Disparus des écrans radar depuis trois ans et la sortie de Récidiviste, les béarnais de MANIGANCE nous reviennent avec un nouveau disque et deux nouveaux membres : Guillaume Rodiguez (batterie) et Stéphane Lacoude (basse) ont remplacé deux musiciens originels, Daniel Pouylau et Marc Duffau. Forts des certitudes acquises au cours d'une belle carrière, ponctuée de cinq albums studio de grande qualité, le groupe avance tranquille, à son rythme, et ne compte rien bouleverser malgré le titre de ce nouvel opus : Volte-Face.

En pratiquement 20 ans, MANIGANCE a maturé un style propre, développé autour de son chant en français qui est un pivot du processus de composition. Les mots sont pesés et choisis pour chanter par eux-mêmes, les allitérations, les rimes, rappellent la richesse de notre langue et la beauté de ses atours. A ce titre, "Planète Zemlya" est un beau modèle, qui ne délivre qu'à mi-mots les secrets de son thème. La corruption, l'hypocrisie, l'environnement, sont des sujets chers au combo et ils sont abordés avec engagement mais avec tact, sans se dévoiler totalement. Particulièrement ancré dans la réalité et l'actualité, "Leader" peut ainsi aussi bien être assimilé aux responsables politiques inconséquents, aux chefs de meutes extrémistes ou aux simples meneurs que l'on suit aveuglément. Didier Delsaux (chant) est une nouvelle fois à créditer de tous les textes, qu'il écrit avec finesse, en plus d'éclabousser le disque de son talent. Une vraie plume, hélas devenue trop rare.

Soucieux de faire sonner les phrases avec esthétique et malice, MANIGANCE n'en sacrifie pas moins l'aspect mélodique de sa musique. Rien n'est négligé. Les refrains sont comme souvent entêtants ("Volte-Face", "Sans Relâche", "Apparence"), mais certains couplets sont encore plus savoureux ("Pur Sang", "Leader") ! Les palois ont en outre profité du renouveau imposé par le changement de line-up pour tenter des choses inédites : on entend ainsi Jean Lahargue (clavier), ancien Death metalleux, pousser quelques growls sur "Le côté sombre" et "Ultime Atome". Deux morceaux assez lourds, le premier mid-tempo avec une jolie touche prog, le second plus speed avec des guitares ultra-présentes. François Merle et Bruno Ramos (guitares) ont toujours l'instinct du riff qui tue, du solo qui étourdit, juste, et intelligemment placé. Leur maîtrise technique leur permet de faire à peu près tout ce qu'ils peuvent imaginer et ils ne s'en privent pas. Cependant, même s'il dégage une vraie maturité, cet album laisse également deviner un certain recyclage et le ressenti général n'est pas franchement impressionnant d'originalité. Mais quand on aime une recette, on n'est pas forcément enclin à la voir changer… On notera la jolie reprise de Murray Head, "Say It Ain't So", réécrite avec quelques lignes en français. Le francophile habite en effet dans la région et leur a élégamment laissés carte blanche pour la réécriture de son méga-hit.

Ne passons pas non plus à côté d'une production solide, équilibrée, œuvre de Jens Bogren et du savoir-faire scandinave. Preuve ultime que pour Volte-Face, le groupe n'a rien voulu laisser au hasard et on ne va pas s'en plaindre. MANIGANCE prouve avec cet album plein de qualités que le groupe reste un pilier de la scène Metal hexagonale. Gageons qu'ils n'attendront pas cette fois trois longues années avant de refaire surface…