MORO MORO LAND (ru) - Through (2015)
Label : Eastrain Rec
Sortie du Scud : 26 mars 2015
Pays : Russie
Genre : Blackened Hardcore
Type : EP
Playtime : 5 Titres - 21 Mins
Victor, Dmitry, Renton et Pilotidiot nous viennent de Nizhny Novgorod en Russie. Ils ont formé ce drôle de groupe au nom abscons en 2010, et depuis, essaient d'aligner chaque année une sortie, quel que soit le format. Une démo éponyme en 2011, et depuis, deux splits avec KUROUMA et DROM respectivement en 2013 et 2014. Mais c'est avec un EP perso qu'ils nous en reviennent en 2015, et j'avoue que la place qu'ils se sont réservée me sied particulièrement.
MORO MORO LAND pratique un style abrasif, assemblage de plusieurs courants complémentaires, qu'ils aiment à définir comme du Hardcore aux relief Black, un peu Post et atmosphérique, mais surtout d'une puissance phénoménale.
Through brouille les pistes. Avec son alternance de morceaux en russe et en anglais, c'est un EP qui ne se dévoile pas entièrement à la première écoute, et qui nécessite des efforts. Sous sa pochette superbe signée Kuba Sokolski, il contient le minimum pour convaincre, cinq titres de durée moyenne, qui forment ensemble une belle homogénéité. Si leurs influences revendiquées vont de BLACK SABBATH à ENVY, c'est qu'ils n'aiment pas se cantonner à un genre particulier, mais au contraire en prendre plusieurs, les broyer, les assimiler, et les restituer à leur façon.
Si l'intro pue le Black/Doom à plein nez avec ses cordes graves et lancinantes, laissez passer l'orage et vous serez témoin d'une soudaine éclaircie, vous aveuglant d'une lumière sombre mais vive. En éclaireur, "Новая Кожа" (New Skin) se plaît à embourber l'auditeur dans un marigot Sludge/Black, avant de laisser la terre sécher pour que la machine avance à plein régime. Accélérations Black aux blasts déments, aux impulsions soudain brisées net par des obstacles Post Hardcore, mélodies tendues et évolutives, le mixage des courants est équilibré et séduisant. Le propos se place d'emblée sur le terrain de l'imprévisible, et donne envie dès son introduction d'en savoir plus.
"Rotten Hearts" se complait dans le même genre de paradoxe. Après une entame franche d'un Hardcore bien noirci aux tics Black modernes, le groupe se permet une cassure centrale bien nette, et dérive dans des eaux bourbeuses, symptomatiques des déluges Post Hardcore classiques, avant de s'arrêter net, pour s'offrir un final pur Core bien hargneux et vindicatif. Mais sans pour autant se mordre la queue, ni sembler désorienté. Les russes savent où ils veulent en venir, et ne peinent pas à nous en convaincre.
"Посеявшие смерть" (Those Who've Sowed Death) est bâti sur un rythme chancelant, un chant raclé au possible, et des guitares qui enfoncent des portes imaginaires avec un tapis épais d'arpèges en strates oniriques. Encore une fois, alors qu'on à le sentiment d'avoir pigé le truc, l'oiseau s'arrête en plein vol, part en circonvolutions, semble ne plus savoir où il en est, et plane, soudain, comme le feraient NEUROSIS et CONVERGE s'ils tombaient du même avion. Et puis une fois la cible repérée, le vol part en piqué, tout en blasts soulignant des riffs empruntés à l'école norvégienne des années 90. Imparable et troublant.
"If You Stand and Fight" ne s'embarrasse quasiment pas de principes. Rencontre à la volée entre EMPEROR et SILENCER, sans les effets vocaux morbides et/ou grandiloquents, c'est le titre le plus franc du lot. Hystérie rythmique, riffs acides et effilés, le quartette ne se pose pas de questions et n'attend pas de réponse. Point.
Et puis, ultime pied de nez/surprise, on bute au final sur une impossible reprise de NIRVANA, "Something In The Way". Pourquoi ?
Parce qu'elle est exceptionnelle et que les fans de Cobain auront sans doute du mal à la comprendre.
Lorsque Kurt se voulait intimiste, sincère, tout en retenue, MORO MORO LAND lâche tout, tapisse un mur de guitares compactes, comme si l'émotion brute devait se transformer en catharsis douloureuse. Le chant est à l'exact opposé de feu KC, la rythmique est lourde et monolithique, et aucune nuance ne viendra modérer cette litanie funèbre. Dénaturation et infamie pour les uns, hommage fantastique et honnête pour les autres. Vous pouvez ne pas choisir votre camp.
Cet EP, aussi abrupt soit il est une révélation. C'est une savante élaboration basée sur des éléments épars mais réunis en une seule conception qui laisse admiratif. Tout de haine larvée, Through bricole la puissance en la dominant par la mélodie, reste foncièrement violent et pourtant émouvant.
Et place MORO MORO LAND au centre des débats.
En voici un d'ailleurs. Peut on exprimer la colère la plus pure au travers de l'émotion la plus amère ?
Ajouté : Jeudi 16 Avril 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Moro Moro Land Website Hits: 5610
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