DEVIN TOWNSEND (ca) - Z² (2014)
Label : HevyDevy Records
Sortie du Scud : 27 octobre 2014
Pays : Canada
Genre : Metal
Type : Album
Playtime : 23 Titres - 118 Mins
Sept ans que les fans de Devin attendaient cet album... Sept ans depuis Ziltoïd, The Omniscient... Une annonce en 2009, comme quoi il travaillait sur une suite, une fausse émission de télé/radio, des conférences de presse à l'époque qui le rendaient mal à l'aise (on se souvient de son visage crispé, et de la façon dont il avait préféré disparaître derrière sa marionnette), beaucoup d'espoir, mais finalement il est là...Alors bien sur, il n'est pas arrivé comme ça... Chose rare avec Devin, c'est un album qui a demandé du temps, beaucoup de temps.
Lui qui annonçait d'ailleurs "avoir plus d'idées que de temps", à fini par le trouver pour pouvoir nous raconter la suite des pérégrinations de cet extra-pas-trop-terrestre caféinomane, évoluant dans la galaxie comme Devin dans son univers musical...
Quel parallèle intéressant. Un double, un alter ego ? Comment savoir avec Devin ! Mais je crois qu'il est inutile de chercher à disséquer chacun de ses travaux - ce que j'avais tendance à faire, avec trop d'emphase je dois l'admettre - il suffit juste de mettre le CD dans la platine, d'écouter, et d'apprécier ce que le Canadien fantasque a à nous offrir. De la musique, et excellente de surcroît.
Quelques précisions utiles. Z2, outre son rôle de second volume, justifie son numéro par sa durée. C'est en effet un double album, soit deux heures de musique, pour deux disques, de deux entités différentes, produites par le même homme. 2+2+2 = 1, le genre d'équation que l'animal affectionne. La première est constituée de morceaux du Devin Townsend Project, et la deuxième du second tome des aventures de Ziltoïd. Vous avez donc le choix, et si seules ces dernières vous concernent, jetez vous sur Dark Matters, la seconde rondelle, qui saura vous contenter.
Bien sur, si vous êtes fan de Devin "toutcourt" Townsend, vous écouterez d'abord la première. Et vous aurez raison, bien sur.
Sky Blue, douze morceaux, une heure de musique, n'est rien de moins qu'un résumé parfait de la carrière de son compositeur, et une suite logique à Epicloud, sorti il y a maintenant deux ans. Il faut bien sur se focaliser sur son travail "en solo", bien que ce concept soit assez flou dans le cas de Devin, puisque chaque groupe ou projet personnel porte la patte de son auteur uniquement. Inutile de chercher des réminiscences de STRAPPING sur ce premier CD, il n'y en a pas. Replongez vous plutôt dans sa tétralogie addictive, et plus spécialement les deux premiers volets.
On retrouve aux commandes le maestro bien sur, épaulé de Ryan Van Poederooyen à la batterie, de Dave Young à la guitare et aux claviers, de Brian Waddell à la basse, et bien sur, de la splendide Anneke van Giersbergen au chant et aux choeurs. Pas de grosse surprise dans le tracklisting, toutes les composantes majeures sont là, l'ambiance est apaisée la plupart du temps, les lignes de chant oscillent entre la puissance et la délicatesse, et les voix de Devin et Anneke se marient toujours aussi bien. Il m'a quand même fallu un peu de temps, et plusieurs écoutes je dois l'avouer, pour apprécier la première partie de cette première partie. Je notais à l'instant l'absence de grosse surprise, et les six premiers titres en sont une preuve manifeste. C'est du Devin, donc évidemment rien à redire, richesse des arrangements, production énorme, mélodies travaillées, mais on attend la flamme qui fait basculer le très bon dans l'excellent jusqu'à "Sky Blue", une des chansons les plus atypiques du lot.
Lorsque enfin Devin se veut plus Pop, il nous offre sur un plateau cette superbe chanson sublimée par les intonations éthérées d'Anneke, qui n'est rien de moins que le point de départ d'une seconde moitié bien plus attachante. Et juste après cette sucrerie délicieuse, jaillit de nulle part ce que je considère comme le haut fait de ce premier disque, le gigantesque "Silent Militia", qui combine la douceur séduisante de la belle rousse et les attaques rythmiques diaboliques du malicieux chauve. Véritable feu d'artifice condensé en un peu plus de quatre minutes, reposant sur un riff saccadé tonitruant, c'est un des meilleurs morceaux que Devin a pu nous offrir, au moins depuis "Bad Devil". Entraînant, ludique, entêtant, en gros, la marque de fabrique du lutin terrien, capable de créer des ambiances presque palpables tant on a le sentiment d'entendre un bataillon belliqueux débarquer.
A partir de là, on frôle la perfection, comme d'habitude, et on la touche du bout des doigts parfois. Elle se manifeste d'abord par le truchement du lumineux "Rain City", sorte de Pop Metal progressive qui assemble et déconstruit les harmonies avec un brio énorme, et qui fait flotter comme un délicieux parfum d'écume Ocean Machine dans la pièce. Une fois de plus, la magie Townsend/Van Giersbergen fonctionne totalement, au point qu'on a souvent le sentiment d'écouter un couple irréel et céleste en pleine conversation amoureuse. Magique...
Le cristallin "Forever" aurait eu sa place légitime sur Ghost, tant il en évoque les sonorités et sonne comme la rencontre entre "Blackberry" et le son global de Ki.
Et qui d'autre que Devin serait capable d'accoucher d'un monstre comme "Before We Die", symphonie incroyable, tapissée d'arrangements vocaux purs comme le cristal, propulsés dans le ciel par une nappe de guitares en fusion ? Et ceci enrobé dans une mélodie belle à pleurer qui s'étale sur plus de huit minutes sans jamais lasser une seule seconde ? Je comprends qu'il déteste qu'on le considère comme un génie, mais comment penser à autre chose lorsqu'on entend un truc pareil... Surtout lorsque son outro s'évapore dans une petite messe de deux minutes et quelques qui permet à Anneke et Devin de nous charmer quelques secondes de plus...
Evidemment, le reste n'est pas tout à l'avenant. Je me positionne en fan, et je m'oriente vers mes préférences. Mais cela ne veut pas dire que je considère les six premiers morceaux comme portion congrue. L'ouverture de "Rejoice" est convaincante, "A New Reign" est un excellent exemple d'hybridation New Age Metal, "Universal Flame" déborde d'une énergie juvénile, et "Warrior" est presque trop Métal pour son propre bien...
Ainsi s'achève la première partie, mais attention à vous... Le rideau se lève ensuite, et le véritable spectacle commence !
Il y a sept ans, Devin nous avait laissé sur quelques commandes de café... Qu'allait-il advenir de notre petite créature verdâtre préférée à l'humour potache ? La réponse vous en sera donnée sur ce second CD, aux antipodes du premier, faisant la part belle aux ambiances grandiloquentes, aux arrangements luxuriants, dignes d'une super production cinématographique, qui devrait d'ailleurs bientôt voir le jour en live...
Z2 commence donc vraiment dès le tonitruant morceau d'ouverture éponyme, aux structures vocales multiples et au riff gigantesque. Celui ci place d'emblée le débat sur le terrain narratif au second degré, et peut s'envisager avec sa suite "From Sleep Awake " comme une grande pièce de six minutes destinée à réintroduire le conte. Et quel conteur que Devin... On retrouve bien sur Anneke aux avant postes, Dev pas très loin derrière, et les multiples voix des personnages.
A ce sujet, accueillons dans l'histoire deux petits nouveaux, le casting ayant intégré la fantasque Dominique Lenore Persi des STOLEN BABIES dans le rôle de la War Princess ainsi que Chris Jericho (Catcheur et chanteur de Fozzy) dans celui du Captain Spectacular. Les deux s'en donnent bien sur à coeur joie, avec une mention spéciale pour Dominique, toujours aussi volubile, expressive et délirante.
N'ayons pas peur des mots. Si le premier volume de Ziltoïd était un maelstrom d'idées délirantes, une fournaise créative digne d'un space opéra vraiment secoué, Z2 l'enterre pour toujours, et nous explose dans la stratosphère avec les chansons les plus exubérantes que Devin a composées. Sorte de cartoon à la Tex Avery introduit dans un univers débridé digne du Starcrash d'anthologie, Z2 ose tout, revisite tout l'univers du Canadien en un seul album, et ose des allusions à STRAPPING YOUNG LAD, OCEAN MACHINE, tout en ne ressemblant à aucun de ces projets.
Dès "Ziltoidian Empire", vous êtes priés de laisser votre raison et votre mesure de côté, et de vous laisser embarquer dans un torrent de musique comme on en a rarement entendu, même chez Devin. Après une courte intro planante dominée par la voix aérienne d'Anneke, la narration démarre sur les chapeaux de roue, les choeurs se démultiplient, avant une soudaine accélération à la Gene Hoglan, et il n'y a plus rien à faire... Les interventions vocales sortent de partout, la structure du morceau se laisse porter par l'histoire, les personnages prennent vie, et c'est comme si le décor de la pièce dans laquelle vous écoutez l'album s'ouvrait sur un espace temps différent... Quelques riffs Metal plus loin, une rythmique alambiquée de plus et surgit enfin la "War Princess" qu'on se plaît à imaginer magnifique et intrigante.
Une fois de plus Devin arrive à créer une véritable ambiance qui colle totalement à l'esprit du morceau, avec ce Heavy lourd et menaçant annonçant l'arrivée de la princesse de la guerre. Toute la chanson suit la même ligne conductrice, mais subrepticement, les choeurs prennent plus de volume, la batterie charge un peu le jeu, les lignes vocales s'empilent dans un équilibre parfait, ce qui est un véritable tour de force puisque le titre en question dépasse les huit minutes... Du grand art !
"Deathray" ne rompt en rien la dynamique avec son mid tempo torride, mais "March of the Poozers" est... D'un autre monde ! Une mélodie presque Pop, des noeuds vocaux à la QUEEN, un refrain saccadé contaminant, et une rythmique plombée qui une fois de plus illustre à merveille la fameuse marche du titre. Une telle musique à ce niveau de créativité n'a plus rien d'humain, et sonne comme le fantasme onirique d'un homme qui a depuis longtemps échappé aux règles du monde normal. Si "Wandering Eye" laisse la place à la narration quasi pure, "Earth" pousse tous les potards à fond, et dessine un tourbillon spatial dans lequel les personnages dérivent et s'affrontent verbalement. Mini symphonie exubérante, menée par une guitare ludique et une batterie qui ne l'est pas moins, c'est sans doute le morceau qui rappelle le plus "l'ancien" Devin et ses tics grandiloquents toujours aussi fascinants.
Mais "Ziltoid Comes Home" vient rapidement rompre ce confort illusoire, avec son abattage digne du dézinguage de "Detox" sur City. Morceau à tiroir, avec tellement de parties différentes qu'il parait impossible de les comptabiliser, c'est une virée en roue libre qui arrive à rester cohérente, et sur laquelle Ryan Van Poederooyen part complètement en vrille. Une fois de plus, les choeurs sont omniprésents et les parties vocales ridiculisent n'importe quel groupe de Metal symphonique au monde, en nous collant en orbite et nous faisant tourner comme des derviches de l'espace.
"Through the Wormhole" intermède narratif improbable, part en couille total, et nous laisse à la merci des personnages. Le côté dessin animé du projet prend complètement forme, s'autorise quelques pets, avant que le final somptueux de "Dimension Z" ne clôture l'histoire...
Puis le narrateur nous annonce de sa voix de baryton que Ziltoid se réveille soudain, sur une planète bizarre faite de boules et de poussière. Mais est il vraiment seul... Il semblerait que non, et que le chapitre deux de ses aventures appelle une suite...
Il est évident que les réfractaires à l'univers si particulier de Devin ne trouveront pas de quoi les contredire sur cet album, que sept années auront rendu indispensable. Si le premier des deux CD est assez conventionnel dans sa forme, et se pose en suite logique d'Epicloud, le second est quelque chose d'unique, que seuls les fans du bonhomme sauront apprécier à sa juste valeur.
Z2 est un cartoon barge, et les planches dessinées sur Dark Matters sont accompagnées d'une musique étrange, unique, qui bien sur reste à des années lumière de ce que les musiciens "classiques" sont capables de produire. Si Ziltoid the Omniscient était à l'époque un intermède dans la carrière prolifique du Canadien, il prend aujourd'hui une nouvelle dimension, bien plus riche et dense, et pourrait compter parmi les oeuvres les plus importantes de son auteur/compositeur.
Bien sur, il faut s'adapter à ce mélange incessant de chansons et d'interventions narratives, mais les deux combinés produisent un effet énorme, et leur association donne à l'histoire un cachet incroyable, pour peu que vous soyez anglophones. Si toutefois cela vous dérange, le CD sortira en coffret triple, qui outre les deux galettes chroniquées, comprendra une troisième pièce, sur laquelle vous retrouverez Dark Matters en version uniquement musicale et débarrassée de tous les dialogues.
Z2, mon cher Devin, en dépit de ses atours comiques représente peut être le sommet de ta carrière en tant que musicien. Mais qui peut savoir quel lapin tu sortiras de ton chapeau la prochaine fois ? En attendant, tu nous a embarqué une fois de plus sur ta planète, qu'on retrouve avec bonheur et malice.
Peut être pourrais tu passer à la maison prendre un café ?
J'ai je crois, un bon Moka que toi et ta petite créature saurez apprécier...
Ajouté : Mercredi 04 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Devin Townsend Website Hits: 5670
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