LOUDBLAST (FRA) - Stéphane Buriez et Hervé Coquerel (Fév-2014)
A l'aube de la sortie de leur nouvel album et au début d'une tournée mémorable en compagnie de leurs frères d'armes de BENIGHTED, une interview avec LOUDBLAST s'annonçait nécessaire. Rencontrer Stéphane Buriez, cette figure intemporelle de la scène française, et son pote Hervé dans leur tour bus et pouvoir discuter avec eux, c'est tout simplement avoir une discussion fascinante avec ceux qui ont vu naître cette scène. Deux hommes souriants, humbles, toujours aussi enclins à parler de leur groupe qui, au fil des années, est devenu la référence française. En passant par la sortie d'un album dont les messieurs ne sont pas peu fiers et par le regard qu'ils portent sur leur carrière, Stéphane et Hervé livrent ici un témoignage d'une honnêteté et d'une humanité exemplaires. Messieurs, c'est à vous !
Line-up : Stéphane Buriez (chant et guitare), Hervé Coquerel (batterie), Alex Lenormand (basse) , Drakhian (guitare)
Discographie : Licensed To Thrash (Album - 1987), Sensorial Treatment (Album - 1989), Disincarnate (Album - 1991), Sublime Dementia (Album - 1993), Cross The Threshold (EP - 1994), The Time Keeper (Live - 1997), Fragments (Album - 1998), A Taste Of Death (Best Of - 1999), Planet Pandemonium (Album - 2004), Loud, Live And Heavy ! (Live - 2009), Frozen Moments Between Life And Death (Album - 2011), Burial Ground (Album - 2014)
M-I Interviews du groupe : Stéphane Buriez (Juin-2009), Stéphane Buriez et Hervé Coquerel (Fév-2014)
Metal-Impact. Vous n'en êtes qu'au début, la deuxième date ce soir, mais comment se passe la tournée avec BENIGHTED pour le moment, et comment est né ce projet ?
Stéphane Buriez. Tout simplement, on correspondait, on se connaît bien. Et on s'est dit que si il y'avait une tournée à faire qui serait vraiment fédératrice, et une vraie partie de plaisir pour nos groupes respectifs, c'était celle-ci. Par fédératrice, j'entends que ça ratisse vraiment large en terme d'audience : BENIGHTED, c'est les "jeunes" du moment en quelque sorte, et LOUDBLAST est installé depuis bien plus longtemps. Ce qui est cool également, c'est sur des dates de la tournée, on se retrouve à partager l'affiche avec des groupes de différents horizons, et de différentes époques, MERCYLESS et THE WALKING DEAD ORCHESTRA par exemple. Et cet esprit de se retrouver entre groupe français pour la faire la fête, c'est plutôt cool. La première date hier soir au Brise Glace à Annecy s'est super bien passée, les mecs de BENIGHTED sont très sympas, l'ambiance est plutôt festive.
MI. Ça risque d'être épuisant non ? (Rires)
Stéphane. On va faire attention, promis (Rires) ! C'est vrai qu'on aime bien tous faire la fête, mais nous n'oublions pas de faire en sorte de rester évidemment en forme pour les concerts. Quoi qu'il en soit, on dressera un bilan à la fin de la tournée, mais tout s'annonce positif ! Pour notre part, on commence à faire la promo de notre album qui est à venir dans deux mois. On est tous à bloc, et en forme... Quoique, je te dirais ça dans dix-sept jours (rires) !
MI. Exceptés le titre "The Abstract God", mis en ligne il y'a déjà plusieurs mois, et quelques vidéos filmées en studio, très peu d'infos ont filtré quant au nouvel album dont tu parlais. Peux-tu nous en dire plus par rapport à ce disque ?
Stéphane. L'album s'appelle Burial Ground. On joue trois morceaux sur la tournée pour le moment, peut-être quatre, on n'est pas encore vraiment fixé. Nous avons terminé le mastering la semaine dernière, et ça a été mixé par Francis Caste au début du mois de février. L'album sort chez Listenable Records. Nous étions chez XIII Bis pour Frozen Moments Between Life And Death, mais malheureusement, le label n'existe plus. Le deal avec Listenable, c'est vraiment le bon plan pour nous. Car on voulait une distribution internationale et être signés sur un vrai label de Metal. C'est un label qui a fait ses preuves, qui ratisse très large dans son catalogue. Ils ont une très bonne distribution dans le monde et ils savent de quoi ils parlent. Quand on leur a envoyé l'album, ils ont dit banco direct. On va pouvoir bénéficier d'une bonne promo et d'une bonne visibilité pour cet album.
Hervé Coquerel. Ca nous faisait également plaisir de ne pas être considérés comme "un groupe de plus". Ça arrive souvent de rejoindre un label et de te retrouver noyé dans la masse d'une écurie de groupes. Là, on est la priorité du label, ce qui est pour le moins encourageant pour la suite.
Stéphane. On a signé pour un album et deux options avec Listenable, et du coup, on a choisi d'enregistrer un live sur cette tournée... Stay tuned !
MI. Toujours par rapport au morceau déjà sorti, l'orientation de ce titre m'a paru plus lourd, plus groovy mais également plus Thrash que ce à quoi vous nous aviez habitué. Est-ce que tout l'album sera sur ce ton ? Et comment définirais-tu la musique de LOUDBLAST au jour d'aujourd'hui ?
Stéphane. Regarde, je vais te montrer un truc. C'est la couverture de l'album, personne ne l'a encore vu, et je trouve qu'elle résume parfaitement l'album.
Hervé. Globalement, tu vois à quoi ressemblent nos couvertures d'albums ?
MI. Oui.
Hervé. Tu risques d'être un peu surpris alors.
Stéphane. Voilà, tout est dit. (Ndi : Stéphane me montre sur l'iPad à côté de lui un artwork aux couleurs extrêmement sombres, où le noir/gris est dominant, avec un personnage énigmatique tirant la langue au centre du dessin).
MI. Vous n'aviez jamais rien fait d'aussi sombre, limite malsain...
Stéphane. Tu as tout compris. L'album tape vraiment dans ce côté-là.
MI. La faute à l'influence Black Metal de votre guitariste ? (Ndi : Drakhian, second guitariste du groupe, joue notamment avec BLACK DEMENTIA et GRIFFAR. De plus, il a été guitariste live pour TAAKE).
Stéphane. De nos deux guitaristes, je dirais (rires). Du Black Metal, on en écoute tous. Cet album, tout le monde s'est impliqué dedans, surtout Alex (ndlr : Lenormand, bassiste). On a travaillé complètement différemment que pour le dernier album où Drakhian et Alex venaient d'arriver dans le groupe. Tout le processus de composition, ou même la façon dont on s'y est pris, tout a été vraiment différent de ce que l'on avait pu faire par le passé. Je pense que nous sommes parvenus à synthétiser au mieux ce que tout le monde dans le groupe cherchait, et c'est pour ça que Burial Ground va sans doute faire date dans notre carrière. Mais que tout le monde se rassure : ça reste du LOUDBLAST. Généralement, quand tu sors un album, c'est rare que l'on te dise que c'est super, qu'il n'y a rien à redire, etc... Mais là, on est tous tellement fiers et satisfaits de cet album qu'en toute honnêteté, je ne vois pas ce que l'on pourra lui reprocher. Sans prétention aucune, à nos yeux, il n'y a pas de morceaux ou de riff "poubelle".
MI. Un peu plus intime comme question. Comment fais-tu pour conserver ta grosse voix après toutes ces années ?
Stéphane. Eh bin... La drogue ! (Rires) Plus sérieusement, déjà, je ne fume pas. Enfin, je ne fume plus depuis très longtemps déjà. Mais c'est du travail, ça s'entretient. Quand j'ai maquetté les morceaux pour l'album par exemple, j'avais carte blanche, j'ai fait ce que je voulais.
Hervé. Oui oui, c'est vrai.
Stéphane. J'ai même été encouragé par mes chers collègues à essayer des choses que je n'avais jamais faites auparavant.
Hervé. (prenant la grosse voix) "Mais putain, pourquoi tu fais pas ça ? Tu sais le faire !" (Rires)
Stéphane. Avant, j'étais rentré dans un genre de routine, je ne voulais faire que ce dont j'étais sûr. Tu verras, il y'a des passages vraiment "evil"...
MI. Tu t'es mis au chant Black Metal hurlé ?
Stéphane. Peut-être pas non plus, on ne peut pas bouffer à tous les râteliers. Mais en tout cas, je l'affirme et le dit haut et fort : Burial Ground est le disque que j'ai le mieux chanté. Ca ne serait pas notre identité, ça ne rimerait à rien.
MI. En t'entendant, on pourrait considérer cet album comme un aboutissement pour LOUDBLAST...
Stéphane. Comme je te le disais, cet album va faire date dans notre carrière. C'est sans aucun doute le meilleur album de LOUDBLAST depuis Sublime Dementia. Tous les retours que nous avons pu avoir pour le moment sont élogieux, et nous prouvent qu'on a bien fait de prendre cette direction. On remet l'ouvrage sur le métier à chaque fois, on a vachement répété avant d'entrer en studio, on voulait tout peaufiner au maximum, et être surs de notre coup.
MI. Tu es extrêmement impliqué dans la scène française, déjà avec LOUDBLAST, mais tu es également animateur pour l'émission Une Dose 2 Metal, tu joues avec LE BAL DES ENRAGES, tu es producteur... En quoi est-ce important pour toi de rester présent et actif dans ce milieu ?
Stéphane. Ce n'est pas "important" que je reste là, il y'aura toujours des gars pour dire que je suis un connard et que ce que je fais, c'est de la merde. Ce qui m'importe, c'est déjà parce que j'aime faire ça, pas pour que l'on voie ma tronche partout. C'est égoïste de dire ça mais bon...
MI. Oui, je comprends. Mais la musique, c'est devenu ton métier...
Stéphane. Evidemment, c'est mon métier depuis longtemps, j'ai arrêté mes études pour LOUDBLAST. Ca va faire vingt-cinq ans que je vis de ça, et que je ne fais rien d'autre que de la musique mec ! Les autres choses à côté, comme la production, ou encore l'émission... Tout ça, j'ai une chance incroyable de le vivre. J'ai de la chance, mais je travaille énormément. Je peux te dire que mes heures, je ne les compte pas et que des jours de repos, je n'en prends pas souvent.
Hervé. Il faudra quand même qu'on en prenne après la tournée (rires) !
Stéphane. On reste tous hyper impliqués, Hervé joue dans BLACK BOMB A, Drakhian, on en parlait tout à l'heure, a pas mal de projets en parallèle, etc... Mais bon, il faut rester cohérent dans ton discours. Je ne vais pas commencer à faire des inaugurations, ou je ne sais quoi. Donc oui, je suis impliqué dans la scène Metal, mais il ne faut pas oublier que LOUDBLAST a été le premier groupe de Thrash/Death français à sortir un album. Quand on a commencé en 1985, on était tous de lycéens de dix-sept balais qui faisaient leur truc simplement, on ne savait pas qu'on en serait là maintenant.
MI. Tu pensais que ce serait possible que LOUDBLAST devienne ce qu'il est ?
Stéphane. Non, absolument pas ! On vivait cela comme une passion, un passe-temps.
Hervé. C'est compliqué à dire... Quand tu deviens fan de cette musique, tu t'identifies aux "héros", en gros. Tu rêves secrètement d'être comme eux, mais en même temps, tu te dis que ça ne t'arrivera jamais. Tu montes des petits groupes entre copains, tu bosses,... Après, il y'a toujours un facteur qui peut faire qu'il se passe quelque chose ou pas : la rencontre qui va bien, ce genre de trucs. Mais quoi qu'il en soit, si tu ne travailles pas, tu n'y arrives pas.
Stéphane. Avant d'avoir de beaux tours bus, on a fait aussi des tournées dans des camions pourris tu vois... C'est plutôt agréable de voir que notre travail a porté ses fruits. Quand on était gosses, on voulait être comme SLAYER, comme METALLICA.
MI. Justement, à quel moment vous êtes vous rendus compte que LOUDBLAST était devenu quelque chose de plus important que ce que vous aviez pu imaginer ?
Stéphane. Dans les années 90, il s'est vraiment passé beaucoup de choses pour nous. Je me souviens de quelque chose, tu n'étais pas encore rentré dans le groupe (s'adressant à Hervé). Juste après notre tournée avec CANNIBAL CORPSE, quand on est rentré en France, après qu'on ait tourné ailleurs que chez nous donc, la perception que le public français pouvait avoir du groupe avait vraiment changé. C'est à partir de ce moment là, où nous avons réussi à faire parler de nous ailleurs qu'en France, que nous nous sommes rendu compte que le groupe devenait quelque chose d'autre, lorsque LOUDBLAST a commencé à remplir les salles. Il faut savoir que l'on n'est jamais prophète dans son pays. L'exemple bateau, mais tu prends un groupe comme GOJIRA, il a fallu attendre que ça cartonne à l'étranger pour qu'ils se fassent réellement un nom en France.
MI. Qu'est-ce que vous pensez de la scène en France actuellement ? En France, ou même à l'étranger.
Stéphane. GHOST ! J'adore GHOST, vraiment.
Hervé. Honnêtement, je ne suis pas trop la scène moderne. J'en écoute un peu, grâce à Stéphane. Donc oui, effectivement, GHOST, même si je me suis rapidement un peu lassé. WATAIN également, c'est assez exceptionnel.
Stéphane. J'écoute tellement de trucs... Là, tout de suite, la dernière grosse claque que je me suis prise et qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est le dernier CARCASS. Vraiment génial. Les derniers MOTORHEAD et AMON AMARTH, aussi. En France, franchement, le dernier BENIGHTED, gros coup de cœur !
MI. Hervé, ton implication dans BLACK BOMB A ne pose pas de soucis d'emplois du temps par rapport à LOUDBLAST ?
Hervé. On essaye de gérer ça au mieux. Beaucoup de choses sont facilitées par le fait que les deux groupes soient chez le même tourneur. Mais bon, aussi bien dans un groupe que dans l'autre, j'ai déjà dû me faire remplacer. Quand deux groupes tournent en même temps à peu près de la même manière, il arrive que des doublons arrivent.
MI. LOUDBLAST est, tu le disais tout à l'heure, le premier groupe de Metal Extrême notable en France. Comment assumez-vous ce statut, après quasiment trente années d'existence ?
Stéphane. Ca fait mal au dos (rires) !
Hervé. Bon sang, trente ans... Ca paraît tellement loin !
Stéphane. C'est absolument génial d'être encore là, jamais on n'a pensé qu'on serait encore en train de jouer du Death Metal lorsque l'on aurait 40, 50 ans. Nos héros, c'est les METALLICA, SLAYER, TESTAMENT,... Les mecs, ils sont plus vieux que nous, ils nous ont influencé lorsqu'on était gamins, on voulait être comme eux. Je pense, et j'espère, qu'on a suscité des vocations nous aussi. On ne veut pas être là pour être paternalistes, et dire que sans nous, rien ne se serait passé. Mais je pense que l'on a quand même contribué à ce qu'une scène française existe.
MI. Cet été, vous serez au Hellfest, dont vous n'avez pas foulé les planches depuis 2010. Comment est-ce que vous abordez les gros concerts, les festivals ?
Hervé. Même si ce n'est pas ça, il faut essayer de le prendre comme un concert normal. Ce n'est pas un concert normal lorsque tu te retrouves à jouer au Hellfest, ou au Brutal Assault. Il y'a quelque chose d'un peu plus électrique.
MI. Vos dernières setlists puisent dans pas mal d'albums de votre discographie. Avec du recul, quel est votre album favori de LOUDBLAST ?
Stéphane. Burial Ground ! (rires)
MI. Ce n'est pas ce que tous les musiciens disent, lorsqu'ils sortent un disque ? "C'est notre dernier mon préféré !"
Stéphane. Non... Enfin, je n'en sais rien (rires) !
Hervé. De cœur, je vais te répondre Sublime Dementia, vu que c'est mon premier album avec le groupe.
Stéphane. Oui, moi aussi, je pense. Ce qui est vraiment génial, dans l'ensemble de notre discographie, c'est que vu que nous sommes parvenus à évoluer au fil du temps, aujourd'hui, notre audience ratisse vraiment très large. Il y'a quelque chose de magique dans le fait de voir des jeunes de 17, 18 ans et des mecs de 40 balais se rendre à nos concerts. C'est génial que l'on soit parvenu, ces dernières années, à continuer à fédérer ces personnes qui nous ont découvert lorsqu'ils étaient ados, et qui nous suivent encore aujourd'hui. C'est un peu comme Tintin quoi... De 7 à 77 ans (rires) !
MI. Ma question préférée pour la fin. Vos cinq albums cultes !
Stéphane. Hellawaits de SLAYER, Killers d'IRON MAIDEN, Kill ‘em All et Master Of Puppets de METALLICA et... Rah putain, que c'est dur... et Assault Attack, de MICHAEL SCHENKER.
Hervé. Wish You Were Here de PINK FLOYD, Back In Black...
Stéphane. C'est AC/DC ça, non ?
Hervé. Oui, il me semble (rires) ! Ensuite, Come On And Get It de WHITESNAKE. Et METALLICA, mais bon, c'est franchement dur d'en choisir un...
Stéphane. On a oublié VENOM !
Hervé. Ouais ! Welcome To Hell, Black Metal La base quoi. Et toute la discographie de DEEP PURPLE.
MI. Ca fait plus de cinq... (rires) !
Hervé. Dix à la limite, mais cinq c'est dur, tu es fou toi !
Stéphane. Merde, et moi j'ai oublié MORBID ANGEL ! Je dirais Blessed Are The Sick.
Hervé. Toi, tu as oublié MORBID ANGEL ?
Stéphane. Mais oui, et DEATH aussi... Tu vois, j'ai commencé à écouter du Hard Rock lorsque j'étais gamin, à 7 ans. J'avais la chance d'avoir des frangins qui s'y connaissaient bien. On a grandi et vécu avec cette musique là ! Et lorsque tu ratisses quarante années d'écoute de cette musique, en garder seulement cinq albums, c'est impossible.
MI. Un grand merci à vous deux, nous avons fini. Le mot de la fin, il est pour vous.
Stéphane. Merci, merci à toi et à ton webzine. Et sinon... Burial Ground, le 28 avril. On espère que vous vous prendrez une belle claque dans la gueule !
Hervé. Merci beaucoup !
Ajouté : Dimanche 28 Septembre 2014 Intervieweur : Hizia Lien en relation: Loudblast Website Hits: 18689
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