ØJNE (it) - Undici/Dodici (2013)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 22 septembre 2013
Pays : Italie
Genre : Screamo Post Punk
Type : EP
Playtime : 5 Titres - 21 Mins
Onze, Douze.
Ok, on va commencer à compter à partir de là. Oublions la première dizaine, après tout, le contexte est suffisamment atypique pour ça.
Voilà encore un groupe qui fait le buzz sur le net et les réseaux sociaux. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire au premier abord, les membres de ØJNE sont italiens, et non norvégiens ou suédois. Voilà, c'est comme ça.
Du buzz donc. Buzz que j'avais soigneusement occulté, d'une part parce que je me méfie du principe, mais aussi parce que ØJNE gravite dans la sphère Emo/Screamo, et que je déteste ça. Je suis honnête, m'en voudriez vous ? Au moins, lorsque je fais l'effort de m'intéresser à un domaine qui ne m'est pas familier, vous pouvez tabler sur une objectivité totale. Ce qui sera le cas ici.
Alors non, ØJNE ne me fera pas retourner ma veste. Mais le contenu de ce premier EP (en version 12'' vinyle) est suffisamment stimulant et inhabituel dans le style pour que j'y consacre quelques signes. Depuis un an, on les a souvent comparé à Raein, ce qui est plus ou moins justifié.
Mais le plus important, c'est l'émotion qui se dégage de ces cinq titres. Oubliez je vous prie toute catégorisation si comme moi, vous êtes hermétiques au Screamo, et envisagez Undici/Dodici comme une jolie tentative Post Rock, ou Post Hardcore si vous préférez. Après tout, la réalité n'en est pas si éloignée que ça.
Undici/Dodici, ce sont des guitares en écho, un chant en arrière plan, déclamant, se plaignant, hurlant, une rythmique qui pose des bases, mais qui reste assez vague pour laisser les sentiments se développer. C'est une production un peu sourde et confinée qui confère à l'ensemble un intimisme précieux et délicat. C'est un mélange d'arpèges doucereux et fragiles, de riffs laminés qui strient l'espace sonore, d'harmonies vocales à la limite de la rupture, de breaks soudains et assourdissants. C'est, en quelque sorte, une introspection dans laquelle chacun peut projeter une partie de lui même, pour s'y reconnaître. Comme un monologue cathartique d'adolescent qui fait le bilan de sa courte vie, et de toutes les souffrances qui pourrissent son quotidien.
Plus prosaïquement, et pour se recentrer sur la musique, on pourrait dire que Undici/Dodici se sert des structures froides et figées du Post Punk/Post Hardcore, pour y insuffler une énorme dose d'émotions tangibles, et c'est cette attitude qui en effet les rapproche de l'Emo. Mais loin des tics insupportables du Screamo, style surpeuplé de groupes qui pensent que hurler un pseudo mal être dans un micro sur fond de gros riffs suffit à transmettre un ressenti de colère, ØJNE reste sincère, et réussit à toucher l'auditeur le plus réfractaire. En l'occurrence, des gens comme moi, qui en ont assez de ces fausses révoltes qui sonnent préfabriquées et taillées sur mesure pour le marché.
Et si ce que je tente de vous expliquer vous paraît encore un peu trop abstrait, engouffrez vous dans cet album, en poussant sa porte d'entrée, "Glasgow". Et de suite, les odeurs de cette grande ville viendront vous chatouiller les naseaux. Ses rues bondées, la misère inhérente à toute métropole, la solitude, et la rage des laissés pour compte. Sur une mélodie hantée, Jacopo C hurle sa détresse et ses revendications, quelles qu'elles soient. Les guitares hésitent entre des notes diffuses et des riffs de béton et d'acier. L'ambiance se veut désolée, ou au contraire investie, investie d'une saine colère.
En à peine cinq minutes, ØJNE vous convaincra, vous séduira, vous emportera.
On retrouve cette patine dans le final, aussi épique et progressif, débutant dans la torpeur de percussions traînantes à peine soulignées par de discrets arpèges, et par une basse sobre. Par moments fugaces, ce calme est interrompu par des fulgurances collectives, puis la quiétude revient, comme un dernier regard lancé par la fenêtre, pour s'assurer que rien ne changera jamais.
Entre temps, le quintette vous aura servi sur un plateau rouillé trois autres compositions, plus courtes, plus concises, mais tout aussi riches. Rideau.
Alors non, je ne me réconcilierai pas avec l'Emo, ni le Screamo. Mais je ne suis pas pour autant borné et stupide, et lorsqu'une émotion me parait crue et réelle, je l'accepte en tant que telle.
Ce fut le cas aujourd'hui, en écoutant le discours de ØJNE.
Onze, Douze.
Il est minuit. Allez vous coucher.
Ajouté : Mercredi 25 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Øjne Website Hits: 5664
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