Premier coup d'œil, premier coup d'éclat : la photo utilisée pour donner vie (si on peut dire ça) à la pochette de T(h)ree me fait immédiatement penser à celle de Solarkult des excellents BLACKLODGE. Le même univers industrialisé donne une froideur de tôle à l'ensemble, et on ne peut qu'espérer secrètement que MINDSLAVED sera aussi fidèle à cet esprit que ses compatriotes de BLACKLODGE. Car oui, eux aussi sont français, même si le rapprochement s'arrêtera donc à une nationalité et un cliché. Ces Tourangeaux avaient d'autres prérogatives, d'autres préoccupations. Il faut désormais en parler au passé puisque le projet s'est arrêté en 2012, laissant derrière lui trois démos (dont celle-ci) et un album, The Self Paragon, dont la relative popularité n'a pas fait énormément de vagues à l'époque. On est justement là pour s'en souvenir.

S'en souvenir et pourquoi pas, évoquer avec un brin de nostalgie les dispositions de cette démo, dont le nom greffe une drôle de note de nature sur un visuel, je l'ai déjà évoqué plus haut, davantage tourné vers le gris des usines et des particules fines. Ce paradoxe, c'est assurément ce que cultive MINDSLAVED. On peut être un groupe de Metalcore (pour donner une idée générale de leur personnalité) et écrire quatre titres qui ne descendent pas sous la barre des sept minutes. Reflet du besoin d'espace nécessaire pour qu'ils puissent s'exprimer, la demi-heure qui compose ce disque n'est finalement pas si pesante puisque ces garçons content une histoire passionnante au travers d'un dédale d'expérimentations, de cassures rythmiques, de déchirements vocaux qui font plutôt de T(h)ree un disque de Post-Hardcore mature et abouti. Ma préférence va à "Blinded", à la fois pour l'intensité du chant et pour cet acharnement mélodico-martial vers 3'20 qui sera en fait le leitmotiv du morceau. On profitera de cette composition plus "expérimentale" que les autres pour apprécier cette soif d'inspiration qu'on retrouve un peu moins sur "Seek For Your Self". Le propre du groupe est de garder l'auditeur en éveil en lui balançant épisodiquement des repères auditifs, qu'il s'agisse d'un riff très métallique ou d'une voix Death, avant de l'emmener sur un autre terrain où le Hardcore chaotique joue avec le feu tel un bambin sans surveillance au bord d'un étang. Colérique, soupe-au-lait, imprévisible, la musique de MINDSLAVED s'étire dans le temps afin de laisser infuser ses arômes complexes. On ira jusqu'à retrouver des notes de Rock Prog dans le break central d' "Ischiopagus", assurément la plus introspective de leurs compositions. Par ricochet, il faut aussi avouer que T(h)ree, aussi personnel soit-il, semble touché de plein fouet par cette mode du Post-Hardcore façon "terre brûlée", pondu par des écorchés vifs qui semblent devoir supporter toute la misère du monde sur leurs frêles épaules. C'est principalement ce côté tourmenté qui me gêne dans ce style musical, et si MINDSLAVED n'a pas encore l'air trop atteint, certains des plans les plus alambiqués de cette démo y reviennent par inadvertance.

Je ne serai absolument pas surpris de savoir que de toutes les propositions faites par ces Tourangeaux, celle-ci puisse être la plus riche et sincère, en dépit de son format qui ne peut pas rivaliser avec celui de The Self Paragon. Ni même d'apprendre que MINDSLAVED vous aura touché en plein cœur. Par contre, je suis sacrément déçu de leur séparation. D'autant plus déçu qu'après un T(h)ree aussi maitrisé que possédé (à l'image du titre éponyme, qui reflète merveilleusement bien l'ambiance de cette démo), on comprend que quand les émotions et la technique ne font qu'un, le mariage célébré sous les nuages pluvieux de cette pochette ne pouvait qu'être heureux.