ANAAL NATHRAKH (uk) - Desideratum (2014)
Label : Metal Blade Records
Sortie du Scud : 28 octobre 2014
Pays : Angleterre
Genre : Black Metal industriel
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 41 Mins
Il y a des artistes qui ne parlent que d'amour, des groupes qui souhaitent donner un peu de bonheur aux gens, d'autres leur offrir une vision objective de l'état du monde et de la société, et puis il y a les cas à part. Ceux qui ne désirent qu'une seule chose, effrayer, terroriser, comme si chaque jour était un Halloween qu'il convenait de célébrer à grands rictus d'horreur, de coups de hache dans les portes, et de blagues de mauvais goût traumatisant les enfants.
C'est un choix, et bien fait, ça peut marcher. Alors bien sur, il y a plusieurs options. On peut verser dans le grand guignol un peu paillard, comme Alice COOPER (des années 70 s'entend), dans la provocation cheap et facile avec cours de maquillage dégoulinant comme MARILYN MANSON, se déguiser et dégager un max d'ambiance de cirque à la NOTRE DAME, ou, finalement, y croire à fond, refuser le barnum et faire VRAIMENT peur, comme certaines entités industrielles, gothiques ou alternatives. Shock horror versus reality? C'est une question épineuse. Et je ne suis pas sur que ANAAL NATHRAKH y apporte une réponse claire.
Fondé à la fin des 90's comme une réelle combinaison Black inspirée des grands jours, ANAAL NATHRAKH est un duo anglais composé de Mick Kenney (Guitare, basse, programmation) et David Hunt/V.I.T.R.I.O.L (Chant). Au fil du temps les deux hommes sont passés d'une base rauque et originelle à un produit Electro/Black grandiloquent, qui évoque aujourd'hui les dérives les moins analogiques de David Vincent et ses potes, mais un David Vincent légèrement agacé que ses voisins de BERZERKER fassent plus de bruit que lui. Gagnant au travers du temps de plus en plus de fans, parfois fameux (Attila Csihar, Shane Embury, Nick Barker, d'autres suivent mais sont plus timides), ils se sont imposés sur la durée, et après sept albums et un EP, ils peuvent maintenant se satisfaire d'une formule éprouvée et acclamée, puisque leurs oeuvres se retrouvent régulièrement en tête des palmarès annuels.
Desideratum vous aidera sans doute, en partie, à comprendre pourquoi. Extrêmement puissante, versatile, leur musique est assurément unique dans sa démarche, et juxtapose le Black de tradition très travaillé, les arrangements électroniques qui tombent toujours pile quand il faut, les tempi hardcore qui décoiffent, pour au final trouver un équilibre qui rend sa définition très difficile...
Est ce encore du Black ? Si oui, est il d'une nouvelle optique ? Et si non ? Et bien si non, ça ne pose pas vraiment de problème, on peut procéder autrement.
Voyons. Si la dernière livraison des deux furieux ne laissait aucune place au doute, celle ci enfonce encore un peu plus le clou, appuie encore plus fort là ou ça fait mal, pour au final nous proposer une sorte de symphonie de l'extrême, incroyablement efficace et bien produite.
Si vous connaissez les lascars, vous comprendrez de suite. Si tel n'est pas le cas, je peux essayer de brosser un portrait assez fidèle de ce qui vous attend sur ce nouvel album.
A travers Desideratum, le reflet hideux de ANAAL NATHRAKH prend des airs de pendant négatif/nihiliste du Devin Townsend le plus barge. Ils parviennent sur ce disque à construire un pont reliant trois îles, celle habitée par un EMPEROR, aux atours vraiment riches et luxuriants, celle de BERZERKER, joyeux foutoir constellé de vieilles cabanes en ruines et de complexes industriels flambants neufs, et une dernière, sur laquelle cohabiteraient THE CNK et DOCTOR LIVINGSTONE, aux chemins tortueux, parfois larges et disposant d'une flore exubérante, parfois étroits et effrayants, envahis de ronces et autres buissons piquants.
J'ai pensé que si le City de STRAPPING YOUNG LAD avait poussé les choses à leur paroxysme, le résultat n'eut été pas vraiment différent. Car sur ce nouvel LP, ANAAL NATHRAKH devient une machine aux rouages parfaitement huilés, qui passe la vitesse Black en appuyant sur l'embrayage Indus, tout en gardant des pignons Hardcore bien entretenus.
En détail, Desideratum est admirable de perfection. Globalement, c'est un choc frontal énorme dont il est très difficile de se remettre, tant la variété des choix se coule dans une fonte cohérente de bout en bout. C'est bien sûr une tentative sombre, sur laquelle les variations Black dominent, mais à force d'être intégrées à d'autres composantes, elles prennent une autre forme, encore plus imposante. Les blast dominent aussi la rythmique électronique, mais le tempo varie si souvent que la sensation de tourbillon incessant l'emporte sur l'équilibre pourtant parfait, soupesé par le duo avec attention.
"Monstrum in Animo" en est d'ailleurs un parfait exemple. Oscillant sans cesse entre le Black le plus ténébreux, l'Indus discret mais bien présent, ce morceau accumule les parties asymétriques pour proposer un refrain mélodique accompagné d'un solo parfait, le tout explosé par une rythmique dynamitée. Breaks Heavy, segments pompeux (dans le bon sens du terme), le tout géré en à peine quatre minutes laisse sans voix. Si la volonté du groupe était d'illustrer l'état chaotique de la pensée après une déflagration gigantesque, le but est atteint. Et je crois que le tout était joué à dessein...
Mais certaines choses surprennent, comme ce "Sub Specie Aeterni (Of Maggots And Humanity)", qui se joue du Punk pour l'intégrer à une claque/massue si lourde et percutante qu'elle vous arrache ce qui vous reste de tête. Accélérations soudaines, hurlements sortant de nulle part, tout est fait pour vous perdre dans l'illogisme de la crainte, alors même que les créateurs s'amusent de votre désorientation.
Comme je le disais, certains artistes ne veulent voir que le côté positif de l'existence. D'autres au contraire, se délectent de ses recoins les plus sombres, de ces accidents qui plombent une vie en quelques secondes, de cette fin qu'ils sentent de plus en plus proche, et dont ils se délectent d'avance. Si depuis sa création, l'hydre à deux têtes ANAAL NATHRAKH avait encore de quoi peaufiner la fête apocalyptique célébrant la fin de l'humanité, je pense qu'avec Desideratum ils sont parvenus à leurs fins.
Le banquet va être misanthropique évidemment, et se finira dans un rire tonitruant déchirant le ciel en feu. Comme une explosion intense, provocant une souffrance énorme dans vos oreilles, ce qui sera aussi le cas en attendant cette conclusion, lorsque vous écouterez cet album.
Ajouté : Vendredi 06 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Anaal Nathrakh Website Hits: 6874
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