liberté d'expression...
Ok, tout le monde EST Charlie, mais qui est vraiment Charlie dans cette faune concernée pendant quelques jours, le temps de changer une photo de profil ou de s'offusquer à chaudes larmes ? De grandes tirades copiées sur des photos libres de droit, dont on s'approprie le message souvent truffé de fautes, des citations toutes prêtes sur Evene, tout ça sent le marketing à plein nez, l'investissement de masse pour l'image. Parce qu'au final, nous restons tous là, derrière notre écran, à attendre que quelqu'un fasse bouger les choses, qu'one voix s'élève au dessus des autres pour renverser les puissants, sans se salir les mains, sans arrêter de se selfiser dans sa salle de bain.
Et le résultat est le même, depuis des décennies.

Rien ne change, il n'y a pas d'échappatoire. A moins que...

1998, The Shape Of Punk To Come, et puis une vidéo lâchée comme ça, au titre prémonitoire d'enterrement volontaire de première classe, The Refused Are Fucking Dead. On la sentait venir cette chute pas drôle, mais on espérait quand même un rappel. Parce que ce putain de dernier album était une bombe, de celles qu'on laisse traîner dans un avion pour qu'il explose en plein vol. Les REFUSED justement, s'étaient cramé les ailes sur la flamme de la révolution, et semblaient avoir soldé tous leurs comptes. Qui croyait encore, entre 2000 et 2012 qu'ils allaient revenir hurler la saine contestation qu'ils ont brandi en étendard tout au long de leur carrière ? Personne. Ces mecs là étaient plutôt du genre à fermer leur gueule lorsqu'ils n'avaient plus rien à dire.
Mais il y a deux ans, après avoir fait grand bruit en refusant un prix tendu des mains du ministère du commerce extérieur, Jon Brännström avait déclaré, amer, qu'il s'était fait virer du groupe. L'affaire était donc entendue, REFUSED était de retour. Et ça, c'est une nouvelle qui fige le temps et le regard... Quelques concerts de mise en jambes, des festivals, et un simple en cadeau aux fans purs et durs. "Elektra" sentait bon le Punk vintage des 90's, celui que REFUSED distillait avec une grande intelligence et une sacrée violence. Le retour définitivement entériné, des allusions à un nouvel album commençaient à se répandre un peu partout. Et comme les quatre activistes vont toujours au bout des choses, quoi qu'il en coûte, cet album est là, aujourd'hui, prêt à être écouté, disséqué, savouré.

Plusieurs choses s'en dégagent au prime abord. Le message n'a pas changé, le ton non plus. L'apathie, les inégalités, les combines dégoûtent toujours autant les suédois, et leurs lyrics n'ont pas non plus changé d'un iota. Et c'est une bonne chose. Cette fois ci, dix sept ans après leur dernier jet de bile, ils s'élèvent contre le peuple qui accepte ce statu quo insupportable, les relents de politique colonialistes, cette Europe qui continue de négliger l'état critique du reste du monde... En gros, le grondement du peuple d'en bas, qui propose, mais qui jamais n'ose.

Musicalement, l'affaire est un tant soit peu différente. Si le style est là, dans le fond, la forme à quelque peu changé. Le groupe balaie un spectre impressionnant de diversité, et n'hésite pas à s'aventurer dans des territoires autrefois vierges de leur passage. Si "Elektra" n'avait surpris personne par son classicisme, "366" reste aussi dans la ligne du parti telle qu'elle fut édictée sur Songs to Fan the Flames of Discontent ou The Shape Of Punk To Come. Guitare effilée, basse énorme qui tourne et frappe, et rythmique compacte, triturant un mid tempo pour le fracasser sur des contretemps dynamiques. "Destroy The Man" et son riff pur REFUSED ne surprend pas non plus, quoique ses arrangements titillant l'Indie soient assez inhabituels.

Mais bon nombre de morceaux vous laisseront pantois, par leur culot, leur sens de l'expérimentation, et leur prise de risque maximale. REFUSED s'amuse à fricoter avec la Pop, comme ils le faisaient avant avec le pseudo Reggae, tombent parfois dans l'intimiste tendu, en gros osent et surtout signent leur disque le plus aventureux.
Soyez rassuré, l'investissement est le même. Rien ne changera jamais de ce côté là. La voix de Dennis Lyxzén n'a pas changé d'un iota, toujours aussi pénétrante et envoûtante, transcendant de ces incisions franches des textes qui ne le sont pas moins. Comme si le temps n'avait aucune emprise sur lui, il harangue, provoque, ironise avec ce timbre juvénile qui n'a pas mué depuis les années 90. David Sandström a toujours ce jeu de batterie unique, impulsif et spontané, déconstruit et pourtant solide, et sa frappe est encore plus puissante et précise que dans ses jeunes années.

Le débat prend vie lorsqu'on aborde la guitare de Kristofer Steen. Loin de lier ses riffs comme des fils barbelés, il se laisse aller, tente les arpèges, les cocottes qui tombent comme des tracts, se la joue pur Métal, avant de revenir dans le giron Punk pour des attaques rudimentaires et ciblées. Son jeu à gagné en maturité et il booste souvent de ses interventions des breaks qu'on aurait pas imaginé il y a quelques années.

Dans sa globalité, Freedom est un album qui demande des efforts d'attention, car il ne se révèlera pas dès la première écoute, ni la seconde. Si son amplitude est immédiatement remarquable, il pourra dérouter les fans purs et durs qui s'étonneront de certains choix. Ainsi, l'ambiance purement électronique de "Old Friends/New War" et ses inflexions Pop pourront choquer, un peu comme si le quatuor marchait sur les plates bandes de FILTER.

Même bilan pour l'irrésistible "Françafrique". Rythmique souple et électro, refrain souple et mélodique, décalage entre un texte franchement violent et une atmosphère lumineuse et apaisée, c'est sans conteste la grosse surprise de l'album, qui avait dérouté et provoqué un débat sur le net. Elle reste pourtant une des meilleures chansons de l'album, si l'on est capable de comprendre que le Hardcore est plus un mode d'expression qu'une structure musicale globale. Et le doute ne plane pas lorsque les choeurs entonnent "Murder, murder, murder, kill, kill, kill, exterminate all the brutes".

"War On The Palaces", dansant et à la mélodie caoutchouc ne manquera pas non plus d'interpeller. Pourtant, sa puissance est indéniable, qu'on l'aborde sous l'angle du groove ou de l'implication vocale. La guitare de Kristofer se plaît à être accessible, les breaks calmes sont en place, et le tout monte en tension tout en faisant croire le contraire. On s'attend même à tomber sur un solo Pop Rock après le break central.

"Servants Of Death" pousse même le souffle disco encore plus loin, et s'autorise une incursion TALKING HEADS qu'un Byrne éméché et joueur aurait pu tenter un soir de février du début des années 80. Même Nile Rodgers en jouerait le riff avec plaisir, d'un sourire so chic...

"Useless Europeans", le final, n'est qu'un long crescendo moite qui arpente de ses six longues minutes un chemin de Damas sous un soleil de plomb, crescendo qui tire les muscles mais qui n'explose... Jamais.
Le rideau est tiré, que les débats commencent, et il y en aura...

Certains, dont le label même du groupe, on expliqué ces choix en justifiant que le Hardcore des années 2000 était assimilé par le plus grand nombre, et était donc devenu mainstream. Qu'il ne fallait pas s'étonner des choix de REFUSED qui avait donc opté pour une autre voie pour exprimer sa révolte.

Je me permets de m'opposer à ce jugement, sans pour autant connaître les véritables intentions des suédois. Car pour moi, REFUSED est, et à toujours été un groupe sincère, instinctif, qui ne réfléchit pas selon ce modèle de contestation de crédibilité.
Le véritable REFUSED est toujours là sous les couches variées et empilées de ce Freedom. Freedom, qui mérite son titre pour plus d'une raison, qui expérimente, qui tente, et qui, sans surprise, réussit son pari à chaque fois. La rage est aussi intense, la puissance, même déguisée sous des oripeaux plus consensuels est la même, l'interprétation investie n'est pas moins profonde, et le talent est intact. Alors, bien sur, REFUSED a changé, mais comment pouvait il en être autrement après dix sept ans de silence ? La seule chose qui n'a pas changé, c'est que REFUSED est toujours unique, il l'était en 1994, en 1998, il l'est toujours en 2015. Personne ne prendra sa place car il n'y a pas de place à prendre.

Les choses n'ont pas changé et pourtant, elles ont changé. Ce qui reste le même, c'est ce besoin viscéral d'entendre cette musique que personne d'autre ne peut composer et jouer. Et le fait que nous ayons besoin de vous les gars. La société peut bien mourir de sa belle mort, comme le monde, vous nous aurez prévenu.

Et il n'y a pas d'échappatoire. La liberté ne se gagne pas forcément par des cris, par des slogans, mais elle ne s'obtient pas en attendant qu'une voix s'élève.

Même si la votre s'élèvera toujours au dessus des masses.

REFUSED are fucking alive.



Ajouté :  Mercredi 01 Juillet 2015
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
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Hits: 6346
  
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