OOZING WOUND (usa) - Earth Suck (2014)
Label : Thrill Jockey
Sortie du Scud : 21 octobre 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Post Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 48 Mins
En lisant la bio de OOZING WOUND, je constate qu'ils se gaussent des dérives de la modernité, qu'ils observent avec ironie la dégénérescence de notre société et de ses petites habitudes mesquines. Se poseraient-ils en observateurs chafouins comme le fut notre regretté Desproges ? Si tel est le cas, Dieu soit loué, nous en avions grandement besoin...
Nous avons affaire aujourd'hui à un trio de Chicago tout sauf conventionnel en tout cas... Leur premier effort, Retrash avait semé le doute, mais à l'écoute de ce Earth Suck, il n'est plus permis, les trois compères sont complètement barrés, et du coup, je les adore. Obligatoire, gratuit, et sans explication. Enfin si un peu quand même.
Le but "avoué" de OOZING WOUND est de renouveler le Thrash, et de lui injecter du sang neuf. D'une part, en laissant de côté ses préoccupations favorites (Gore, meurtres, serial killers, vilain pan-pan), d'autre part, en le déconstruisant pour n'en garder que l'essence de base, pour finalement le remonter à leur sauce. Et leur sauce est épicée, très. Mais goulue, très aussi.
Zack, en tant que guitariste chanteur, tu es une perle. Ta façon de triturer un riff initial pour l'emmener dans la direction totalement opposée est un délice. Ta façon de chanter/beugler comme un Zappa sous acides est savoureuse. Tes textes ont cette délicate distanciation qui te permet de juger tes contemporains sans paraître donneur de leçons. Kyle et Kevin, votre sens de la rythmique est inénarrable. Cette façon de courir comme des dératés, de tout donner à chaque seconde comme si elle était la dernière est unique. Comme cet album d'ailleurs.
Thrash ? Quelque part, Earth Suck l'est. Par petites touches, subrepticement, sans crier gare. Pourtant, l'album débute tout autrement, comme un vieux coup fourré qui vous fait bien marrer. "Going Through The Motions Til I Die", ça pourrait être un délire de Josh Homme raide au peyotl. Un genre de truc bancal, un peu stoner, mais salement défoncé. Et jouissif par la même occasion. Et puis comme ça, on tombe sur un éclair de folie d'une minute et trente et une seconde, "Bury Me With My Money"... Un machin improbable, qui m'a fait penser à ma mère déclamant avec lassitude son sempiternel "On l'emportera pas dans la tombe", en parlant de l'argent. Mais ma mère n'a jamais mené de ruade aussi violente pour s'exprimer, alors qu'ici, le ciel vous tombe sur la tête... Je ne sais pas, essayez d'imaginer "Necrophobic" repris par Dave Grohl, Buckethead et Les Claypool après une cuite à la tequila, et encore, vous serez loin du compte...
Le Thrash, on le retrouve aussi dans le riff de "Genuine Creeper", mais joué façon Post Rock sur une trame sonore Black années 90, enregistré dans une cave, mélange de tempo Hardcore et d'accélérations blast bien cramées, avec ces tierces malicieuses qui se foutent de votre gueule. On le retrouve aussi sur la plus grande partie du très lysergique "Hippie Speedball", mais après une bonne dose de Doom qui ferait baver d'envie ce bon vieux Geezer lui même. “I can’t wake up without my hippie speedball”. Heu, ben du coup, je veux bien en prendre aussi si ça me met dans le même état que vous ! Mais vous êtes vraiment sérieux ?? Zack, tu peux vraiment hurler comme ça, tout le temps ??? Et toi Kyle, ces roulements, tu les tiens en live ? En gros, et pour faire simple, si un énorme groupe de Post Hardcore, genre NEUROSIS ou CULT OF LUNA, se décidait à adapter le Thrash à ses vues, ça ne donnerait pas autre chose. Point.
Par contre, inutile de le chercher dans le long et torturé "When The Walls Fell". Non, là, OOZING WOUND joue plus sur le terrain de la déstabilisation, un peu à la manière des COILGUNS, en encore plus opaque et bruyant (si, c'est possible). Un peu foutoir, un peu torture, très core en tout cas. Même constat pour le jeu de mot "Colonel's Kernel" (Kernel étant la retranscription phonétique anglaise du mot colonel), qui se permet même un break central furieux, hypnotisant et répétitif à outrance, durant lequel les trois timbrés répètent le même motif bruitiste pendant près d'une minute, avant de finir le morceau sur un feedback/larsen infect...
Quant au final "False Peak (Earth Suck)"... VENOM joué par des Punks très facétieux MAIS bon musiciens ? ISIS repris par un obscur combo de Speedcore pas timide pour deux sous ? En tout cas, même sans créneau ou définition, c'est l'apothéose du disque, l'épilogue sur lequel Zack, Kyle et Kevin lâchent tout, l'inspiration, énorme, le rendu, physique, les délires rythmiques, absolus, et les boucles infernales, cathartiques. Zack se racle ce qui lui reste de cordes vocales, les deux K se permettent tout, la guitare part en vrille, ose des trucs qui auraient même paru excessifs à Morello, en gros, c'est le défouloir, mais un putain de panard !!! Et comme si tout ça n'était pas assez jubilatoire - et dans une tentative désespérée de comprendre l'absurdité de la nature humaine et sa condition inéluctable je présume - le trio achève ce morceau impensable dans un fracas chaotique de rythmique unique et qui tourne en boucle. Et le pire, c'est que je les imagine trop bien, dans leur salle de répète, se secouer comme des pruniers sur ce loop infernal qui n'en finit pas de tourner, avant de rejoindre son centre et de se briser net...
J'ai lu sur un très bon zine étranger que les OOZING WOUND étaient les NIRVANA du Thrash... Cette image était elle un moyen de faire une comparaison provocante, ou bien était elle justifiée ? Ayant vu la bande à Cobain on stage, je confirme que parfois, leurs exactions avaient de quoi terroriser l'amoureux de la logique. Et en partant du principe que Dave, Kurt et Krist étaient fans de SLAYER, je me dis que si l'envie leur en avait pris, ils auraient pu jouer le Thrash de cette façon...
Un peu de la même façon qu'avait BLIND ILLUSION d'aborder la chose, OOZING WOUND est aussi proche du Thrash dans la forme que KRAFTWERK pouvait l'être du Funk sur The Man-Machine. L'ossature est là, certains tics aussi, mais le résultat en est si éloigné qu'il est difficile de les affilier à cette catégorie. Alors j'ai pris un raccourci débile, et j'ai appelé ça du Post Thrash.
Mais bon, en fait, on s'en fout. Le principal, c'est de comprendre que Earth Suck est une bombe libertaire, un joyeux bordel organisé, joué par un trio qui n'a cure des étiquettes. Et qui ne craint pas, mais alors, pas du tout.
Ajouté : Mardi 03 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Oozing Wound Website Hits: 5932
|