TRISTANIA (no) - World of Glass (2001)
Label : Napalm Records
Sortie du Scud : 25 septembre 2001
Pays : Norvège
Genre : Metal Gothique
Type : Norvège
Playtime : 9 Titres - 55 Mins
Le 3e ange sonna de la trompette. Et il tomba du ciel une grande étoile ardente comme un flambeau ; et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est Absinthe ; et le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d'hommes moururent par les eaux parce qu'elles étaient devenues amères. [Apo. 8 :10-11.]
World of Glass, le troisième opus de TRISTANIA, est aussi grisant qu'une première gorgée de cette absinthe qui, sous couvert de l'univers apocalyptique qui l'anime, a donné son nom à l'un des titres phare de l'album ("Wormwood"). Hanté par le thème de la transcendance et ses résonances bibliques, World of Glass porte ainsi aux nues cet imaginaire de l'évanescence qui fait tout le charme de la musique gothique. Non content de prendre dignement le relais de Beyond the Veil, œuvre parfaitement aboutie qui consacra le groupe norvégien sur la scène Goth, le troisième album de la bande nouvellement emmenée par Einar Moen (clavier et composition) après le départ de Morten Veland (parti fonder SIRENIA) est fort d'une musicalité remarquable.
Du point de vue instrumental, basse, batterie et guitare s'accordent sans se déborder sur une rythmique énergique, soutenue par un clavier qui, sans jamais s'imposer, laisse s'envoler la mélodie ; surtout, les violons de Pete Johansen (THE SINS OF THY BELOVED) confèrent à un morceau aussi fin que "Deadlocked" cette tonalité si particulière, faite d'une mélancolie tour à tour froide et aérienne. Sur cette base solide malgré l'impression de fragilité doucereuse qui s'en dégage, aux voix respectivement Death et Black de Ronny Thorsen et du guitariste Anders H. Hidle, répondent le chant clair d'Østen Bergøy et de Jan Kenneth Barkved, au-dessus desquelles planent, avec une douceur d'outre-tombe, les vibrations cristallines de Vibeke Stene. Les voix s'équilibrent ainsi et se rencontrent en toute harmonie, parfois renforcées par des chœurs puissants ("Wormwood", "Wold of Glass") ; mais c'est peut-être dans "Tender trip on earth" qu'elles trouvent l'accord parfait, au fil d'un morceau aussi rythmé que mélancolique, dans lequel voix claires et voix Black se superposent jusqu'à fusionner dans un style aussi traînant que pénétrant.
Le seul reproche que l'on puisse formuler à l'encontre de cet album réside peut-être, précisément, dans cette fascinante variété qui frise cependant avec le manque d'homogénéité. Si l'unité de ton faisait clairement la force des deux premiers albums, Widow's Weeds se distinguant par la cohérence de son architecture tandis que Beyond the Veil brille par son équilibre et par son unisson, World of Glass procède davantage, comme Illumination à sa suite, d'une juxtaposition de morceaux intenses qui semblent déliés les uns des autres. Les titres pleinement gothiques comme "The Shining Path" ou "Deadlocked" cohabitent avec des morceaux d'ambiance sans véritable relief (tels que "Hatred Grows" ou "Crushed Dreams") ainsi qu'avec des titres à forte charge émotionnelle comme l'excellent "Tender trip on earth". Mais surtout, à côté d'un monument tel que "Wormwood" (vraie belle absinthe à boire cul sec sans hésitation), les notes électro de "Lost", qui visent probablement à renforcer l'esprit éthéré et enivrant de l'ensemble, installent une forme de discordance qui, au final, fait soudain sortir l'auditeur de l'atmosphère confortable dans laquelle l'avait plongé des morceaux graves et vigoureux. D'ailleurs, il n'est peut-être pas anodin de remarquer que le titre éponyme "World of Glass" incarne précisément ce décalage, avec ses rythmes efficaces et cette énergie qui porte loin, malheureusement desservis par une intro quelque peu décalée.
Malgré ces quelques semblants de fausses notes, World of Glass reste un très bel ouvrage gothique, robuste et planant à la fois, dont il semble difficile de pouvoir un jour se lasser. Incontestablement, le troisième opus de TRISTANIA nous éclate aux oreilles comme un verre brisé ; à la fois fragile et tranchant, fragmentaire et affuté, il est aussi surprenant qu'un miroir décomposé dont on voudrait briser la glace pour en saisir toute la quintessence.
Bref, une absinthe comme celle-là, on en reprendrait bien un coup.
Ajouté : Mardi 10 Mars 2015 Chroniqueur : Istaria Score : Lien en relation: Tristania Website Hits: 5520
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