RIGOR MORTIS (usa) - Slaves to the Grave (2014)
Label : Rigor Mortis Records
Sortie du Scud : 7 octobre 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 48 Mins
Voila un retour qui va faire plaisir à pas mal de monde... Une des légendes de l'underground Thrash américain qui se décide vingt trois ans après sa séparation d'en remettre une couche, ça mérite une oreille attentive et un minimum d'enthousiasme !
RIGOR MORTIS, ce sont deux albums et un EP, entre 1988 et 1991, tous indispensables à leur façon. Un son vraiment à part, une variété de compositions incroyable (très marquée entre les différents albums qui n'ont rien à voir les uns avec les autres), et une originalité dans l'approche du style qui les rendait vraiment attachants. Quel fan de Thrash a pu oublier ce séminal et tonitruant premier album éponyme et son "Demons" qui aurait fait merveille en tant que bande son des films éponymes de Lamberto Bava ? En tout cas, il semble que certains n'aient pas la mémoire courte, puisque pour financer ce nouvel album, le quatuor d'origine a du passer par le site Indiegogo, qui comme beaucoup d'autres fait appel à la générosité des fans pour lever des fonds afin d'enregistrer un album, ou lancer une tournée.
Il est vrai que sans offrir de promotion, et en certifiant que ce disque ne connaîtrait pas de suite, les labels avaient de quoi se montrer frileux. Mais en procédant de cette manière, RIGOR MORTIS a pu travailler à sa manière, et enregistrer sans aucune pression, ce qui se sent immédiatement à l'écoute. Car nous avons affaire à un véritable classique du groupe, qui aurait sans conteste pu sortir immédiatement après Rigor Mortis vs The Earth et compléter ainsi la trilogie démoniaque laissée en héritage par le quatuor.
Et il est d'autant plus facile d'apprécier le résultat lorsqu'on connaît toutes les difficultés qu'à du affronter le combo pour en arriver là. Ainsi, la perte de son guitariste Mike Scaccia n'en est pas la moindre, et on peut voir en Slaves to the Grave le plus bel hommage rendu à un musicien/ami de toujours. Car même si le titre prophétique résonne d'une façon un peu macabre à posteriori, il ne cache rien de moins qu'une dizaine de classiques que le regretté Mike peut considérer comme un legs de valeur, et en être fier.
"You're food for worms, you're flesh for flies"
Car avant de décéder tragiquement d'une crise cardiaque sur scène, Mike avait pris soin d'enregistrer ce qui restera son testament, et a sorti de sa guitare des riffs typiques de son jeu unique, qui animent des compositions efficaces de bout en bout. Le style incomparable de Scaccia, avec ce staccato si personnel sur la rythmique et ces mélodies hantées sur les soli illumine ce retour comme il le faisait sur ce premier album éponyme qui avait attiré l'attention sur le groupe il y a vingt six ans. Et pour bien affirmer leur position, les RIGOR MORTIS ont placé un de ses hymnes dont il avait le secret dès l'ouverture, faisant de "Poltergeist" une tuerie cavalant sur plus de six minutes, caractéristique de l'ambivalence de leur Thrash si décalé.
Séparée en deux parties bien distinctes, "Poltergeist" après trois minutes de furie à la "Demons" s'apaise soudain dans un final dominé par une guitare et une ambiance que les GOBLINS auraient pu imaginer pour mettre en musique une séquence onirique du Dario ARGENTO des 70's. Tout ce qui faisait de la charme de RIGOR MORTIS dès 1988 est là, livré tel quel, comme si l'aventure n'avait connu aucune interruption. Rythmique galopante, guitare acide et tournoyante, chant grondant et vindicatif, avant que ces harmonies sorties de nulle part n'investissent l'espace.
Et pour mieux enfoncer le clou dans le cercueil des doutes, "Flesh For Flies" déboule à cent à l'heure, hymne Thrash comme on en fait plus beaucoup, bâti autour d'un riff si redondant qu'il menace d'exploser à chaque seconde, transcendé par le chant habité de Bruce Corbitt dont la voix si particulière a gagné en maturité et concision. La maturité est d'ailleurs ce qui semble être le maître mot de cette opération, tant le groupe a porté sa musique le plus loin qu'il a pu, avec le recul et la sagesse que les années ont pu lui apporter. br>
Ca donne parfois des choses étranges ('The Infected", contrôlé mais à l'intro digne de la BO d'une course poursuite dans un labyrinthe la nuit), des souvenirs lointains qui remontent à la surface ("Fragrance of Corpse", mid tempo Speed Thrash roublard qui semble sortir d'un sampler des années 80), ou même un instrumental harmonieux qui monte en puissance ("Sacramentum Gladitorum" et son solo final qui déchire le ciel et prend une plus grande ampleur encore après la mort de son interprète).
Et si la marque de fabrique de RIGOR MORTIS n'en reste pas moins ces rudes bourrasques qui vous laissent suffocant (outre ceux déjà cités, "Curse Of The Draugr" en rajoute une couche avec ses choeurs d'outre tombe), la diversité de Slaves to the Grave fait monter d'un cran sa valeur ("Ancient Horror", toute en contretemps laminants et en invocations vocales, "Bloodbath" qui débute comme un inédit d'EVIL DEAD, et qui s'achève dans la même délicatesse que "Poltergeist"), jusqu'à l'épiphanie finale de "Ludus Magnus" qui s'étire sur plus de neuf minutes en une longue harangue guerrière glauque et linéaire, à peine entrecoupée par un superbe solo mêlant vitesse, dextérité et harmonie. Etrange de mettre un point final à un album avec un tel titre, tant on aurait pu s'attendre à une dernière attaque au bélier, courte et intense. Mais Slaves to the Grave n'est décidemment pas un album comme les autres, surtout en prenant en compte l'attente qui l'a précédé. Et seule l'imagination et la créativité semblent avoir été les moteurs essentiels de sa création.
Le destin est parfois cruel. Alors que depuis deux ans, RIGOR MORTIS préparait son retour, le destin en a décidé autrement. En lui volant son principal compositeur, son guitariste génial et surtout un ami d'enfance, il a brisé les ailes du groupe, mais il n'a en rien entamé sa détermination. Les trois membres restant (Casey Orr, Bruce Corbitt, et Harden Harrison) tourneront pour interpréter les chansons de feu Mike sous le nom de WIZARD OF GORE, et continueront donc de nous effrayer avec leurs histoires d'horreur et leur Thrash incendiaire et décalé. Mais au delà de la simple nostalgie, Slaves to the Grave est un putain de très bon disque, que les fans vont adorer, et qui permettra peut être à tous ceux qui avaient ignoré cette histoire de s'intéresser à un groupe unique et génial, et qui l'est toujours autant vingt trois ans après sa séparation.
Ajouté : Mardi 03 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Rigor Mortis Website Hits: 5296
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