Les musiciens des pays de la vieille Europe ont de belles langues orphelines et un accent anglais déplorable. Ils sont malheureusement souvent contraints de délaisser les premières au profit du second, espérant ainsi que leur musique dépassera les limites (étroites) de la scène locale. D'aucuns justifient ce choix par le placement de l'accent tonique anglais, le fait que "çà sonne mieux" ou qu'ils ne connaissent que des groupes chantant en anglais... ce qui ne s'applique malheureusement pas au Folk Metal qui puise ses racines dans les contes, légendes et mythes d'une contrée et devrait donc s'exprimer dans la langue du lieu, plus propice à en restituer le climat puisque c'est elle qu'on utilise depuis des siècles dans la musique traditionnelle dont prétend s'inspirer le Folk Metal.

Cette (longue) intro pour dire à quel point je suis frustré à l'écoute du premier effort du groupe hongrois NIBURTA. Cette formation pléthorique de neuf musiciens propose un son éminemment folklorique mais fait le choix discutable de l'anglais pour une bonne moitié de ses morceaux.

Scream From The East est une auto-production très propre avec un beau travail sur le mixage, quoique l'instrumentation Metal ne serve que de fonds sonore aux autres musiciens. Car, oui, les parties Metal de la musique, à savoir le mur rythmique monté par Milan Leindler (drums, percussions) qui touche sa bille à la double pédale, Attila Rab (bass) qui ajoute en profondeur et double les riff de Janos Krieser (guitare), ne servent que de "support sonore" pour le chant et l'instrumentation traditionnelle. Une orchestration Metal efficace mais sans fulgurance sur laquelle évoluent des mélodies d'instrumentation traditionnelle, des choeurs masculins et féminins.

Les morceaux qui ne réunissent que ces ingrédients sont les meilleurs du skeud et offrent une palette d'expériences variées: mystique dans "The Descent", enjouée dans "Nas ès Hold" et "Sto Imala Kasmet", envoutante dans "Forebears dance". Les mélodies traditionnelles sont d'une beauté et d'une poésie ensorcelantes et les chanteuses sont très doués et dans le ton. Les chants féminins développent un climat légendaire et mythologique qui ne ferait pas tâche dans la bande son du Seigneur des Anneaux !

Les autres morceaux souffrent de deux défauts, le premier c'est que les interprètes masculins ne sont pas aussi doués que les femmes. Ils chantent essentiellement en screaming et en growl et leur technique laisse à désirer. Et puis l'accent anglais, y a vraiment un gros problème. C'est ainsi que "Balkanic Heart" propose des choeurs féminins éblouissants de justesse mais une partie masculine (chants et choeur) éprouvante. Idem pour "Dance of Satyrs" où après une chouette intro à la viole doublée d'un gros riff trapu et d'une double pédale en folie, des couplets hurlés et des refrains growlés viennent tout mettre à plat. L'apogée est atteinte avec "Awakening" qui se termine par trois petits cris growlés. On dirait un aboiement de rotweiller enrhumé...

Dommage je vous dis, car l'opus est bien construit, le dosage Folk / Metal est cohérent, l'un étant au service de l'autre. Les voix féminines sont très belles et les interprètes savent chanter, ce qui n'est manifestement pas le cas des hommes qui semblent cacher les approximations de leur voix derrières ces hurlements foireux.

Scream for the East est un bon album de ce genre et l'une des trop rares occasion d'entendre chanter dans cette si belle langue qu'est le hongrois. Si je ne jugeais que les instrumentales et les chansons en hongrois, je mettrais à ce premier album un 8/10 d'encouragement, mais voila... le reste aussi fait partie du méfait. Et vu l'évolution du groupe sur son dernier EP, ReSet, c'est plutôt le growl et l'anglais que privilégient nos Magyars.