Fangs of the Molossus nous fait voyager dans l'Italie de l'antiquité. Cette époque ou Rome était le centre du monde. Notre périple commence dans les marais Pontins, marécages visqueux du Latium. A l'époque, cette région n'était que terres humides, nuées de moustiques, grippes malignes, eaux saumâtres. C'était le lieu de prédilection pour les messes noires, les rites démoniaques. Nous serons les spectateurs privilégiés du sabbat des sorcières. Nous irons ensuite errer dans les catacombes romaines, dans les méandres de ces couloirs creusés dans la roche, entourés des ossements de nos contemporains, dans cette obscurité que rien ne chasse, nous nous repaîtrons des échos mauvais de chants païens et de musiques néfastes, tortueuses et fangeuses, comme si nos semelles avaient traîné jusqu'ici cette boue goudronneuse attrapée dans les marais. Nous finirons notre périple dans les salles immenses des palais des empereurs romains où nous nous roulerons dans la luxure et le stupre. Une sombre litanie accompagnera notre déambulation. Un son de plomb, lent, gras, ponctué d'explosions de distorsion, de riffs Psych, de discrètes nappes de claviers, noyées dans la masse. Le chant sera rare, non systématique. Un élément narratif parmi d'autres. Un moyen et non une fin. Prisonnier des mélodies, comme pris dans les mâchoires d'un molosse, vous êtes condamnés à écouter ces sombres notes: "Caligula", "Cult Of The Witch Goddess", "I Drink Your Blood", "O Fera Flagella", "Dead King Rise"... la messe noire est dite.

Bienvenue dans l'univers de FANGS OF THE MOLOSSUS, groupe de Doom Metal italien originaire de Florence. Au commencement, en 2011, ils sont cinq : Acid King Kanija (chant), Comte Vendetta (guitare rythmique), Amp Zila (lead guitare), Iako (batterie), Daemon Nox (basse). Une démo sort en juillet 2013, puis le line-up bouge (départ de Acid King Kanija, chant repris par Amp Zila, remplacement de Iako par Black Wizard au kit). Lorsqu'ils rejoignent le jeune label Italian Doom Metal Records, le premier opus commercialisé est une réédition vinyle de la démo de 2013. Éditée à 500 exemplaires, la galette n'est disponible ni en streaming, ni en cd. Fangs of the Molossus pose les fondations, une expérience où le Doom Metal et le Heavy Psych fusionnent. L'album offre plusieurs nuances de Doom bien gras à la sauce fuzz. Pendant les 40 minutes de voyage, sur cinq morceaux, FANGS OF THE MOLOSSUS varie les plaisirs. Il y a toujours cette rythmique pesante aux accents de BLACK SABBATH tardif. Ainsi, "Cult of the Witch Goddess" et surtout "I drink your Blood" dont le riff et la rythmique rappellent la musique développée par Tommy Iommi et Geezer Buttler sur 13. Des inserts d'extraits de films donnent à la tracklist une couleur particulière et remplacent avantageusement le chant. Ce dernier, clair, est plutôt rare. Seuls deux morceaux contiennent une véritable portion chantée ("Cult Of The Witch God" et "I Drink Your Blood"). La voix apparaît également sur d'autres morceaux, mais plus comme un soutien à la musique, "Caligula" par exemple, où le nom de l'empereur romain est répété ab nauseam, comme une litanie pour ponctuer la mélodie des guitares. Le groupe sait distribuer ces effets avec parcimonie. C'est aussi ce qui fait le charme de l'album. Il ne tombe pas dans cette répétitivité contemplative qui peut-être le talon d'Achille du Doom et du Heavy Psych. Les italiens prennent certes leur temps pour installer leurs ambiances délétères, avec des morceaux qui tournent autour de sept minutes, mais ils savent éviter le piège de la durée excessive.

Dommage que la qualité de la musique soit desservie par une prod crade qui a tendance à noyer les sonorités subtiles et les élucubrations psychédéliques. Il faut tendre l'oreille pour apprécier un petit effet fuzz, ou une discrète nappe de clavier. Ce défaut mis à part, le disque a tout pour ravir les amateurs de Doom et de Heavy Psych. Mêlant les deux univers musicaux dans un cocktail bien mixé, comme si l'un n'attendait que l'autre, les italiens donnent avec ce premier effort un avant goût persistant de leur musique. Émanations de hasch et relents de souffre. Si les florentins arrivent à maintenir la qualité, la technicité et le groove tout en améliorant la prod et le mixage, l'expérience méritera sûrement une oreille plus que distraite.