DETENTE (usa) - Recognize No Authority (2014)
Label : Xtreem Music
Sortie du Scud : décembre 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 31 Titres - 110 Mins
Certains groupes deviennent culte en un seul album... Pour diverses raisons d'ailleurs. Qu'ils soient foncièrement mauvais et honnis par la presse (SHAGGS, GENOCIDE, etc.), ou au contraire magnifiques et innovateurs (Buckley, Modern Lovers...), ils laissent une trace impérissable dans l'histoire de la musique, alimentent les fantasmes, déchaînent les passions, mais continuent de faire parler d'eux quoi qu'il arrive des années après leur séparation.
Et certains styles sont plus propices à ce genre de one cult wonder si vous me pardonnez ce terme osé. En ce qui nous concerne, nous, amateurs de Metal, le Thrash fut en effet le berceau privilégié de ces formations éphémères, lâchés par leur maison de disque, séparés au moment de la sortie du LP, ou victimes d'une indifférence crasse bien avant que le destin et la légende ne les rattrape. Ou tout simplement que quelqu'un se rende compte enfin de l'importance de leur travaux... A titre posthume ou pas.
Posthume, le cas de DETENTE l'est à bien des égards. D'une part, parce que le groupe est enterré depuis presque trente ans maintenant, discographiquement parlant. D'autre part, parce que sa légendaire screameuse s'est éteinte en 1996 d'une insuffisance rénale causée par des abus de substances pas forcément licites. Culte, le groupe l'est, assurément, et ce depuis la sortie en 1986 d'un pavé Punk Thrash teigneux et véloce, un des premiers si ce n'est LE premier LP de Thrash a mettre en avant des vocaux féminins. Le micro était jusqu'à lors (bien que le style cette année là n'était vieux que de trois petites années, tout juste) réservé aux mâles, plus aptes selon les croyances clichés à vociférer comme de beaux diables pour effrayer le bourgeois et la société.
Bullshit.
Dawn Crosby était une front woman comme on en faisait rarement dans les années 80. Et son influence serait reconnue en tout honnêteté par des musiciennes comme Sybille Colin Tocquaine ou Angela Gossow par exemple. Un timbre de voix passé au papier de verre, des hurlements rauques et glaçants, une présence scénique forte, Dawn avait tout pour mener son combo au firmament des stars du Thrash. Las, la vie en décida autrement. Accident de batteur (qui failli finir salement brûlé vif...), tensions, Dawn s'en alla vers des contrées encore plus désolées pour former FEAR OF GOD, avec le même chemin de traverse bref et en forme d'impasse. Le reste du groupe continua sa route sous le nom de CATALEPSY, avec Veronica Ross en remplacement... Mais le plus amusant dans tout ça, et outre la présence inoubliable de Dawn, est de se rendre compte que deux autres noms fameux figuraient au casting de DETENTE. A la guitare, on retrouvait en effet Ross Robinson, qui produirait bien des années plus tard KORN, SEPULTURA, LIMP BIZKIT, et bien d'autres... Et après le split et le changement de dénomination, un certain Dave McClain allait prendre en charge le kit, avant lui aussi de devenir célèbre en frappant les fûts chez SACRED REICH et MACHINE HEAD bien sur...
Vous avez dit who's who? Vous saisissez maintenant l'importance historique de ce groupe dont vous ne soupçonniez peut être même pas l'existence ?
Qu'à cela ne tienne. Vous pouvez depuis décembre 2014 réparer votre erreur, et dans les grandes largeurs. Et dire merci en passant au très actif label Xtreem Music qui s'est chargé de rééditer Recognize No Authority en version double CD, histoire d'avoir un survol exhaustif de toute l'affaire (n'oublions pas qu'en 2007, Metal Blade, la maison de disque originelle de DETENTE s'en était déjà chargé...).
Trente et un morceaux, presque deux heures de musique, l'affaire est narrée dans son intégralité. Décrivons, décrivons.
Sur la première des deux galettes, le LP d'origine, agrémenté de deux titres qui n'y figuraient pas à l'époque. On retrouve donc en pistes onze et douze, deux morceaux interprétés par Tina Teal, qui succéda à Ann Boleyn, première nouvelle vocaliste de la reformation des années 2000. Vous jugerez vous même de la pertinence de l'affaire, si vous n'aviez pas jeté une oreille en 2010 sur l'album du comeback, le tiède Decline.
Cette première rondelle vous replonge donc dans les affres Thrash des mid 80's, avec ses riffs francs, sa rythmique catapultée, et son chant revanchard. Bien loin des turpitudes de ses contemporains, DETENTE cherchait à l'époque à fondre dans le même creuset ses influences Metal, Thrash et Punk et y parvenait d'une manière beaucoup plus convaincante que METALLICA sur Kill'Em All. C'est dit.
De l'ouverture extravertie et exubérante de "Losers" explosant comme un pétard dans une vitrine, à l'outro mélodique et Heavy de "Vultures In The Sky" aux sifflantes incontrôlables, en passant par l'instrumental cavalant "Catalepsy", tout est là. Une certaine vision de la violence instrumentale, une volonté de garder l'éthique Punk pour l'adapter aux standards du Metal féroce, avec un brio incontestable. Emettre un jugement de valeur sur cet album est chose très facile pour tout amoureux de l'extrême vintage, et j'affirmerai sans nuances que Recognize No Authority reste encore aujourd'hui une référence dans le style. Qualité des compositions, riffs solides, chant investi, délicate patine rugueuse, parfum Punk enivrant, duo basse/batterie collé comme de la glu, peu pouvaient alors rivaliser avec le quintette qui n'avait d'ailleurs pas vraiment d'équivalent.
Le second CD, plus anecdotique, n'est pas foncièrement inintéressant. On y retrouve les démos de l'album, datant de 1984 avec un son retravaillé, des répétitions, des titres live, et les deux démos du groupe de 1987 et 1989. La première offre un visage très cru, sur lequel les rictus Thrash se transforment peu à peu en grimaces Death, la seconde quant à elle se veut plus mesurée, mais les deux sont hautement dignes d'intérêt. Et on se prend à regretter en les écoutant que DETENTE n'ait pas eu l'occasion de sortir un second LP...
Quant aux demo tapes de CATALEPSY, on aime ou on aime pas, le chant de Veronica très spécial dépendant en effet des goûts de chacun. Musicalement, ça tourne, le style n'a pas vraiment changé, alternant toujours les bourrasques Thrash avec les aplanissements Heavy, rappelant même par fois le SANCTUARY de Seattle ("Under The Influence").
Cette réédition de Xtreem Music fera bien des heureux. En l'achetant, vous mettrez une portion d'histoire dans votre musette, et cette fois-ci avec son introduction, son développement, et ses conclusions. Impossible de passer à côté de ce merveilleux CD qui mérite sincèrement qu'on ouvre en grand son porte-monnaie. Après tout, ne serait ce que par respect pour une artiste unique ayant tout donné pour sa musique, ou par déférence envers un groupe qui aura contribué à faire tomber des barrières en pratiquant un crossover de génie, vous pouvez bien faire un effort.
A moins que comme ne le hurlait Dawn, vous ne soyez qu'une bande de losers.
Ajouté : Mardi 10 Mars 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 6172
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